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Ce que va changer le statut d'Etat non-membre de la Palestine à l'ONU: rien

Temps de lecture : 3 min

Ce geste symbolique ne résoudrait aucune des divergences sur les frontières, la sécurité, le sort des réfugiés, les implantations juives et le statut de Jérusalem, qui empoisonnent les relations israélo-palestiniennes.

Manifestation de soutien à Abbas, le 25 novembre à Ramallah. REUTERS/Mohamad Torokman
Manifestation de soutien à Abbas, le 25 novembre à Ramallah. REUTERS/Mohamad Torokman

François Hollande a hésité. Lors de sa conférence de presse du 14 novembre, il n’avait pas encore annoncé de décision. Officiellement, il voulait connaître la formulation de la demande palestinienne. Peut-être s’attendait-il encore que Mahmoud Abbas renonce à soumettre au vote la présence de la Palestine à l’ONU comme Etat observateur non-membre. Mais le président de l’Autorité palestinienne n’était pas prêt à renoncer malgré les pressions des Etats-Unis et de plusieurs pays occidentaux.

L’année dernière, le Conseil de sécurité, seul compétent pour admettre un nouveau membre, s’était prononcé contre la participation pleine et entière de la Palestine aux Nations unies. Seule satisfaction pour Mahmoud Abbas: la Palestine avait été admise à l’Unesco. La France avait voté pour. Ainsi en avait décidé Nicolas Sarkozy.

A l’Assemblée générale de l’ONU, les grandes puissances n’ont pas de droit de veto et il ne fait guère de doute que la motion en faveur du statut d’Etat non-membre pour la Palestine présentée ce jeudi à New York obtiendra la nécessaire majorité des deux tiers.

Israël qui est farouchement contre cette démarche espérait au moins qu’une «majorité morale» s’opposerait à cette admission. C’est-à-dire l’ensemble des grandes démocraties occidentales. La prise de position de la France qui a été officialisée mardi 27 novembre par le ministre des affaires étrangères Laurent Fabius rompt ce front «démocratique».

Hollande sur les pas de Mitterrand

Les autres pays européens sont divisés. L’Autriche et le Danemark voteront comme la France. La plupart des autres partenaires de l’Union européenne s’abstiendront. Toutefois, la Grande-Bretagne a laissé entendre qu’elle pourrait changer d’avis si l’Autorité palestinienne s’engageait à ne pas profiter de son nouveau statut pour trainer Israël devant la Cour pénale internationale pour crimes de guerre dans le conflit proche-oriental.

La décision française a une certaine cohérence. Elle est conforme au vote de l’année dernière à l’Unesco. Elle va dans le sens du 59e engagement de campagne de François Hollande sur la reconnaissance d’un Etat palestinien aux côtés de l’Etat d’Israël comme solution au conflit. Il n’a pas oublié que François Mitterrand avait été le premier chef d’Etat à parler d’un Etat palestinien dans un discours prononcé à la Knesset en 1982.

La décision de Paris contribue d’autre part à renforcer la position de Mahmoud Abbas alors que le président de l’Autorité palestinienne est affaibli à la fois par l’ennemi israélien et par ses rivaux du Hamas qui sont sortis confortés par les derniers affrontements avec l’Etat juif.

Mais l’admission de la Palestine à l’AG de l’ONU permettra-t-elle un déblocage des négociations ou aggravera-t-elle encore l’impasse dans laquelle se trouvent les pourparlers? Pour ses partisans, c’est une manière de relancer le processus de paix. Pour Israël, les Etats-Unis et les certains Européens, c’est au contraire une démarche unilatérale qui complique la situation.

Les négociations entre Palestiniens et Israéliens au point mort

La conséquence immédiate sera sans doute une suppression au moins provisoire de l’aide américaine aux territoires occupés. Washington a suspendu sa participation financière à l’Unesco à la suite du vote de 2011.

Sur le fond pourtant, la Palestine à l’ONU ne changera pas grand-chose. Le dialogue entre les frères ennemis est au point mort depuis des mois et n’a aucune chance de reprendre avant les élections générales israéliennes de la fin janvier 2013. Après non plus, surtout si Benjamin Netanyahou l’emporte à la tête d’une coalition encore plus à droite que l’actuel gouvernement.

Le Premier ministre israélien a tout fait pour décrédibiliser Mahmoud Abbas sur la scène internationale comme auprès des Palestiniens afin de pouvoir affirmer haut et fort qu’il n’a pas d’interlocuteur pour des négociations. Le vote de l’AG de l’ONU rehaussera quelque peu le prestige du président de l’Autorité palestinienne.

Tout en votant en faveur de la motion palestinienne, la France prend bien soin d’expliquer qu’il ne s’agit pas d’une reconnaissance de l’Etat palestinien. Celui-ci ne peut être que le résultat de négociations et d’un accord bilatéral entre Israël et les Palestiniens. Pas question donc d’une reconnaissance unilatérale d’un Etat palestinien que certains responsables politiques à travers le monde, y compris des membres du mouvement de la paix en Israël, appellent de leurs vœux.

Ce serait une manière de placer au pied du mur le gouvernement israélien qui accepte du bout des lèvres la solution dite des deux Etats tout en mettant tout en œuvre pour l’empêcher. Mais ce geste symbolique ne résoudrait aucune des divergences sur les frontières, la sécurité, le sort des réfugiés, les implantations juives et le statut de Jérusalem, qui empoisonnent les relations israélo-palestiniennes. A cette aune, le vote de l’ONU est une péripétie.

Daniel Vernet

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