Pourquoi les Français sont-ils nuls en anglais? Slate.fr se penche sur cette question au travers d’une série de trois articles. D'abord, le constat: oui, les Français sont vraiment nuls en anglais, les études le démontrent. Quelle est la part de responsabilité de l'école dans cette situation? Et, enfin, quels sont les facteurs bien plus profonds et structurels qui influencent le rapport des Français à l’anglais, et même parfois aux langues étrangères en général?
Qui ne se souvient pas de la célèbre phrase de Jean-Pierre Raffarin, alors Premier ministre, en anglais teinté d’un accent français pour le moins prononcé pour défendre le «oui» au référendum pour la Constitution européenne en 2005:
L’ancien président Nicolas Sarkozy est aussi connu pour être fâché avec la langue de Shakespeare, qui lui a fait louper le diplôme de Sciences Po et lui vaut des plaisanteries de la part de son épouse lors des dîners mondains. Son successeur François Hollande a quant à lui récemment signé sa lettre de félicitations à Barack Obama après la réélection de celui-ci d'un «friendly», traduction approximative d’«amicalement» qui ne s’utilise pas comme formule de politesse en anglais.
Au-delà de ces exemples qui prêtent à sourire, le problème du faible niveau d’anglais des Français, et pas simplement chez les plus puissants, est bien réel. Dans son projet de loi pour la refondation de l’école de la République qui a été adopté par la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale et sera débattu en séance à partir du 11 mars, le ministère de l’Education nationale qualifie les résultats des élèves français en langues vivantes de «particulièrement alarmants», expliquant:
«Les enquêtes internationales montrent qu’ils sont non seulement loin de maîtriser les compétences attendues en fin de 3e, mais surtout qu’ils arrivent en dernière position de l’ensemble des élèves européens évalués pour la maîtrise de ces compétences.»
TOEFL
Si le ministère fait un tel aveu d’échec, c’est que le constat est effectivement implacable. De nombreuses études accablent régulièrement les Français. En 2009, les résultats du Test of English as a foreign language (TOEFL) (l’examen requis par la plupart des universités de langue anglaise comme condition d’admission des étudiants non-anglophones) pour 2008 plaçaient les étudiants français au 69e rang sur 109 pays en termes de maîtrise de l’anglais, et au 25e rang sur 43 en Europe élargie. «Les étudiants français toujours aussi nuls en anglais», concluait Le Monde.
Mais ce classement ne reposait que sur 20.000 étudiants en France, sur les 2,2 millions que comptait le pays lors de l’année scolaire 2008-2009. Surtout, contactée par Slate, Educational Testing Service, l'organisation qui gère les examens du TOEFL, explique que ceux qui comparent les performances au TOEFL par pays font «un mauvais usage des données»:
«Cette information est auto-déclarée par les étudiants et les données ne sont donc pas cohérentes d’un pays à l’autre.»
Education First
EF Education First, la plus grande entreprise privée d’éducation au monde, publie depuis 2011 un classement international de la maîtrise de l’anglais plus représentatif, avec un échantillon de 1,7 million de personnes sur trois ans dans plus de 50 pays. L’étude a aussi ses défauts: elle porte sur des personnes qui ont passé un test en ligne de leur propre gré, et qui ont donc par définition un accès à Internet et une envie de tester leurs connaissances.
Ses résultats sont tout de même intéressants, notamment parce qu’ils portent sur des adultes, contrairement à la plupart des autres études. En 2011, la France était 17e sur 44 pays, et pour 2012, elle se situe dans la moyenne, au 23e rang mondial sur 54 pays, dans la catégorie «niveau moyen». Pas si mal... sauf qu’elle est 15e sur 17 pays européens, devancée notamment par la Slovaquie, l’Espagne ou encore le Portugal. Seuls les Italiens et les Russes font moins bien que les Français. Les analystes qui ont mené l’étude écrivent:
«La France et l’Italie, deux grandes économies avancées, peuvent en particulier faire mieux. Nos données indiquent que le niveau d’enseignement de l’anglais en France et en Italie est inférieur aux normes européennes.»
CECR
Cette impression est confirmée par la première Enquête européenne sur les compétences linguistiques, publiée en 2011 par la Commission européenne. Cette étude, préparée depuis 2005 et menée selon des principes scientifiques rigoureux et complexes, porte sur la maîtrise des deux langues étrangères les plus enseignées dans 14 pays européens, avec un échantillon de 54.000 élèves âgés de 14 ans à 16 ans. Elle est de loin la plus poussée et la plus scientifique disponible sur le niveau de langue en Europe, et c’est cette enquête qui a déclenché la prise de conscience au ministère de l’Education nationale, où l’on concède sans détour que «la France a de mauvais résultats».
Le résultat est en effet sans appel: la France est avant-dernière dans la maîtrise de la première langue étrangère (l’anglais dans quasiment tous les pays) avec seulement 14% des élèves de troisième qui ont un niveau «indépendant», contre 82% à Malte et en Suède, les pays qui ont les meilleurs scores. Seule l’Angleterre, dont la première langue étrangère enseignée à l’école est le français, est derrière, avec 9% d’élèves au niveau «indépendant».
La France se classe un peu mieux en ce qui concerne sa deuxième langue étrangère, l’espagnol, mais reste en dessous de la moyenne, à la 9e place sur 14 pays. Elle fait partie des trois seuls pays qui sont en dessous de la moyenne à la fois dans la maîtrise de la première et de la seconde langue étrangère.
Les Français sont donc bien les mauvais élèves de la classe européenne en ce qui concerne la maîtrise de l’anglais.
Grégoire Fleurot
A lire aussi, les deux autres articles de notre série:
>> [2/3] Les Français sont nuls en anglais: la faute à l'école?
>> [3/3] Les Français peuvent-ils s'améliorer en anglais?