Life

Trois destinations pour se régaler en dehors de Paris

Temps de lecture : 6 min

La capitale n'a pas le monopole de la gastronomie. La preuve.

Le Toya.
Le Toya.

A l’approche des beaux jours, voici trois destinations de week-end ou de séjour pour des gourmets soucieux de créativité culinaire et de plaisirs de bouche dans la France du bien vivre.

Le Neuvième Art

A 17 kilomètres de Saint-Etienne, dans un gros bourg de 14.300 habitants, Christophe Roure, Breton d’Arzon (Morbihan), a transformé l’ancienne gare en un charmant restaurant de cuisine moderne dont tous les plats, une dizaine seulement, provoquent curiosité et désir. Ce quadra réservé, passionné par son artisanat, MOF en 2007, membre des Toques Blanches, la crème des cuisiniers de la région lyonnaise, chef de l’année à Lyon en 2009, a bénéficié d’une formation hors pair –dix années passées à la Poularde à Montrond-les-Bains, chez Paul Bocuse, chez Pierre Gagnaire et chez Régis Marcon, trois étoiles. Le Michelin lui a donné deux étoiles en 2008, 82 titulaires en France seulement, une récompense amplement méritée.

Pour les entrées, les cannelloni de tourteau sont accompagnés d’une mousse de riz basmati aux algues Nori, caviar Kristal, d’une délicate finesse (36 euros), le foie gras chaud s’enrichit de billes de coings au jus acidulé (36 euros). Côté poissons, la grosse langoustine bretonne est pochée dans un bouillon d’infusion, agrémentée d’un petit artichaut violet et de galettes frites à la crevette, composition originale (42 euros).

Dans le registre des viandes, la poitrine de pigeon est traitée aux betteraves acidulées, la cuisse confite en pastilla au jus de mûre et marmelade d’oranges amères, une symphonie de goûts justes (43 euros) et l’agneau de l’Adret aux saveurs orientales est servi comme un couscous (43 euros). Oui, un travail d’orfèvre culinaire à chaque assiette.

Parmi les trois gâteries à peine sucrées, un gâteau mousseux «poire chocolat» et un sorbet poire (23 euros) puis une tarte citron meringuée mise sous cloche (23 euros). On le voit, un chef créateur qui cherche à mettre en valeur le produit de base par des garnitures appropriées sans esbroufe ni tape-à-l’œil: de la graine de grand cuisinier recommandé par son voisin de Roanne, Michel Troisgros, pas rien. Typiquement, une adresse assez chère pour fins palais, elle vaut le détour.

Le Neuvième Art Place du 19 mars 1962, 42170 Saint-Just-Saint-Rambert. Tél.: 04 77 55 87 15. Menu 2 plats à 77 euros, 3 plats à 100 euros. «Menu Confiance» servi en 4 plats à 120 euros ou 135 euros. Fermé dimanche et lundi.

La Table du Connétable

En face des écuries de Chantilly, l’Aga Khan, grand bienfaiteur de la cité du cheval, a fait édifier dans l’ancienne gendarmerie une sorte de palace élégant, doté d’un patio et d’un spa avec piscine chauffée. Voilà une agréable destination de week-end, à trente minutes de Paris, pour le bien-être, le farniente, les plaisirs de la table, et les courses hippiques à venir.

Au cœur du site historique flambant neuf, deux restaurants tenus par Arnaud Faye, un espoir de la haute cuisine française, doublement étoilé à l’Espadon du Ritz aux côtés de Michel Roth. C’est sa première place de chef exécutif à 34 ans, et il a toute liberté pour concevoir et réaliser des cartes goûteuses, enlevées, à la Table du Connétable, logée dans un cadre lumineux, aux teintes pastel –étoilée Michelin au bout de huit mois seulement, chapeau.

Long jeune homme distingué, dix ans d’expérience au piano, Arnaud Faye n’est jamais meilleur que quand il envoie ses préparations lestées de trois garnitures comme l’exigent Joël Robuchon et Michel Roth: ne pas charger l’assiette. Exemples: les morilles étuvées au vin jaune, gnocchis de polenta à l’ail des Ours et jambon Bellota (42 euros), les langoustines vivantes aux asperges blanches laquées au thé, crème de pinces (48 euros) et avec du caviar français (70 euros). Voilà des mises en bouche chics, bienvenues et de saison.

Pour suivre, l’omble chevalier est cuit à l’assiette, petits pois et morilles étuvées à l’ail, l’enrichissement végétal de cet admirable poisson des lacs à la peau nacrée (54 euros), le turbot est rôti sur l’arête, escorté de blettes, de crevettes croustillantes et de pommes soufflées aux algues Nori, magnifique composition digne du Ritz (68 euros) et le pigeon est proposé en pot-au-feu aux écrevisses et morilles, le bouillon est parfumé à la cardamome noire, un grand plat maîtrisé (56 euros).

Mais le chef-d’œuvre actuel reste la tourte en argile de pommes de terre et morilles où voisinent un sot-l’y-laisse de volaille, des abattis relevés d’herbes et de fleurs potagères, une innovation sidérante et jamais vue (52 euros). Du luxe gastronomique assurément, le contraire d’une auberge de campagne. On termine par un soufflé au pruneau à l’Armagnac (19 euros) ou un lingot moelleux de chocolat au gingembre (19 euros) à damner un saint.

Au Jardin d’Hiver, en face, l’offre est d’une plaisante simplicité: salade Caesar et poulet rôti au curry (19 euros), saumon mariné au fenouil (19 euros), cabillaud rôti aux légumes et jus d’herbes à l’échalote (29 euros), épaule d’agneau confite aux épices, risotto de pâtes aux petites légumes (29 euros), Paris-Brest à la noisette (11 euros).

Anthony, excellent sommelier, au nez d’œnologue, privilégie les vins de Bourgogne: Petit Chablis 2011 au verre à 9 euros et l’aligoté Bouzeron d’Aubert de Villaine, une merveille de fraîcheur, à 55 euros la bouteille –c’est le gérant actuel du domaine de la Romanée Conti.

Chantilly, berceau d’un sublime château cerné par les eaux, s’est doté d’une adresse hôtelière de grande classe et Arnaud Faye ira loin, les gourmets de l’Oise, de Senlis et d’ailleurs l’ont déjà plébiscité. Allez-y!

La Table du Connétable 4 rue du Connétable, 60500 Chantilly. Tél.: 03 44 65 50 00. A la Table du Connétable, menus Découverte à 88 euros et Dégustation à 125 euros. Carte de 120 euros à 160 euros. Ouvert au déjeuner vendredi et samedi, au dîner du mardi au samedi. Au Jardin d’Hiver, menus à 29 euros, 36 euros, 40 euros et 51 euros. Pas de fermeture. 67 chambres à partir de 550 euros, 25 suites.

Toya

Du nom du lac Toya sur l’île d’Hokkaido, au nord du Japon, où Michel et Sébastien Bras ont installé une dépendance nippone à Faulquemont en Moselle, ce restaurant aux lignes pures, très zen, est l’œuvre de Loïc Villemin, un jeune chef de 26 ans passé par d’excellentes tables comme l’Arnsbourg, trois étoiles à Baerenthal en Lorraine, le Relais Bernard Loiseau à Saulieu (triple étoilé) puis au Charlemagne à Pernand-Vergelesses en Bourgogne où le chef Laurent Peugeot l’a initié aux techniques et sortilèges de la cuisine japonaise. D’où de saisissantes créations franco-japonaises dans un village de 5.500 habitants à 38 kilomètres de Metz –pas de sushis ni de sashimis, mais une carte très élaborée, très savante, comme celle de Thierry Marx, deux étoiles au Mandarin de Paris.

Ainsi dans l’arrière-pays mosellan, en face d’un golf au green nickel, ce chef inventif propose un répertoire d’assiettes minimalistes d’une extraordinaire pureté de saveurs telle la déclinaison de thon rouge et l’entrecôte de thon rouge à l’huile, cuisson géniale, la langoustine aux légumes croquants dans un bouillon au sésame, le homard cuit dans sa carapace, petits pois, ail des Ours, le tout lové dans l’écume, le pigeon est cuit au foin, écume de pommes de terre de Noirmoutier, condiment aux coings et jeunes poireaux, et l’aplat de bonite, sorte de carpaccio aux arômes de dashi (bouillon à base d’algues kombu et de flocons de bonite séchée), pomme fruit et fleur de sel, de la fraîcheur marine intense, et le lieu jaune et langoustines à cru sont escortés d’asperges vertes baignées d’une mayonnaise chaude aux agrumes: un formidable récital ponctué par un voyage autour du chocolat, praline caramel, coulis de fruits rouges signé de l’excellent pâtissier Jérémie Gotti.

Saint-Jacques tiédies arrosées d'un bouillon dashi maison, restaurant Toya

Oui, un superbe chef de demain, comme l’écrit le Gault et Millau 2012, un élévateur de saveurs ainsi que Villemin se définit, et il y parvient grâce à son fabuleux doigté, son habileté technique à emporter l’adhésion du gourmet, un brin aventurier. La partition très élaborée de Loïc Villemin n’est pas un jeu intellectuel, comme chez Ferran Adriá en 2005, mais un mariage réfléchi, sensible des produits français et des influences du pays du saké et de la soupe miso. Le palais est intrigué et le mangeur conquis. La révélation de l’année.

C’est grâce à ses parents, restaurateurs hôteliers dans le même building, que ce chercheur de voluptés rares peut exprimer son formidable talent. Une brasserie et un four à pizza jouxtent le Toya, 30 couverts par service. Voilà une expérience culinaire intense à vivre si l’on va visiter le très beau Centre Pompidou à Metz.

Carte des vins à saluer, due au papa, riche de vins rares et de chef-d’œuvre: le Sancerre 2009 de Dagueneau et la syrah de Curtat, et l’admirable Meursault 2007 d’Arnaud Ente (70 euros), vigneron de l’année pour le Bettane Desseauve 2012. Une découverte majeure dans l’ancienne région des corons. Un défi pur et simple.

Toya, restaurant du golf, dans l’Hostellerie du Chambellan, avenue Jean Monnet, 57380 Faulquemont. Tél.: 03 87 89 34 22. Menus Plaisir au déjeuner à 35 euros, de Saison à 55 euros, Découverte à 65 euros, Carte Blanche à 89 euros. Fermé dimanche soir, lundi et mardi. 44 chambres à partir de 104 euros.

Nicolas de Rabaudy

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