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Pier Luigi Bersani, champion du centre-gauche italien

Temps de lecture : 8 min

Le second tour de la primaire ouverte a investi ce dimanche le leader du Parti démocrate par environ 61% des voix. Décryptage de six aspects du scrutin au travers des meilleures analyses de la presse italienne durant l'entre-deux-tours.

Pier Luigi Bersani, le secrétaire général du Parti démocrate, en mai 2012. REUTERS/Tony Gentile.
Pier Luigi Bersani, le secrétaire général du Parti démocrate, en mai 2012. REUTERS/Tony Gentile.

Le secrétaire général du Parti démocrate Pier Luigi Bersani a été élu, dimanche 2 décembre, candidat du centre-gauche italien au poste de président du Conseil en recueillant 61% des voix au second tour de la primaire ouverte l'opposant à son camarade de parti Matteo Renzi, selon des résultats partiels. Dans l'article ci-dessous, nous décrivions les grands enjeux du scrutin au matin du second tour.

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Qui représentera le centre-gauche italien aux élections législatives du printemps prochain? La réponse est pour ce dimanche 2 décembre avec le second tour de la primaire qui oppose Pier Luigi Bersani, secrétaire général du Parti démocrate (PD) depuis 2009, à son camarade de parti Matteo Renzi.

Sur son site, le quotidien La Repubblica présente une carte de l'Italie avec les résultats du premier tour ainsi que des portraits vidéo des candidats. Bersani, qui a obtenu 44,9% des suffrages contre 35,5% pour Renzi, part favori, mais la partie n’est pas encore jouée. Sélection des meilleures analyses parues dans la presse italienne.

La meilleure réponse à «l’antipolitique» (La Stampa)

Federico Germanicca se félicite du succès de cette primaire qui a massivement mobilisé les Italiens: lors du premier tour, plus de 3 millions de citoyens ont fait la queue pour voter. Mais ce succès n’est pas pour plaire à tout le monde: le journaliste évoque la réaction de Beppe Grillo, leader du mouvement «antipolitique» 5 étoiles, qui a estimé que ses concitoyens qui allaient voter effectuaient un «voyage dans la folie».

Si Bersani bénéficie d’une avance non négligeable, la partie est encore ouverte, selon le quotidien:

«Bersani a voulu les primaires, Renzi leur a donné une âme: le maire de Florence avait contre lui tous les états-majors de tous les partis de gauche et il a pourtant réussi à mettre Bersani en ballottage. Ce n’est pas rien. De plus, avec ses slogans âpres, il a rendu clair les termes du choix qu’il propose: changement radical contre protection du statu quo.»

A Bersani maintenant de serrer les rangs: des trois candidats éliminés au premier tour (le président de la région des Pouilles Nichi Vendola et les députés Laura Puppato et Bruno Tabacci), la partie se jouera essentiellement sur le report des voix du premier nommé, arrivé troisième avec 14,4%.

Vainqueurs et vaincus (L’Espresso)

Qui sont les gagnants et les perdants du premier tour? L’Espresso compte trois vainqueurs, Pier Luigi Bersani, Matteo Renzi et, d’une certaine façon, Laura Puppato:

  • Bersani parce que c’est lui qui a voulu cette primaire, et parce qu’avec ses 44%, il est le favori du second tour.
  • Renzi parce qu’il a poussé Bersani au ballottage, démontrant ainsi de ne pas être un ovni de la politique italienne.
  • Puppato, enfin, parce qu'hier encore, elle n’était qu’une élue locale méconnue, et qu'avec son surprenant 3%, elle réalise près du double du score de Bruno Tabacci, adjoint aux finances de la mairie de Milan. La conseillère régionale de Vénétie est donc sûre d’avoir un rôle dans la prochaine législature.

L’hebdomadaire de centre-gauche a aussi identifié trois perdants: Silvio Berlusconi, Beppe Grillo et Nichi Vendola.

  • Berlusconi, qui un jour annonce son retrait et le lendemain le dément, parce que son parti n’arrivant pas à organiser de primaires, il ne peut que s’imposer à nouveau comme un «one man party».
  • Grillo, qui a pris une belle leçon de démocratie: alors qu’il ne fait que parler de vote en ligne et qu’il garde la mainmise absolue sur son parti, les électeurs se sont massivement mobilisés pour les primaires.
  • Vendola, car il y a deux ans, les sondages le donnaient en tête d’une éventuelle primaire du centre-gauche.

Ces élections sont importantes «non seulement pour choisir le gagnant [...], mais pour définir “où passe la ligne”, pour établir les rapports de force au sein du futur Parti démocrate et tout ce qui s’ensuit. Avec un résultat proche des 40-45 % au second tour, Renzi pourra peser sur nombre de futurs choix du PD.»

Renzi et Bersani, le scout et le philosophe (Lettera43)

Le pureplayer Lettera43 présente par deux courtes fiches les rivaux de dimanche.

Pier Luigi Bersani, 61 ans, père de deux filles et supporter de la Juve, déclare un revenu annuel de 135.000 euros. Il est diplômé en philosophie, avec une thèse sur le pape Grégoire Ier. Il a été membre du Parti communiste, du Parti démocratique de gauche et des Démocrates de gauche.

Ancien président de la région Emilie-Romagne de 1993 à 1995, ministre de l’Industrie de 1996 à 1999, ministre des Transports de 1999 à 2001 et ministre du Développement économique de 2006 à 2009, il est aujourd’hui secrétaire général du PD. Son action la plus symbolique? Les privatisations sous le gouvernement Prodi, en 2006. Ses mots clés? Expérience et réforme.

Matteo Renzi, 37 ans, supporter de la Fiorentina et fan de U2, déclare un revenu annuel de 109.000 euros. Il est diplômé en droit, avec une thèse sur Giorgio La Pira, le maire de Florence pendant les années 50-60. Il a été membre du Parti populaire italien puis de la Margherita.

Secrétaire provincial du PPI en 1999, secrétaire provincial de la Margherita en 2003, président de la province de Florence entre 2004 et 2009, il est maire de Florence depuis 2009. Son action la plus symbolique? Le plan pour rendre le centre de Florence piéton. Ses mots clés? «Rottamazione» (mettre à la casse) et innovation.

De la «caste» à la crise, la confrontation des programmes (Il Fatto quotidiano)

Cosimo Rossi résume les programmes des deux aspirants leaders de la gauche:

«Ils les appellent idées. “Dix idées pour changer l’Italie”, celles de Pier Luigi Bersani, présentées dans des fiches tricolores. “Idées”, tout simplement, mais au nombre de douze et amplement détaillées, celles de Matteo Renzi.

Toutes mises en scènes sur leurs sites respectifs: jugeables, twittables, envoyables, téléchargeables à volonté. Sur les pages web du maire de Florence, il y a aussi les indices d’appréciation de Facebook, les "J’aime", qui pourtant chutent progressivement avec l’attention des lecteurs: on passe de 2.700 jugements positifs pour la première fiche sur les réformes institutionnelles à 15 pour le rôle de l’Italie dans le monde.»

Renzi comme Bersani font de la lutte contre la «caste» politique une priorité. Le premier propose l’abolition des provinces, la fin du financement public des partis ainsi que l’abolition d’une des deux chambres; le second veut réformer les partis, réduire le financement public et renforcer la règlementation contre la corruption.

Deuxième point similaire entre les deux programmes: l’Europe, avec l’horizon commun des «Etats-Unis d’Europe».

Le favori comme l’outsider veulent aussi investir dans l’éducation. Le secrétaire du PD évoque des mesures pour le droit aux études et des investissements dans la recherche, alors que Renzi se focalise sur la petite enfance, en proposant de donner à 40% des enfants qui ont moins de 3 ans une place en crèche.

Autre point-clef, la fiscalité. Bersani prévoit d’alléger son poids sur le travail et sur les entreprises en luttant contre l’évasion fiscale et en déplaçant le poids de la fiscalité sur les rentes et sur les grands patrimoines financiers et immobiliers. Renzi, lui, veut réduire les impôts des salariés qui gagnent moins de 2.000 euros nets par mois grâce à l’argent récupéré par la lutte contre l’évasion fiscale, et milite par ailleurs pour la simplification fiscale.

Dernier point saillant des deux programmes, les mesures sociétales. Le catalogue du maire de Florence est varié, des droits des couples en union libre au testament biologique en passant par la lutte contre l’homophobie, la simplification du divorce et la lutte contre la violence domestique. Bersani propose lui de lutter contre les violences faites aux femmes et l’homophobie et évoque également la reconnaissance de la citoyenneté des étrangers nés en Italie.

Sur les alliances, enfin, Bersani se différencie à Renzi et tend la main aux centristes.

L'extraordinaire transformation du paysage politique (La Stampa)

Dans un éditorial, Luca Ricolfi résume les deux principales questions qui ont enflammé le débat ces derniers jours:

  • Qui ramènerait le plus de voix à la gauche, Renzi ou Bersani? Personne ne le sait, mais si Renzi ramenait à la politique des personnes jusqu’ici déçues par le centre-droit, d’autres estiment que sa victoire diviserait le centre-gauche avec la création d’un groupe politique à la gauche du PD.
  • En limitant l’accès aux bureaux de vote dimanche, où ne seront admis que les électeurs ayant participé au premier tour du 25 novembre, le PD paie un prix élevé pour garantir la victoire de son secrétaire général: si cette fermeture avantage Bersani, sur le plan symbolique, elle fait gagner des points à Renzi, qui l’a qualifiée d’«antidémocratique». Sans compter ceux qui, «exclus» du second tour, ne voteront pas pour le PD lors des vraies élections.

En se focalisant sur ces deux points, public et médias négligent, selon le quotidien, «l’extraordinaire transformation du paysage politique qui se déroule sous nos yeux: la naissance de deux nouveaux protagonistes (Grillo et le Mouvement 5 étoiles), l’autodestruction de vieux protagonistes (Berlusconi et le Parti de la Liberté) et la véritable mutation qui secoue le principal parti de la gauche»:

«Le défi de Renzi, même s’il sort perdant des élections, est de changer définitivement le PD. Après et grâce à ce défi, il y aura pour la première fois, aux côtés de la composante sociale-démocrate aujourd’hui majoritaire, une composante sociale-libérale ou de “gauche libérale” au poids non négligeable.

Le PD du futur ne sera plus un parti divisé entre les communistes et les catholiques ou les maximalistes et les orthodoxes, mais un parti dans lequel la composante sociale-démocrate (aujourd’hui bien représentée par Bersani) et libérale-démocrate (aujourd’hui bien représentée par Renzi) seront en compétition pour guider le pays.»

La maison vide des modérés (Il Corriere della Sera)

Dans un éditorial du quotidien milanais, Sergio Romano se demande à qui iront, au printemps prochain, les voix des conservateurs libéraux et modérés. Une question qui recèle une critique envers Silvio Berlusconi. D’après le journaliste et historien, le Cavaliere, trop occupé à se demander ce qui est le mieux pour sa personne et son image, a oublié une question essentielle, celle du vote des électeurs de droite:

«Absorbé dans la contemplation de soi-même, Berlusconi ne s’aperçoit pas que la gauche, entretemps, a ouvert les fenêtres de sa maison, a organisé une sorte de concours public pour son leadership, est devenue beaucoup plus crédible qu’il y a quelques mois.

Pour qui vont voter au printemps prochain les conservateurs libéraux et les modérés? Les primaires [...] auraient été la meilleure des solutions possibles. Il est trop tard et le seul chemin envisageable pour le parti est celui d’un congrès qui ne soit pas toujours la même convention faite de lumières, chansons, acclamations, discours de circonstance et triomphe final du leader.

Le PdL a besoin d’un examen de conscience. C’est ainsi que les électeurs qui ne se sentent pas suffisamment représentés par les autres formations politiques du centre-droit sauront s'il propose encore des hommes et des femmes, possiblement nouveaux, dignes de conquérir leur confiance.

Bien évidemment, le congrès ne sera utile que si Berlusconi accepte de ne jouer qu’un rôle de second plan. Il ferait un beau cadeau de Noël à son parti et à lui-même.»

Margherita Nasi

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