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Syrie: et sans surprise, Israël frappa un convoi d'armes destiné au Hezbollah libanais

Temps de lecture : 5 min

L'Etat juif craint une dissémination d'armes chimiques en provenance du régime de Bachar el-Assad. L'attaque du 30 janvier s'inscrit également dans sa volonté d'éviter que le conflit syrien déborde sur les villes du Golan, donnant ainsi l'occasion à l'Iran et au régime syrien de faire diversion.

A la frontière libano-israélienne, en novembre 2012. REUTERS/ Karamallah Daher
A la frontière libano-israélienne, en novembre 2012. REUTERS/ Karamallah Daher

L'attaque par l'aviation israélienne d'un convoi d'armes se dirigeant du territoire syrien vers le Liban dans la nuit du mardi 29 au mercredi 30 janvier ne peut pas vraiment être une surprise. Les mises en garde d’officiels israéliens ont été nombreuses ces derniers temps tandis que les voyages impromptus à Washington et à Moscou de deux responsables militaires israéliens ne sont pas passés inaperçus.

Aviv Kohavi, chef des renseignements militaires, s’est ainsi rendu à Washington pour une rencontre inopinée et secrète avec le chef d'état-major des armées, le général Dempsey Martin.

Par ailleurs le chef du Conseil de sécurité auprès du Premier ministre, Yaakov Amidror, a rencontré les dirigeants russes, à Moscou le 28 janvier, dans le cadre d’une «visite d’urgence». Enfin l’évolution de la situation en Syrie a poussé le commandant des forces aériennes israéliennes, le général Amir Eshel, à émettre une mise en garde, mardi 29 janvier:

«La Syrie est en train de s'effondrer et personne ne sait ce que le lendemain peut nous apporter. Mais nous sommes prêts à toute éventualité.»

Le soir même, il lançait son aviation contre un convoi d'armes pour le Hezbollah.

Des missiles anti-aériens russes?

Des avions de guerre israéliens ont effectué des sorties pour attaquer des convois d’armements conventionnels et de missiles chimiques qui étaient prêts, au sud de la Syrie à la frontière libanaise, à être transférés au Hezbollah au Liban. Il est de tradition qu’Israël ne communique jamais sur ce genre d’informations militaires. Mais il semble d'après différentes sources que le convoi a été entièrement détruit.

De source bien informée, mais non confirmée par l'armée israélienne, il semblerait qu'une partie du convoi détruit contenait des missiles anti-aérien SA-17 de fabrication russe, transmis par la Syrie. Israël a considéré que ce chargement modifiait la donne dans la région en équipant le Hezbollah de matériel sensible et perfectionné risquant de limiter les missions de l’aviation israélienne au-dessus du Liban.

L’armée libanaise a précisé qu’une douzaine de chasseurs et de bombardiers sont passés par son espace aérien durant plus de cinq heures dans la nuit.

Des informations étaient parvenues en Israël précisant que la Syrie et le Hezbollah voulaient profiter des conditions climatiques mauvaises en ce moment dans la région pour effectuer le transfert de missiles anti missiles sophistiqués et de missiles chimiques.

Israël a donc estimé que la ligne rouge a été dépassée et que le chaos qui s'installe en Syrie est devenu une menace.

La peur d'une dissémination d'armes chimiques syriennes

La situation a été jugée suffisamment inquiétante pour que le Cabinet de sécurité israélien, constitué des neufs principaux ministres et des chefs de l’armée et des services de renseignements, se soit réuni dimanche 27 janvier. Le ministre de la Défense, Ehoud Barak, a été rappelé d’urgence de Davos tandis que l’ambassadeur américain à Tel-Aviv avait été reçu en consultation par le Premier ministre Benjamin Netanyahou.

Israël ne peut plus écarter le risque de dissémination des armes chimiques syriennes. Des informateurs infiltrés parmi les rebelles syriens et les commandos de Tsahal qui organisent des opérations ponctuelles de repérage à terre ont permis aux Israéliens d’identifier les sites de stockage des armes chimiques et la nature du gaz qui est stocké.

Les militaires assurent que, grâce à leurs satellites, ils maintiennent une surveillance permanente des mouvements autour des zones de stockage.

Les Israéliens ont envisagé des actions militaires au lendemain de la déclaration de Dimitri Medvedev, le 27 janvier, estimant que Bassar al-Assad avait trop tardé à mettre en œuvre des réformes politiques:

«Il aurait dû agir beaucoup plus vite et inviter l'opposition pacifique qui était prête à s'asseoir à la table des négociations avec lui. C'est une grave erreur de sa part, peut-être fatale.»

Le Premier ministre russe a ainsi signé la fin probable du régime de Damas qui pourrait tenter un baroud d’honneur soit en utilisant les armes chimiques contre les rebelles, soit en les mettant à la disposition du Hezbollah.

La population israélienne y était préparée

Par mesure préventive, l’armée israélienne a décidé d’installer des batteries de missiles antimissiles du type «Dôme de fer» pour protéger le nord d’Israël.

La population a compris le message puisqu’elle s’est ruée vers les centres de distribution de masques à gaz dont la distribution a doublé en une semaine.

Il n’y eu donc aucune surprise lorsque les nouvelles ont filtré sur l’action de l’aviation israélienne au Liban.

L'autre raison de l'intervention israélienne dans un conflit dans lequel Israël s'est bien gardé d'intervenir depuis 22 mois tient à l'implication croissante du régime iranien dans la guerre civile syrienne aux côtés du régime de Bachar el-Assad et du Hezbollah.

L’implication de plus en plus visible de l’Iran en Syrie a été attestée par l’explosion d’un convoi militaire sur le Golan syrien, le 25 janvier, qui aurait tué des officiers syriens et iraniens selon les rapports des témoins visuels.

Des unités des brigades iraniennes Al-Qods (l'appellation arabe de Jérusalem), sont venus prêter main forte au régime de Damas pour neutraliser les rebelles installés dans des villages situés à la limite du no-man’s-land, mitoyen de l’Etat d’Israël et servant de sanctuaire aux troupes qui combattent Bachar el-Assad.

Israël craint que la proximité des combats entraîne un débordement sur les villes israéliennes du Golan et donne ainsi l'occasion à l'Iran et au régime syrien de faire diversion en faisant déborder le conflit contre Israël.

Selon des informations d’origine américaine, le commandant en chef d’Al-Qods, le Général Qassem Soleimani, s’est rendu à Damas pour coordonner, d’une part les opérations dans les villes frontières et d’autre part la livraison d’armement lourd iranien au président syrien.

Israël était alors de plus en plus convaincu que le transfert des armes vers le Hezbollah devenait imminent.

Et maintenant?

Un officier supérieur israélien nous a déclaré qu’Israël avait la preuve que des forces du Hezbollah étaient stationnées à proximité des dépôts d’armement chimique dans le but de les saisir au lendemain de la chute du régime de Bachar el-Assad.

La question qui se pose maintenant est celle de représailles contre Israël, notamment par le Hezbollah qui dispose de milliers de missiles et de roquettes.

L’armée libanaise ne se lancera pas dans une aventure où elle a tout à perdre. Les Israéliens lui ont déjà transmis les cibles militaires et industrielles qui seraient rasées si une action militaire était entreprise.

La Syrie n’a aucun intérêt pour l’instant à réagir. Les Israéliens ont d’abord informé leurs parrains russes pour les rassurer sur leur volonté de ne cibler que le Hezbollah. Par ailleurs, l’aviation a volontairement évité de frapper en territoire syrien pour parer à toute provocation.

L’inconnue reste le Hezbollah qui peut se lancer dans un conflit de grande ampleur ou minimiser l'opération et ne pas réagir car officiellement il n’a pas été visé dans son sanctuaire.

Il ne prendrait pas le risque d’affronter Israël pour quelques missiles de perdus sachant que la réaction de l’Etat juif «serait cette fois terrible», selon une source militaire bien informée et que le Hezbollah se retrouverait engagé sur deux fronts: contre Israël et contre les rebelles syriens.

Jacques Benillouche

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