Alain Ducasse, 56 ans, titulaire de trois fois trois étoiles à Paris, Londres et Monaco –du jamais vu dans le guide rouge– est devenu, grâce à ses équipes, un extraordinaire formateur de cuisiniers à travers ses enseignes (28 dans le monde) et ses écoles professionnelles. Notez que le chef landais est un ardent défenseur du Michelin, attaqué de toutes parts.
La transmission des connaissances, des techniques, de la gestuelle, l’éthique du métier, le respect des autres font partie de ses préoccupations majeures: c’est le fondement actuel de sa vie de leader incontesté, si bien menée. A ce jour, Ducasse a fourni des postes de chefs à 250 brillants cuisiniers dont la plupart, l’élite, ont décroché des étoiles et accompli une singulière carrière au piano en France, aux Etats-Unis, au Canada, au Brésil, en Australie, au Caire, à Tokyo, à Dubaï... Gordon Ramsay, son rival britannique, trois étoiles à Londres, emploie Clare Smyth à Hospital Road, sortie de la dream team ducassienne.
L’enseignement d’Alain Ducasse, c’est l’école de l’exigence, de la rigueur et de l’excellence –une sorte de Polytechnique des arts culinaires, en constante évolution. La devise du valeureux chef, fils d’une éleveuse de volailles landaises, c’est: savoir-faire et faire savoir.
Voici une sélection de chefs d’ici et d’ailleurs qui doivent beaucoup à Alain Ducasse –et d’abord l’amour du métier, le feu sacré selon la formule de Paul Bocuse, le père spirituel du créateur de la cocotte de légumes à la truffe.
Franck Cerutti
Le Niçois aux cheveux bouclés a été recruté par Alain Ducasse à ses débuts pour le Juana de Juan-les-Pins en 1975, deuxième étape du Landais sur la Côte d’Azur où il a eu deux étoiles. Cuisinier paysan, fin connaisseur des légumes des collines, Cerutti a été le fidèle des fidèles: premier chef au Louis XV à Monaco, l’homme du marché quotidien, il est aujourd’hui chef exécutif des trois restaurants de l’Hôtel de Paris, un as et formidable recruteur de seconds.
Bruno Cirino
D’origine italienne, second d’Alain Ducasse à Monaco, fabuleux découvreur de produits sudistes, arpenteur de marchés, il remplaçait le chef quand il était absent. Aujourd’hui chef patron deux étoiles à l’Hostellerie Jérôme à La Turbie.
Frédéric Vardon
Elève d’Alain Chapel à Mionnay où il rencontre Alain Ducasse, son mentor, qui l’envoie à Paris installer le restaurant d’Hédiard, place de la Madeleine. Premier épigone ducassien, doué pour tout, organisateur hors pair, étoilé Michelin en 2011 au 39V, restaurant au 6e étage du 39 avenue George V. Ce chef patron mitonne des plats de cuisine bourgeoise dont des pâtes fraîches aux truffes à des prix aimables. Un «must» à Paris.
Christophe Moret
Propulsé par le Landais au Plaza Athénée où il a hérité des trois étoiles conquises par Ducasse, il a pu ajouter des plats signés de lui avant de filer chez Lasserre, une institution parisienne où il a su conjuguer des préparations historiques, le pigeon André Malraux, des créations savoureuses et des plats végétariens: Lasserre au top?
Christophe Saintagne
C’est l’un des auteurs principaux des ouvrages culinaires d’Alain Ducasse qui l’a promu chef du Plaza Athénée, suprême gratification de la dream team: y a-t-il meilleur poste de chef, plus formidable responsabilité à Paris que d’envoyer ces grands classiques, la langoustine rafraîchie au caviar, le pâté chaud de pintade ou poularde Albufera? Des leçons de haute cuisine dans un cadre patricien.
Jean-Louis Nomicos
Commis au Juana à 19 ans, ce Marseillais a sué sang et eau dans les brigades ducassiennes où il a gravi tous les échelons de la hiérarchie. De cette expérience au sommet, il a rapporté un plat phare: le gratin de macaroni aux truffes, foie gras, parmesan servi à la Grande Cascade, chez Lasserre, et, aujourd’hui, aux Tablettes à Paris où Nomicos est chez lui aux côtés de son épouse –deux étoiles avant la troisième. Additions modérées.
Jean-François Piège
Formé au Louis XV de Monaco, ce Drômois qui éblouit Ducasse par sa technique sans failles et une créativité époustouflante a pris son envol au Crillon (en travaux imminents), puis chez Thoumieux, une brasserie new look ouverte avec Thierry Costes comportant une salle à manger privée de 25 couverts au premier étage, élégante et chaleureuse. Aux fourneaux, Piège prépare en personne un récital de plats travaillés, imprévus, sensibles, des merveilles de goût. Pas hors de prix.
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Hélène Darroze
La blonde cuisinière, experte en foies gras, est landaise comme Alain Ducasse qui l’a éveillé à la magie des casseroles. Son répertoire qui vaut deux étoiles (une seule pour le Michelin) s’est étoffé bien au-delà des influences de la mémoire du Sud-Ouest –son homard bleu cuit à la nacre est une merveille. Aussi, ses mets façon tapas au rez-de-chaussée de son beau restaurant de la rue d’Assas.
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Dominique Lory
Ce talentueux membre de l’équipe ducassienne à Monaco a pris la succession de Pascal Bardet, trois mille repas au Louis XV, fabuleux restaurant-musée que Ducasse a métamorphosé voici un quart de siècle. Le disciple aux mains d’or ne s’écarte pas des plats emblématiques et saisonniers dont les gamberoni (grosses crevettes) de Gênes et le foie de canard à la braise. La fidélité au dogme ducassien, chapeau.
Benoît Witz
Initié par Alain Ducasse, ce cuisinier à la gestuelle précise s’est toqué de l’Abbaye de la Celle et de son hostellerie tout entière vouée aux produits locaux de Provence, légumes, fruits et vins originaux –Charles de Gaulle logeait à l’étage quand il descendait voir son fils, officier de marine à Toulon. Attachés au patrimoine historique de notre pays, Ducasse et Witz ont redonné vie à ces murs chargés d’histoire, une étape de choix sur le chemin des vacances azuréennes.
Elena Arzak
La fille unique de Juan Mari Arzak a enrichi la carte de son père, véritable encyclopédiste de la mémoire culinaire basque en apportant le legs de Claude Peyrot, ex-trois étoiles au Vivarois, disparu, et les pratiques d’Alain Ducasse: il y a là, à San Sebastian (Espagne), une cuisine d’auteurs surprenante à des prix amicaux.
Alain Soulard
A la Tour Eiffel où Alain Ducasse a réinventé le Jules Verne, à 125 mètres d’altitude, toujours complet, un balcon sur Paris, il a placé ce fidèle au 58, la vaste brasserie du premier étage décorée par Patrick Jouin, autre habitué des multiples enseignes du Landais. Au déjeuner, un self-service à des prix imbattables dans ce monument de métal à la vue imprenable. Dîner classique, produits choisis, jolie cave.
Christophe Martin
A la Bastide de Moustiers, propriété d’Alain Ducasse, il fallait un bon cuisinier, capable de s’adapter à la rudesse du climat et des saisons des Alpes de Haute-Provence. Le Landais adopté par les Monégasques a su trouver la perle rare, un toqué de ce site provençal, amoureux des arbres, jardinier botaniste qui met en musique une mélodie gourmande «locavore», inspirée des joyaux du coin. Une halte revigorante.
Laurent André
Chef exécutif des deux restaurants du Royal Monceau relooké par Philippe Starck, cet élève passionné et hyperactif d’Alain Ducasse a obtenu deux étoiles au Michelin 2013 à la Cuisine, la table française aux belles recettes de saison (veau du Limousin), et au charmant restaurant Il Carpaccio, trente couverts, répertoire de cucina italiana de toutes les régions de la Botte. Pas donné, toujours complet.
Dans la plupart des restaurants conseillés par Alain Ducasse, le chef exécutif ou propriétaire fourni par le Landais fait décoller l’établissement: c’est le deus ex-machina qui trouve le maestro, français ou pas, et sait le motiver pour une nouvelle expérience.
Pour Beige, la table de Chanel à Tokyo, Ducasse a déniché un chef japonais (Kei Kojima), de même pour le Comptoir de Benoît à Osaka (Sochi Ueno). Quel chef saisi pour la passion des casseroles ne souhaite être distingué, choisi par Alain Ducasse?
A la Réserve de Beaulieu, l’arrivée du chef Romain Corbière, un des ténors de la dream team, ex-professeur à l’école de cuisine de Paris, devrait faire passer ce restaurant de rêve sur la Riviera de une à deux étoiles. Tous les moyens lui seront donnés par Jean-Claude Delion, le propriétaire.
Nicolas de Rabaudy