L'Assemblée nationale est lancée, depuis le mardi 29 janvier, dans un marathon législatif avec l'examen du projet de loi sur l'ouverture du mariage aux couples de même sexe. En cinq jours de débat, les députés ont adopté les cinq volets de l'article 1er du projet de loi, notamment celui qui modifie le Code civil pour lui faire disposer que «le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe».
Le texte a aussi donné lieu, entre mardi et dimanche, à 76 scrutins publics, qui permettent de savoir précisément quels députés se sont désolidarisés de la position de leur groupe (mais pas d'avoir les noms de tous les députés présents, ce qui est réservé aux scrutins publics solennels). Un nombre élevé —à titre de comparaison, il y a eu 85 scrutins publics entre juin et janvier— qui permet de tirer trois leçons sur l'examen du projet de loi jusqu'à présent.
1. Le PS plus mobilisé que l'UMP
Sur l'ensemble des scrutins qui ont eu lieu sur le projet de loi, le PS a mobilisé au maximum 266 votants sur 295 (90%), sur la motion référendaire du président du groupe UMP Christian Jacob, examinée mercredi. Sur le même texte, 164 députés UMP sur 196 (84%) ont voté.
Si ces scores sont assez proches, ils dissimulent une mobilisation globale bien plus importante du côté de la majorité. Sur le vote le plus symbolique jusqu'à présent, celui de l'article 1er du projet de loi, samedi, seulement 99 députés UMP ont voté (50%) contre 236 députés PS (80%).
Dimanche, la mobilisation de l'UMP n'a dépassé qu'à deux reprises, de peu, les 50% de votants, tandis que le PS a mobilisé sur certains articles jusqu'à 70% de députés. En fin de journée, le groupe UMP ne comptait plus qu'une trentaine de votants, plus de trois moins que l'effectif côté PS.
A noter que «votants» ne veut pas dire «présents» dans l'hémicycle: chaque député peut disposer d'une délégation de vote d'un de ses confrères, et le chiffre des présents peut donc être divisé par deux.
2. Quelques rebelles à gauche et à droite...
A gauche, un seul député, le communiste Patrice Carvalho, a voté contre l'article 1er du projet de loi, conformément à ce qu’il avait annoncé —en 2000, il avait déjà été l’un des deux seuls député de la majorité plurielle à voter contre la seconde loi sur les 35 heures.
Quelques tensions sont aussi à distinguer du côté des élus radicaux d’outre-mer, où Jean-Philippe Nilor a voté pour la motion référendaire et pour l'institution d'une union civile, tandis que son collègue Bruno Nestor Azérot s'abstenait sur la motion référendaire.
Les défections les plus attendues concernaient les amendements autour de la PMA, qui a donné lieu ce week-end à un nouveau couac gouvernemental. Cinq députés PS ont voté pour les amendements PMA déposés par Sergio Coronado (EELV) et Marie-George Buffet (PCF) et cinq se sont abstenus.
A l'UMP, seul Franck Riester a voté «pour» l’article 1er avec la gauche, sans surprise puisqu’il avait annoncé publiquement qu’il était favorable au projet de loi. Il a aussi voté, notamment, contre les amendements de suppression de l'article 1er, «soutenu» là-dessus par sa collègue députée des Français de l’étranger Claudine Schmid, qui s'est abstenue et s’est dite vendredi «pas opposée au mariage de personnes du même sexe».
Benoist Apparu, qui s’est lui aussi prononcé en faveur du projet de loi (mais qui était dans sa circonscription pendant le vote de l'article 1er), a lui voté contre la motion de rejet préalable soutenue par ses collègues, s'est abstenu sur la motion de renvoi en commission et a voté contre la possibilité pour un officier d'état-civil de refuser de célébrer un mariage gay. Son collègue Edouard Philippe a lui voté contre ou s'est abstenu avec Franck Riester sur des amendements déposés par son collègue Hervé Mariton.
Le sujet qui a le plus déchiré le principal parti d’opposition est l’examen d’un amendement du député apparenté UMP du Nord Jean-Pierre Decool visant à autoriser la célébration dans une autre commune d’un mariage homosexuel quand aucune personne susceptible de célébrer le mariage n’accepte de le faire dans la commune de résidence: 19 députés UMP ont voté contre avec la gauche (contre 39 pour), dont l’ancien président de l’Assemblée Bernard Accoyer.
3. … et quelques mains qui glissent sur les boutons
Surprise sur les amendements pro-PMA: trois députés UMP ont voté pour, dont l’ancien trésorier du parti Dominique Dord et la très copéiste Michèle Tabarot. Un revirement de position? Non, une erreur de vote de leur part ou de celle du collègue à qui ils avaient délégué leur vote, que les concernés ont rectifiée.
Ils ne sont pas les seuls. A tout seigneur tout honneur, Jean-François Copé et Christian Jacob ont ainsi voté par erreur contre un amendement déposé par leur groupe prévoyant que seuls les couples hétérosexuels peuvent adopter un enfant de moins de six ans. A signaler aussi, la spectaculaire erreur de deux députés, le maire de Versailles François de Mazières et l’élu du Maine-et-Loire Michel Piron, qui ont voté par erreur… en faveur de l'article 1er.
Si le PS a eu aussi son lot de bourdes (six députés ont ainsi voté par erreur contre l’article du projet de loi prévoyant que si quelqu'un adopte l'enfant de son conjoint, il exerce l'autorité parentale de plein droit), la plus étonnante est aussi à mettre au compte de l’UMP. L’amendement déposé par Jean-Pierre Decool sur le «consentement du dernier vivant des pères et mères à l'adoption de l'enfant par un couple de même sexe» a en effet été rejeté par l’ensemble de la gauche et... les 35 votants UMP, dont Jean-François Copé, alors que deux orateurs du parti venaient de soutenir l'amendement. Le compte-rendu du vote précise qu'ils entendaient en fait voter pour.
Lors de l'annonce du résultat, les rires ont fusé à gauche: «les députés du groupe SRC se lèvent et applaudissent en scandant: “Avec nous! Avec nous!”», précise le compte-rendu. Contacté par Slate.fr, le groupe UMP à l'Assemblée a avancé l'explication d'une erreur sur la consigne de vote orale transmise dans l'hémicycle, le vote sur l'amendement ayant eu lieu à une heure avancée de la nuit. Christian Jacob avait d'ailleurs jugé dans la foulée «ridicule» de poursuivre les débats aussi tard.
Jean-Laurent Cassely et Jean-Marie Pottier