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Elections italiennes: pourquoi le scrutin se joue en Sicile et en Lombardie

Temps de lecture : 4 min

A quelques jours du vote, les partis politiques en course redoublent d’effort pour convaincre les derniers indécis. Les coalitions de centre gauche menée par Pierluigi Bersani et de droite menée par Silvio Berlusconi misent gros sur la Sicile et la Lombardie.

A Milan, 21 février 2013, une femme passe devant les affiches électorales du PDL. REUTERS/Paolo Bona
A Milan, 21 février 2013, une femme passe devant les affiches électorales du PDL. REUTERS/Paolo Bona

C’est à qui séduira le mieux le chômeur sicilien, ou le petit entrepreneur lombard. A gauche, on promet un retour à l’emploi en taxant davantage les riches. A droite, on promet une baisse des taxes pour soulager les Italiens de la pression fiscale.

Il n'y a pas de doute, le chômage et la fiscalité sont les thèmes clés de cette campagne. Des thèmes qui résonnent plus d'une fois dans les oreilles des Siciliens qui ont le plus fort taux de chômage du pays, et dans celles des petites entreprises du Nord de l’Italie, nombreuses en Lombardie, qui redoutent de nouveaux impôts.

Bien sûr, ces thèmes ne concernent pas que les régions Sicile et Lombardie, mais «il est certain que la Lombardie bénéficie d’un énorme investissement de la part des deux grandes coalitions, marqué par un grand nombre de meetings, de rencontres et une très forte activité de propagande», note Piero Ignazi, politologue et professeur à l’université de Bologne. Les moyens mis en place y sont d’autant plus importants que la Lombardie accueille, en même temps que les élections législatives, des élections régionales, destinées à élire le gouverneur de la région. Face à ce double enjeu, la campagne redouble d’énergie.

Marquer son territoire

Berlusconi était ainsi à Milan, la capitale de la Lombardie, le 18 février pour un de ses derniers grands meetings. Un retour aux sources pour le président du club de foot Milan AC. L’occasion pour lui de montrer à coup d’embrassade, son soutien au candidat aux élections régionales, le léguiste –autonomiste– Roberto Maroni. La veille, c’était Pierluigi Bersani, le leader de la gauche, qui prenait un bain de foule sur la piazza Duomo de la capitale économique italienne. Près de 30.000 personnes sont venues applaudir les grandes figures de la gauche réunies pour l’occasion, comme Romano Prodi, ancien président du Conseil, ou encore Giuliano Pisapia, maire de Milan.

Mercredi 20, direction le sud où la coalition de centre gauche organise un grand rassemblement à Palerme (capitale de la Sicile) sur la grande piazza Verdi. Une nouvelle fois, toutes les principales figures de la gauche seront présentes. Parmi elles Matteo Renzi, maire de Florence, numéro 2 du Parti démocrate (PD) et Nicchi Vendola, chef de file du parti écologiste SEL, également dans la coalition de gauche. Tous ces grands rendez-vous dans des lieux aussi stratégiques ne sont pas anodins à quelques jours du vote.

La Sicile et la Lombardie sont deux régions diamétralement opposées, et pas uniquement pour des raisons de géographie: la sudiste Sicile, avec un taux de chômage deux fois plus important que la moyenne nationale, est une des régions les plus pauvres d’Italie; la Lombardie est la région la plus riche, celle qui attire le plus d’investissements étrangers. En somme, elles sont le parfait exemple de la fracture classique entre l’Italie du Nord et le Mezzogiorno. Pourtant toutes deux jouent un rôle crucial, si ce n’est déterminant, dans ce scrutin.

Tout va se jouer au Sénat

Faisons un petit détour par la mécanique électorale des scrutins de dimanche et lundi. Les Italiens sont appelés à élire leurs deux assemblées: la Chambre des députés et le Sénat. Contrairement au modèle français, aucune institution n’est supérieure à l’autre, elles ont chacune strictement le même pouvoir législatif. D’après les derniers sondages, c’est la coalition de centre gauche qui devrait l’emporter à la Chambre. Pour le Sénat, c’est une autre histoire. Les scores sont très serrés. Si l’une des deux chambres n’avait pas de majorité, cela rendrait le pays presque ingouvernable.

Et le risque est bien réel que, lundi, ce soit l’instabilité qui l’emporte. Les deux chambres sont élues au scrutin proportionnel avec une prime de majorité. Pour la Chambre des députés par exemple, le parti qui remporte le meilleur score aux élections se voit directement attribuer 55% des sièges, soit une majorité confortable de 340 députés sur 630. Mais pour le Sénat –c’est là que ça se complique–, la prime de majorité est distribuée régionalement, un peu comme dans les élections présidentielles américaines. Quand un parti arrive en tête dans une région, il remporte automatiquement 55% des sièges de la région. Plus il y a de sièges en jeu, plus la prime de majorité est intéressante. Les partis vont donc se concentrer là où il y a le plus de sièges, c’est-à-dire dans les régions les plus peuplées, car le nombre de sièges attribués est proportionnel à la population.

Voici comment on arrive à nos deux régions vedettes. Avec la Campanie, le Lazio et la Vénétie, la Sicile et la Lombardie sont les régions les plus peuplées d’Italie. «Prenons l’exemple de la Lombardie divisée entre centre gauche et centre droit, explique Lorenzo De Sio, spécialiste des comportements électoraux au CISE (Centre italien des études électorales), celui qui gagne, ne serait-ce qu’avec une voix d’avance, remporte 27 sièges (sur un total de 49, NDLR). Celui qui perd devra non seulement se contenter des 22 voix restantes, mais il devra les partager proportionnellement avec les autres partis en lice, c’est-à-dire probablement le Movimento 5 stelle de Beppe Grillo et la coalition de Monti.» Une sérieuse perte qui affaiblirait nettement les chances d’une majorité au Sénat, soit 158 sièges sur un total de 315.

Scénario américain

Alors que la Vénétie penche fortement à droite, et que «le Lazio et la Campanie ont de fortes chances d’être remportées par la gauche», estime Lorenzo De Sio, la Sicile et la Lombardie sont les régions où les scores sont les plus serrés selon les derniers sondages. Un peu plus d’un point d’avance pour la coalition Bersani en Lombardie, un peu moins d’un point d’écart en faveur de Berlusconi en Sicile.

«Pour que la coalition de centre gauche puisse gouverner sereinement, il faut qu’elle remporte au moins l’une de ces deux régions. Si elle perd les deux, elle n’aura jamais la majorité au Sénat», poursuit Lorenzo De Sio. Comme aucun sondage ne peut plus être publié pendant les deux semaines précédant les élections, les deux partis font preuve d’optimiste, ou de méthode Coué. Dans une élection qui ressemble terriblement aux présidentielles américaines, avec des candidats qui ciblent les régions à fort potentiel, on se demande si la Sicile de février 2013 ne sera pas la Floride de novembre 2000.

Camille Maestracci

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