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Pour les Français expatriés en Libye, la vie «normale» attendra

Temps de lecture : 3 min

Les 300 expatriés réclament depuis des mois la sortie du pays de la «zone rouge» du Quai d'Orsay. Mais c'était avant l'attentat contre l'ambassade à Tripoli mardi matin...

Laurent Fabius sur les lieux de l'attentat contre l'ambassade de France à Tripoli (Libye), le 23 avril 2013. REUTERS/Ismail Zitouny.
Laurent Fabius sur les lieux de l'attentat contre l'ambassade de France à Tripoli (Libye), le 23 avril 2013. REUTERS/Ismail Zitouny.

Tripoli (Libye)

Le timing est des plus terribles. Lundi 22 avril, l’ambassadeur de France en Libye, Antoine Sivan, conviait la communauté française à une réception dans sa résidence pour la venue des députés Jacques Myard (UMP) et Jean Glavany (PS) dans le cadre de leur rapport parlementaire sur le «Printemps arabe». Comme à son habitude, le diplomate martèle les deux revendications des quelque 300 Français expatriés: une ligne aérienne directe entre Tripoli et Paris et surtout le déclassement de la Libye de la zone rouge (insécurité maximale) sur le site du Quai d’Orsay.

Le lendemain, peu après 7 heures du matin, deux voitures explosaient (une complètement et l’autre partiellement, selon nos informations) devant l’entrée de l’ambassade de France à Tripoli, située à Hay Andalus, un quartier résidentiel huppé de l’ouest de la capitale libyenne. Deux gendarmes de faction ont été blessés, dont l’un sérieusement.

Ce n’est pas encore demain que les expatriés tricolores pourront vivre une vie «normale». Si la mutation professionnelle en Libye signifie des primes supplémentaires à cause de la dangerosité du pays, le déménagement entraîne aussi des contraintes strictes. Couvre-feu, résidence surveillée, garde du corps, logement dans les hôtels, déplacements restreints, etc., la liste des règles à respecter n’est pas mince.

Couvre-feu, camp et gardes du corps

Ainsi, les employés de Total n’ont pas le choix de l’hébergement: ils sont obligés de vivre dans un camp surveillé 24h/24. Officiellement, les repas entre amis et les fêtes leur sont interdits le soir tombé; seules les réunions de travail tardives sont une excuse suffisante pour braver le couvre-feu imposé par le géant pétrolier français. Tel responsable d’une grande société française a lui le droit de sortir la nuit tombée, mais seulement accompagné de gardes du corps.

«Nous avons banni les voitures avec le 16 bleu [sur les plaques minéralogiques, qui indique que la voiture appartient à un Français, NDLR] et les sorties nocturnes. Nous avons établi un suivi du personnel [français ou non] car l’appartenance à une société française peut être un danger pour eux», explique Oliver Bernos, le représentant de la Sidem, entreprise spécialisée dans la désalinisation, à Tripoli.

Les expatriés français font également face à une autre contrainte de taille: l’impossibilité de faire venir leur famille. Une interdiction qui a amené à un paradoxe ubuesque. En septembre, l’ambassade de France se félicitait de la réouverture de l’école française, qui ne compte… que deux élèves de nationalité française.

Outre les services de protection habituelle, une compagnie de sécurité française basée en Libye depuis plusieurs années demande à ses clients de respecter des mesures à suivre au quotidien pour se faire repérer le moins possible par la population. Un des employés résume:

«Ne pas parler en français fort dans la rue, éviter de téléphoner en français dans la rue, éviter les voitures rutilantes pour en préférer des passe-partout et être toujours accompagné d’au moins deux Libyens dans la voiture.»

Tripoli n'est pas Benghazi

Depuis au moins l’automne dernier, et la venue de Laurent Fabius en Libye en tant que premier représentant étranger invité à parler devant le Congrès national, la communauté française milite pour un assouplissement des règles. Cela passait notamment par une sortie de la Libye de la zone rouge du Quai d’Orsay, qui favoriserait l’assouplissement des règles de sécurité édictées par les entreprises à Paris et ne nuirait pas au business, argumentaient les chefs d’entreprises.

La mort de l’ambassadeur américain Chris Stevens, le 11 septembre dernier, et l’attaque contre le consul italien en janvier n’avaient pas entamé la détermination des Français. Ces deux attaques s’étaient déroulées à Benghazi, la capitale de la Cyrénaïque, à l’est de la Libye, et non à Tripoli, où aucune ambassade n’avait été prise à partie depuis la chute de Kadhafi.

Même la décision de Ponticelli, société de tuyauterie industrielle et sous-traitant pétrolier en Libye, de quitter le pays à la fin de son contrat le 31 mars n’avait pas fait fléchir la volonté de la plupart des Français. La société avait décidé de quitter la Libye pour, entre autres, des raisons de sécurité: le site pétrolier offrait de nombreuses analogies avec le site gazier d’In Ameinas en Algérie, pris d’assaut en janvier par des islamistes.

La perspective de vivre en Libye dans des conditions plus flexibles était bien présente jusqu’au bout. Encore mardi soir, Jacques Myard glissait à l’auditoire que la situation actuelle en Libye lui semblait préférable à celle de l’Egypte. Mais ça, c’était avant…

Mathieu Galtier (à Tripoli)

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