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Les cranberries contre les cystites? Le remède de grand-mère contredit par la science

Temps de lecture : 3 min

Un mythe se brise: les canneberges, ces petites baies rouges de la famille des myrtilles et leurs dérivés ne contiennent aucune substance propre à prévenir naturellement les infections des voies urinaires basses.

Cranberries / Wesley Fryer via Flickr CC License by
Cranberries / Wesley Fryer via Flickr CC License by

Etes-vous snob? Si oui vous dite cranberry. Botaniste? C’est alors la grande airelle rouge. Du Québec? Ce sera ataca. Sinon vous pouvez tout simplement parler de la canneberge. C’est son nom en langue française depuis plus de trois siècles.

Peut-être parce que l'arbrisseau aime à vivre près de l’eau, celle des tourbières et des marais des régions froides. Et c’est peut-être aussi cette hydrophilie qui explique que l’on puisse lui attribuer quelques vertus médicales contre les infections de la partie basse de nos arbres urinaires.

Pourquoi cranberry? Le terme viendrait de crane-berry (baie de grue) qui serait l’ancien nom américain de la plante. Cette dernière est vivace; elle est aussi amoureuse des sols à sphaignes. Et elle peut dépasser le siècle. Ses fleurs ont des corolles généralement ouvertes que les bourdons ne lutinent guère. Ses baies sont de couleur rouge.

Une vieille tradition

Le jus de canneberge est une vieille histoire en Amérique du Nord, en Angleterre et en Russie, territoires de prédilection (et de culture) de l’arbrisseau. Il entre, assure les amateurs, dans la composition des précieuses associations qui font la joie des habitués des palaces et des barmen. C’est notamment le cas du Cosmopolitan (Cosmo pour les intimes) ou du Cointreaupolitan. Le goût de ce jus est caractéristique, pas toujours plaisant: acidulé, astringent, âpre. Forte présence de tanins et de composés antioxydants, ce qui expliquerait les vertus médicinales qu’on lui confère.

Le temps n’est plus de la cueillette sauvage par les Indiens: nous sommes passés à la culture intensive et très sophistiquée. L’Etat du Wisconsin est un très gros fournisseur de canneberge: plus de la moitié de la production des Etats-Unis (307.000 tonnes de baies issues d’arbrisseaux cultivés sur 15.600 hectares). Le Canada en produit 79.000 tonnes devant le Québec et la Colombie-Britannique.

Transformées, les baies sont commercialisées à l’échelon international sous la forme de fruits frais, de fruits congelés mais aussi de concentrés de jus, fruits déshydratés, de coulis et de fruits confits. Elles sont aussi proposées sous différentes formes dans les magasins de produits diététiques et «bios» et vendues en pharmacie comme cosmétiques ou compléments alimentaires. On les trouve encore, ici ou là, associées à d’autres fruits rouges. Sans oublier la traditionnelle «dinde aux canneberges», célèbre plat traditionnel américain.

De supposées propriétés thérapeutiques

Ces fruits au nom exotique auraient des vertus thérapeutiques. Elles résultent pour l’essentiel du fait que la canneberge est riche en vitamine C et en antioxydants de la famille des flavonoïdes. Ces baies contiennent aussi de la proanthocyanidine de type A (PAC A) tenue pour s’opposer à la présence et au développement de la bactérie Escherichia coli fréquemment à l’origine des cystites.

Son usage fait toutefois l’objet de débats et de controverses. Il y a peu, cette utilisation préventive avait été validé par l'administration française. Ce qui n’a pas été le cas de l'EFSA qui a estimé que les études fournies n'étaient pas suffisantes pour étayer de telles allégations concernant la prévention des infections urinaires.

C’est dans ce contexte que vient d’être publiée une étude de la Cochrane Review. Ses conclusions confirment celles d’une précédente étude, néerlandaise, menées chez des femmes à l’approche de la ménopause et publiée l’an dernier dans les Archives of Internal Medicine. Elles mettent à mal une idée très répandue quant aux vertus supposées des produits (capsules, sirops, gélules et comprimés à base de jus de cranberry) dans la prévention des infections des voies urinaires et tout particulièrement des cystites, affections fréquentes et douloureuses chez certaines femmes.

Pour aboutir à cette conclusion, les auteurs de ce travail ont procédé à un examen systématique des études ayant déjà évalué l'efficacité de ces produits chez des femmes souffrant d'infections urinaires récidivantes, ainsi que chez les personnes exposées à un risque accru de souffrir de telles infections. C’est un sujet qui a été largement travaillé: ils ont ainsi retrouvé vingt-quatre études portant sur un total de près de 4.500 personnes.

Voici leurs principales conclusions:

La consommation des différentes présentations à base de baies de canneberge ne réduit en rien le risque global d’infections urinaires. La démonstration en est apportée chez les femmes souffrant d'infections urinaires récurrentes, les personnes âgées, les femmes enceintes, les enfants avec infection urinaire récidivante, les patients atteints de cancer, les personnes présentant des anomalies de la vessie ou des lésions de la moelle épinière.

On peut toutefois ajouter un bémol. Ce travail laisse penser que s’il devait avoir un effet, le jus de cranberry devrait être consommé quotidiennement et dans des proportions considérables: deux fois par jour pendant un an pour espérer au final avoir une infection urinaire de moins. Et les volumes seraient bien évidemment encore plus importants si cette substance était présente sous forme de cocktails spécialisés.

A retenir: la meilleure prévention des infections urinaires réside dans le respect des règles de l’hygiène intime et dans la consommation de substantiels volumes d’eau. Ce qui, en toute hypothèse, est moins coûteux que le recours aux dérivés des fruits rouges du Québec ou du Wisconsin.

Jean-Yves Nau

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