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Pourquoi la «démission» du pape Benoît XVI n'est qu'une demi-surprise

Temps de lecture : 3 min

Agé, fatigué, déstabilisé à Rome par les affaires, Joseph Ratzinger a annoncé sa «renonciation» pour le 28 février 2013. C’est la première démission volontaire d’un pape depuis sept siècles. Situation inédite: un nouveau pape sera a priori élu du vivant de son prédécesseur.

Benoît XVI, en septembre 2010. REUTERS/Stefan Wermuth
Benoît XVI, en septembre 2010. REUTERS/Stefan Wermuth

Provoquant la stupeur, le pape a annoncé sa démission lundi 11 février au matin au cours de la réunion d’un consistoire de cardinaux. Il a fait usage de l’article 332 du droit canon de l’Eglise catholique qui prévoit que «s’il arrive que le pontife romain renonce à sa charge, il est requis, pour la validité, que la renonciation soit faite librement et qu’elle soit dûment manifestée». Benoît XVI a parfaitement respecté la lettre de cette disposition. Il a renoncé à sa charge «librement» et l’a «manifesté» dans un texte très bref, lu en latin, dans lequel le 265e pape de l’histoire dit qu’en raison de l’«avancement» de son âge, il «ne se sent plus apte à exercer adéquatement le ministère de Pierre».

Il plaide donc l’affaiblissement de ses forces physiques et l’incapacité à administrer la fonction qui lui a été confiée. Il évoque aussi l’ampleur des tâches qui l’accablent et des défis qui attendent l’Eglise.

On ne peut donc pas écarter l’hypothèse que, diminué par l’affaire Vatileaks, qui a mis sens dessus dessus la Curie romaine, Benoît XVI ne se soit résigné à partir ou a été poussé à le faire.

Sa démission prendra effet le 28 février. Benoît XVI, élu pape le 19 avril 2005, aura 86 ans le 17 avril 2013. Il aura régné sur l’Eglise catholique et plus d’un milliard de fidèles pendant près de huit ans. Sa décision de démissionner est historique et courageuse: aucun pape ne l’avait fait depuis six siècles. Le pape Jean Paul II, prédécesseur de Benoît XVI (1920-2005), très affaibli par la maladie de Parkinson, avait été tenté de démissionner, mais il avait toujours affirmé que sa mission ayant été confiée par Dieu, c’est Dieu seul qui choisirait le moment d’y mettre un terme. Jean Paul II a accepté d’endurer ses souffrances jusqu’à la mort.

Un pas historique

Le pape Benoît XVI n’avait pas exclu de démissionner dans son livre de confidences rédigé avec le journaliste allemand Peter Seewald. Pour lui, expliquait-il, à l’heure des plus grands défis pour le monde et pour l’Eglise, le pape doit être en pleine possession de ses moyens.

Son renoncement n’est donc pas tout à fait une surprise. Certains estimaient, depuis des années, que Benoît XVI, pape âgé et humble, peu marqué par l’appétit du pouvoir, affaibli par les divisions au sein de son Eglise et de la Curie, était capable de franchir ce pas historique.

Mais, homme de tradition, on le croyait aussi sensible au risque de créer un précédent, de formuler une limite d’âge, même théorique, au pouvoir pontifical, contraignant ainsi ses successeurs, sensible aussi au risque de peser sur la liberté de choix du pape qui sera élu après lui.

Car la situation du prochain conclave, qui s’ouvrira deux semaines après que la démission de Benoît XVI ne sera effective, sera aussi complètement inédite. Ce sera la première fois depuis six siècles qu’un nouveau pape sera a priori élu du vivant de son prédécesseur. Imaginer des caméras de télévision dans son lieu de retraite, en Bavière ou à Rome, pour guetter ses réactions relèverait de la plus amusante des fictions.

Le prochain pape: Angelo Scola?

Mais la majorité des cardinaux qui participent au conclave sont des créatures du pape défunt ou démissionnaire. On peut donc s’interroger sur le degré de liberté des électeurs par rapport à celui qui les a nommés et est encore en vie. Comment imaginer que, du vivant de Benoît XVI, ils choisiront un successeur et des orientations de rupture ou de simple réforme?

Cela encourage déjà les pronostics en faveur de la prochaine élection d’un pape conservateur. Un nom circule sur toutes les lèvres: le cardinal Angelo Scola, 71 ans, avait été promu par Benoît XVI il y a 18 mois archevêque de Milan, le plus grand et prestigieux diocèse du monde, devenant le papabile (contraction en italien de pape probable) numéro un. Beaucoup y avaient vu un signe de Benoît XVI dans le processus, alors non ouvert, de sa succession.

Très conforme en matière doctrinale, théologien affirmé comme Benoît XVI, Angelo Scola s’est révélé comme un pasteur hors pair à Venise où il avait été le patriarche et où il s’était distingué par des positions très favorables au dialogue interreligieux, en particulier avec l’islam.

A moins que les 118 cardinaux électeurs (âgés de moins de 80 ans) ne décident d’aller chercher le nouveau pape en Amérique latine, en Asie, en Afrique –les continents où l’Eglise catholique puise aujourd’hui l’essentiel de ses forces– ce qui serait un autre première, mais qui est nettement improbable.

Henri Tincq

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