France

Jérôme Cahuzac, l'ex-maillon fort de Bercy

Temps de lecture : 2 min

Le ministre du Budget qui a démissionné ce mardi faisait le saignant boulot budgétaire. Dans un ministère des Finances qui comptait sept ministres bien différents, il savait tenir la barre avec visibilité et détermination. Il manquera à Hollande, dont il était un proche.

Jérôme Cahuzac et Pierre Moscovici  à l'occasion des vœux du ministère, en janvier 2013. REUTERS/Charles Platiau
Jérôme Cahuzac et Pierre Moscovici à l'occasion des vœux du ministère, en janvier 2013. REUTERS/Charles Platiau

Jérôme Cahuzac va cruellement manquer à François Hollande. C’est un vide qu’il laisse à Bercy dans un ministère où il y a un trop plein de ministres, sept, sans qu’aucun ne tienne la barre avec visibilité et détermination. Jérôme Cahuzac occupait une immense partie de ce qui fait défaut à ce ministère.

Ancien président de la Commission des finances, nommé en 2010 en remplacement de Didier Migaud, lui même placé premier président de la Cour des comptes par Nicolas Sarkozy, il était compétent. A l’heure où il faut pratiquer des coupes claires inédites dans les dépenses des ministères, des collectivités et des mécanismes sociaux, son expérience en cette matière aride, même relativement récente, était un bienfait.

Ancien boxeur, batailleur, il a osé affronter ses camarades lors du collectif et lors de la préparation de la loi de finances 2013, sans état d’âme. La rigueur lui allait, à son allure de sportif et son visage décidé.

Il avait deux défauts. Pour les socialistes, avoir gagné beaucoup d’argent et être riche. Il n’est pardonné que pour avoir été un fidèle militant du PS (rocardien) depuis l’âge de 25 ans. Pour les économistes, celui d’être resté «un budgétaire», haïssant les dépenses, adorant les rentrées, mais dont on ne distingue pas la doctrine économique.

On a su qu’il était contre la fameuse tranche d’impôts de 75%, par exemple. Mais était-ce par conviction fiscale ou parce que François Hollande dont il était proche, ne l’avait pas mis dans la confidence de ce projet? On ne saurait dire. On ne saurait dire non plus dans quel sens il a pu peser lors du collectif budgétaire de l’été 2012, début crucial, et malheureux, du quinquennat puis qu’il a été décidé de hausser les prélèvements sans guère toucher aux dépenses publiques.

Qu’importe. Pour tenir les engagements européens de la France devant ses partenaires, pour rassurer les marchés financiers, il était le ministre qu’il fallait: il faisait le saignant boulot budgétaire. Maintenant qu’il faut couper dans les dépenses, son départ nous prive de savoir où et comment il s’apprêtait à trancher.

Bon chirurgien donc. Il en faut de solides en ces temps de guerre. François Hollande perd un technicien solide dont personne ne contestait la compétence.

Des convictions économiques de Bernard Cazeneuve, nommé comme remplaçant au Budget, on ne sait guère plus. Il a voté «non» au référendum sur la Constitution européenne mais il est un vrai militant convaincu de l’Europe. Il est juriste de banque, il est d’une région nucléaire, le Cotentin.

Il ne semble pas devoir donner ce qui manque à Bercy: une ligne et un chef. Le ministère des Finances et un attelage trop nombreux et hétéroclite, le plus médiatique étant Arnaud Montebourg dont la politique étatiste, improvisée et brutale s’est écrasée sur le mur de la réalité mais qui a conservé, rentré, tout son ego et, par calcul, son positionnement à la gauche du PS.

Pierre Moscovici, le ministre en titre, n’a jamais su s’imposer, imposer sa ligne et sa main. Il aurait dû être «la parole de Bercy», rôle indispensable à tout président, et plus encore en ces temps de crise, de bouleversements gigantesques, de chômage et de désarroi des Français qui ne savent pas où on les mène. Il faudrait un Barre, mieux un Sully, Moscovici hésite et se cache.

Il n’est pas inutile, il démine d’avance le champ avec Bruxelles et Berlin: le passage réussi du déficit de 3% à 3,7% par exemple et ce n’est pas rien. Mais l’épisode de Chypre ce week-end le montre tel qu’il est: il est contre le plan de taxer les dépôts bancaires mais il ne s’oppose pas.

La France manque d’une politique économique autre que budgétaire. C’est à Bercy de la dire. Dans l’étrange et si laid bâtiment sur la Seine, le budgétaire est parti. Le stratège n’est toujours pas arrivé.

Eric Le Boucher

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