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La confession-choc d'un célèbre écologiste devenu pro-OGM

Temps de lecture : 4 min

Après avoir combattu les semences génétiquement modifiées pendant deux décennies, Mark Lynas vient d'expliquer pourquoi il y était désormais favorable.

A DeWitt, dans l'Iowa, en juin 2012. REUTERS/Adrees Latif.
A DeWitt, dans l'Iowa, en juin 2012. REUTERS/Adrees Latif.

Si les aliments génétiquement modifiés vous font peur, Mark Lynas fait sans doute partie des gens que vous pouvez remercier. De son propre aveu, le dynamisme du mouvement anti-OGM, né au cours des années 1990, lui doit beaucoup et, en 2008, il expliquait encore comment l'égoïsme et la cupidité des multinationales du transgénique allaient mettre en péril la santé des humains et celle de la planète.

Grâce aux efforts de Lynas et de ses homologues, tous les gouvernements du monde –en particulier ceux d'Europe de l'Ouest, d'Afrique et d'Asie– ont freiné les recherches sur les OGM et, à l'instar de Greenpeace, de nombreuses ONG ont banni tous les dons d'aliments génétiquement modifiés.

Mais Lynas a changé d'avis –et il compte bien le faire savoir. Son laïus prononcé, jeudi 3 janvier, à l'occasion de l'Oxford Farming Conference ne pouvait être plus clair: au sujet des OGM, il était dans l'erreur la plus totale.

Et comme on peut le voir dans cette vidéo et la retranscription qui l'accompagne, dès son préambule, il n'y est pas allé de main morte:

«Je voudrais commencer par présenter mes excuses. J'aimerais qu'on sache, ici et maintenant, que je m'excuse d'avoir passé tant d'années à déchiqueter des semences OGM. Je suis aussi désolé d'avoir contribué à la naissance du mouvement anti-OGM, au cours des années 1990, et d'avoir ainsi concouru à diaboliser une option technologique de première importance et potentiellement très utile pour l'environnement.

En tant qu'écologiste, persuadé que toute personne sur cette planète a le droit de choisir l'alimentation saine et nutritive qui lui convient, je n'aurais pas pu opter pour une trajectoire plus contre-productive. Et c'est ce que je regrette aujourd'hui, absolument.

Bien sûr, vous devez vous demander ce qui m'est arrivé entre 1995 et aujourd'hui pour que je change non seulement d'avis, mais que je veuille le reconnaître et le faire savoir publiquement. La réponse est relativement simple: j'ai découvert la science et par la même occasion, j'espère être devenu un meilleur écologiste.»

Son évaluation honnête de sa compréhension jusqu'ici médiocre du sujet se poursuit sur près de 5.000 mots –et constitue une lecture indispensable pour quiconque a un jour hésité entre bio et conventionnel en faisant ses courses. Vilipender les OGM, c'est être aussi anti-science que ceux qui contestent la réalité du changement climatique, affirme Lynas.

Pour nourrir une population mondiale en constante augmentation (et où la demande alimentaire des classes moyennes, qui connaissent une véritable explosion, s'oriente vers davantage de produits de meilleure qualité), nous devons tirer parti de toutes les technologies disponibles, y compris des OGM. Mettre en avant l'agriculture et l'élevage «naturels», c'est condamner de nombreux individus à la famine, et aucun argument logique n'incite à préférer les anciennes méthodes.

De plus, la domination du secteur par des multinationales est en partie dûe aux militants anti-OGM et aux responsables politiques qui ont entravé l'essor de nombreuses start-up agroalimentaires.

«A-t-on déjà assisté à un mea culpa plus impressionnant?»

«Dans l'histoire de l'écologie, a-t-on déjà assisté à un mea culpa plus impressionnant que celui de Mark Lynas?», s'est demandé sur Twitter Keith Kloor, blogueur chez Discover (sur Slate, ce dernier a récemment qualifié les ennemis des OGM de «climatosceptiques de la gauche»).

De fait, dans la famille écolo, aucun précédent ne me vient en tête. Mais cela me rappelle quand même une autre volte-face.

En 2002, le journaliste médical Arthur Allen avait écrit pour le New York Times Magazine un article intitulé «Une théorie sur l'autisme pas si folle que ça». Le papier laissait entendre qu'il y avait peut-être, effectivement, un lien entre autisme et vaccination, et une telle publication, dans un média aussi grand public que le New York Times, contribua à réhabiliter une hypothèse qui, jusque là, semblait plutôt farfelue.

Mais très peu de temps après la publication de cet article, les études scientifiques se multiplièrent et confirmèrent l'inexistence d'un tel lien. Et Allen les prit très au sérieux. En 2009, une chronique du Times sur le livre Autism’s False Prophets («Les faux-prophètes de l'autisme») disait d'Allen:

«Plus tard, il a changé d'avis et se sent désormais "très mal" quand il repense à cet article car, explique-t-il, "il a offert une tribune à des gens qui, dans ce domaine, ont fait beaucoup de dégâts".»

Il se mit alors à écrire de nombreux articles sur les dangers du militantisme anti-vaccination –y compris dans Slate, revenant sur l'innocuité du thimoral, critiquant Oprah Winfrey pour avoir offert un boulevard à cette crétine de Jenny McCarthy [actrice américaine qui a défendu l'hypothèse d'un lien entre vaccins et autisme, NDT] et alertant sur les risques de certains «traitements» de l'autisme visant à annuler les «effets délétères» tout bonnement imaginaires des vaccins. Il écrivit même un livre, Vaccine: The Controversial Story of Medicine’s Greatest Lifesaver («Vaccin: la scandaleuse histoire du plus grand sauveur de vies jamais créé par la médecine»), qui passait en revue les peurs et les erreurs relatives à la vaccination.

Grande rigueur intellectuelle

Admettre que vous vous êtes trompé –que ce soit pendant quasiment deux décennies, comme Lynas, ou dans un unique mais très influent article, comme Allen– est quelque chose de terrifiant. Mais c'est aussi la preuve d'une grande rigueur intellectuelle.

Lynas conclut que ceux qui souhaitent s'en tenir à la nourriture biologique ont parfaitement le droit de le faire, mais qu'ils ne doivent pas entraver les progrès de ceux qui entendent utiliser la science et y trouver des moyens plus efficaces de nourrir des milliards de personnes.

«Le débat sur les OGM est terminé. Clos, fini. La question de leur innocuité ne se pose plus...Vous avez plus de chances de vous prendre une météorite sur la tête que d'être contaminé par des aliments OGM», affirme-t-il.

Reste à savoir si ses anciens camarades anti-OGM entendront son appel à examiner plus attentivement les faits scientifiques en présence, ou s'ils se contenteront de déplorer son retournement de veste en le traitant de vendu à la solde de Monsanto.

Torie Bosch

Traduit par Peggy Sastre

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