Le 4 février Marisol Touraine, ministre de la Santé évoquait la «véritable tragédie» vécue par un couple dont la femme enceinte prévoyait d’accoucher à la maternité de Port-Royal à Paris.
Elle précisait que trois enquêtes venaient d’être ouvertes pour établir les circonstances ayant conduit à la mort du fœtus. Le futur père avait auparavant porté plainte contre X pour «homicide involontaire». De nombreux médias ont alors parlé de la «mort d’un bébé» ou de «bébé mort in utero».
Que disent ici la médecine et le droit?
Qu’est-ce que «naître sans vie»?
Pour le droit français, l’entité «enfant sans vie» concerne un enfant déclaré à l’état civil mais pour lequel aucun «certificat de naissance» (acte de naissance) n’a été établi. Et ce du fait de l’absence de certificat médical indiquant que l’enfant était bien né vivant et viable.
Depuis janvier 1993, le code civil français distingue «l’enfant sans vie» de «l’acte d’enfant sans vie». Il s’agit d’établir une différence entre le cas où le temps a manqué pour que l’inscription à l’état civil soit réalisée (du fait d’une affection d’évolution rapide contractée à la naissance) et celui où l’enfant n’était pas né viable.
L’enfant vivant (inscrit sur les registres d'état civil) possède une pleine personnalité juridique et sa naissance ouvre droit à un certain nombre de droits sociaux comme les congés (de maternité et de paternité) et la prise en charge des soins médicaux.
Il en va de même avec «l'enfant sans vie» lorsque ce dernier est né vivant et viable et qu’il est mort avant sa déclaration de naissance. Les dispositions dans ce domaine varient selon les pays comme le montre une étude de droit comparé réalisée sous l’égide du Sénat français.
A partir de quand un enregistrement à l’état civil peut-il être effectué?
Le seuil de gestation est l’un des critères qui peut être retenu. En dessous de ce seuil, l’enfant mort-né n’est pas enregistré à l’état civil.
Initialement fixé à 180 jours de gestation (28 semaines d’aménorrhée) il a été actualisé sur la base d'une recommandation de l’Organisation mondiale de la santé. Soit un seuil de 22 semaines d’aménorrhée (quatre mois et demi de grossesse) ou un poids de 500 grammes.
Pourquoi un acte d’«enfant sans vie»?
Cet acte a pour but de permettre aux femmes ayant accouché d’un enfant mort-né de disposer d’une forme de mention symbolique de cet enfant. Il s’agit notamment de disposer d’un prénom sur le registre d’état civil ou sur le livret de famille et d’un «traitement funéraire décent». Les parents peuvent ainsi réclamer le corps de l'enfant et organiser des obsèques.
Pour autant, un enfant sans vie n'a ni filiation, ni personnalité juridique, ni nom de famille puisqu’il n’y a pas, le concernant, d’acte de naissance. L'acte d'enfant sans vie, inscrit au registre des décès, comporte le jour, heure et lieu de l'accouchement le prénom de l'enfant (s'il y a lieu) et la désignation des parents.
Un acte d'enfant sans vie ne peut d’autre part être établi qu'en cas d'accouchement spontané ou provoqué pour une raison médicale (interruption médicale de grossesse). Il ne peut jamais l’être en cas d’IVG ou de fausse couche précoce.
La mort d’un fœtus peut-elle donner lieu à une action pour «homicide involontaire»?
Non. La jurisprudence de la Cour de cassation dans ce domaine verrouille la possibilité de retenir l'homicide involontaire, qualification visée par les parents dans l’affaire de Port-Royal. Dans de telles affaires, l’éternelle discussion porte sur le fait de déterminer si l’enfant est ou non une personne humaine lorsqu’il est mort in utero. L'affaire de Port-Royal pourrait être une occasion de réfléchir de nouveau à cette question.
Jean-Yves Nau
L'Explication remercie Evelyne Sire-Marin, présidente de la 12e chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris.
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