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Cholestérol: les statines n'aggravent pas les cancers

Temps de lecture : 3 min

Bonne nouvelle: contrairement à ce qu'avaient conclu des chercheurs, le traitement anti-cholestérol n'est pas mauvais pour les cancéreux. Mais dire qu'il est associé à une diminution de la mortalité liée au cancer serait peut-être un peu excessif, estiment les spécialistes.

Un fish and chips du restaurant Mr Fish, à Londres. REUTERS/Eddie Keogh
Un fish and chips du restaurant Mr Fish, à Londres. REUTERS/Eddie Keogh

S'il existait encore un doute sur le fait que la consommation de statines, un médicament anti-cholestérol utilisé contre les maladies cardiovasculaires, puisse augmenter le risque de mortalité lié au cancer, il vient d’être balayé.

Une étude danoise portant sur près de 300.000 patients (autrement dit, l’intégralité de la population danoise ayant déclaré une tumeur maligne entre 1995 et 2007) a même abouti au résultat opposé.

L’article, paru dans la revue du New England Journal of Medicine (NEJM) du 8 novembre 2012, conclut en effet:

«La consommation de statines chez les patients atteints d’un cancer est associée avec une diminution de la mortalité liée à cette maladie.»

La suspicion d’un éventuel lien entre statines et cancer tire son origine d’une étude antérieure, PROSPER, parue dans la revue The Lancet en 2002. Menée sur près de 6.000 personnes âgées de plus de 70 ans, elle a mesuré un nombre significativement plus grand de cancers nouvellement diagnostiqués chez les patients sous statines que chez ceux sous placebo.

«Cette première étude a probablement souffert d’un biais lié à l’âge avancé des patients enrôlés et du dépistage agressif dont ils ont fait l’objet», commente Gérard Waeber, professeur au Service de médecine interne du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). Encore fallait-il le démontrer formellement. Les enjeux sont de taille: les statines, l’un des médicaments les plus utilisés dans le monde, sont administrés quotidiennement à des centaines de millions de personnes et génèrent des bénéfices colossaux dans l’entreprise pharmaceutique.

C’est ainsi que, quelques années plus tard, une vaste analyse comportant une vingtaine d’études indépendantes a permis d’apporter assez de données pour affirmer que, en fin de compte, les statines n’entraînent aucune augmentation du risque d’apparition du cancer.

«L’étude danoise qui vient de paraître ajoute un élément supplémentaire, précise Gérard Waeber. Elle montre que ces médicaments anti-cholestérol n’augmentent pas non plus la mortalité liée au cancer. Ce serait même le contraire, à en croire les auteurs.»

Gare à l’excès inverse

Le médecin vaudois insiste néanmoins sur le fait qu’il faut veiller à ne pas tomber dans l’excès inverse et, comme le laissent penser les conclusions de l’étude, se mettre à administrer des statines aux patients atteints du cancer dans le but de réduire les risques de décès liés à la maladie.

En réalité, le travail danois souffre lui aussi de sérieuses carences et il faut prendre ses conclusions avec précaution. Un éditorial très sévère, signé par Neil Caporaso, un expert du National Cancer Institute des Etats-Unis, accompagne d’ailleurs l’article du NEJM et décrit clairement les limites de l’interprétation possible des résultats.

Le défaut le plus important du travail est celui d’avoir négligé de demander si les patients fument ou non. Ce n’est pas anodin. Le tabagisme fait partie des principaux facteurs de risques des maladies cardiovasculaires et de cancers. Les médecins exhortent même les personnes à qui l’on administre des statines d’arrêter de fumer sous peine anéantir l’effet du traitement.

Autre problème: la réduction de mortalité mesurée par les Danois est indépendante de la dose de statine consommée. Les auteurs de l’article en déduisent que cela «suggère que n’importe quelle dose suffit à réduire la mortalité auprès des patients atteints de cancer». Une affirmation qui demande, pour le moins, une confirmation indépendante, selon Neil Caporaso.

Ne pas renoncer aux statines

«Le message que les patients doivent retenir de cet article, c’est qu’ils ne doivent pas arrêter de prendre des statines –ni refuser de commencer un tel traitement– s’ils souffrent d’un cancer, conclut Gérard Waeber. En revanche, ils ne doivent pas espérer non plus que ce médicament les protégerait contre une éventuelle issue fatale. Rien ne permet encore de l’affirmer.»

Il y a quelques mois, pourtant, un autre travail, mené par des chercheurs de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich et paru dans le journal des Proceedings of the National Academy of Sciences du 4 septembre 2012, ont obtenu un résultat allant dans le même sens que celui des Danois.

Dans leur recherche systématique de composés biochimiques permettant de prévenir les métastases et les rejets d’organes lors des transplantations, les auteurs de l’article sont tombés sur un médicament bien connu: les statines. Ces derniers, administrés à des cellules en culture, inhiberaient la croissance de nouveaux vaisseaux lymphatiques, canaux essentiels dans la dispersion des cellules cancéreuses dans le corps.

«Cette étude est encore très préliminaire, souligne Gérard Waeber. Elle n’apporte aucun élément convaincant concernant un éventuel effet protecteur contre les métastases chez de vrais patients.»

Anton Vos

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