France

Pacte Ayrault: enfin un cap et un programme d'action

Temps de lecture : 5 min

Le recours au crédit d'impôt pour faire baisser le coût du travail est un montage complexe mais qui peut fonctionner. Le reste du programme n'est pas parfait mais, au moins, on sait maintenant ce que ce gouvernement compte faire.

Phare du port de IJmuiden aux Pays-Bas en 2007. REUTERS/Marco de Swart
Phare du port de IJmuiden aux Pays-Bas en 2007. REUTERS/Marco de Swart

En réponse au rapport Gallois, le Premier ministre a sorti de sa manche un pacte national pour la compétitivité, la croissance et l’emploi, qui ne suscite pas l’enthousiasme, mais peut marcher. Si beaucoup de points restent à préciser, on a enfin l’impression que le gouvernement sait où il veut aller.

On comprend maintenant pourquoi la remise du rapport Gallois, prévue initialement en octobre, a été repoussée au 5 novembre: il fallait laisser au Premier ministre le temps de préparer un projet permettant de répondre au moins en partie aux recommandations émises par le nouveau commissaire général à l’investissement.

Dès le départ, en effet, on savait que la proposition numéro 4, créer un choc de compétitivité par le transfert de 30 milliards de charges sociales vers la fiscalité et la réduction de la dépense publique, ne passerait pas: pour réduire le déficit public en 2013, le gouvernement avait déjà décidé d’alourdir la fiscalité de façon significative, il n’était pas jugé possible d’aller plus loin.

Cependant, il était inconcevable de ne rien faire: le déficit de notre commerce extérieur atteint des sommets; dans les capitales étrangères comme au siège des grandes organisations internationales, le FMI notamment, on s’inquiète de l’inaction des dirigeants français depuis de longues années. Un jour ou l’autre, la France risquait de se retrouver au cœur d’une nouvelle crise en Europe. Il fallait agir. Mais comment?

L’astuce du crédit d’impôt

François Hollande ayant écarté l’hypothèse d’un choc au profit d’une action progressive, il fallait trouver quelque chose qui fasse tout de même de l’effet sans peser sur les finances publiques en 2013 — il sera très difficile de ramener le déficit à 3% du PIB – ni faire monter la grogne dans les ménages alors que le pouvoir d’achat est déjà en baisse. Nos énarques, jamais à court d’une idée compliquée, ont trouvé l’astuce: on va avoir recours au crédit d’impôt, soit sur l’impôt sur les sociétés, soit sur l’impôt sur le revenu, selon la forme juridique de l’entreprise; ce crédit jouera pour la première fois en 2014 sur l’impôt qui devrait être payé au titre de l’exercice 2013.

Le CICE (crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi) sera calculé en fonction de la masse salariale brute de l’entreprises, hors salaires supérieurs à 2,5 fois le Smic ce qui, indirectement, revient à baisser le coût du travail jusqu’à ce niveau de salaire.

Incontestablement, la formule est habile. L’effet peut être immédiat: les entreprise pourront prendre des décisions d’investir ou d’embaucher dès 2013, sachant qu’elles auront une réduction d’impôt l’année suivante (voire un chèque si leur crédit dépasse le montant de l’impôt qu’elles auraient théoriquement à payer). Et les mesures destinées à financer cette aide fiscale n’auront à s’appliquer qu’à partir de 2014.

De plus, en programmant cette action sur plusieurs années, on peut tout de suite annoncer un gros chiffre qui marque les esprits et n’est pas trop ridicule face aux 30 milliards demandés par Louis Gallois. De fait, ce sera 20 milliards par an, avec une montée en charge progressive (10 milliards la première année), sachant que les PME et les ETI (entreprises de taille intermédiaire) pourront demander à bénéficier de l’effet de l’allègement d’impôt dès l’an prochain.

L'humour à la mode Matignon

Que ce superbe montage réussisse à susciter des critiques identiques (une «usine à gaz») de la part du Medef et de la CGT peut laisser penser qu’il n’est pas si mauvais que cela... A priori, il ne semble pas trop compliqué, moins en tout cas que les premières indications en provenance du ministère du Redressement productif ne le laissaient penser.

Il n’empêche qu’il est moins simple qu’une réduction toute bête des cotisations sociales. Et, surtout, ce qui peut inquiéter dans les entreprises, c’est que le CICE ne leur sera pas donné sans contreparties; elles devront expliquer à quoi elles ont employé les marges ainsi recréées et les instances représentatives du personnel auront à donner un avis. Soulignons que le pacte présenté le 6 novembre par Jean-Marc Ayrault comporte huit leviers d’action dont le septième est intitulé: «Faciliter la vie des entreprises en simplifiant et stabilisant leur environnement réglementaire et fiscal»…

Si, dans le patronat, on critique un texte compliqué et contraignant, dans les syndicats et à la gauche du PS, on rejette ce pacte parce qu’on nie que le coût du travail soit un problème. L’idéologie empêche parfois de voir la réalité en face… Et la façon dont le CICE sera financé risque d’être rejetée plus violemment encore. Sur les 20 milliards annuels, dix seront financés par une réduction de la dépense publique (ce qui va faire hurler tous ceux qui ne jurent que par l’action de l’Etat) et dix par l’impôt. Sur ces dix milliards, trois devraient provenir de la future fiscalité écologique et sept d’une hausse de la TVA.

Comme Sarkozy?

Evidemment, à droite, on ricane: le gouvernement Ayrault revient à la TVA sociale Sarkozy qu’il avait abrogée en arrivant. Il est vrai que la gauche avait toujours dénoncé l’idée d’un financement des baisses de charges sociales par la TVA, injuste socialement à ses yeux. Et maintenant, contrainte et forcée, elle l’adopte. On peut la critiquer ou se moquer, on peut aussi constater qu’elle a raison d’adopter, en dépit de ses préventions, la formule finalement la moins insupportable.

Sur la CSG, beaucoup a déjà été fait, qu’il s’agisse des revenus du travail ou du capital; l’alourdir encore était difficilement concevable. Enfin, la mesure annoncée est calibrée de façon intelligente: à partir du1er janvier 2014, le taux réduit de 5,5 % pour les produits de première nécessité sera ramené à 5%, le taux intermédiaire de 7% (qui s’applique entre autres à la restauration et aux travaux à domicile) sera porté à 10%, tandis que le taux normal passera de 19,6% à 20% (contre 21,2% dans la loi votée par la précédente majorité). Au passage, on doit reconnaître que trois taux respectivement à 5%, 10% et 20%, cela a pour une fois le mérite de la simplicité. Bref, cela ressemble à la TVA Sarkozy, mais ce n’est pas tout à fait la même chose.

Le pacte Ayrault comporte bien d’autres points (trente-cinq décisions pour actionner les huit leviers) qui ne suscitent pas autant de passions, mais ne sont pas négligeables. La plupart étaient déjà annoncés plus ou moins officiellement, mais, rassemblés dans un même document, avec des dates pour la mise en place de chaque disposition, on a quelque chose qui ressemble enfin à un programme de gouvernement économique.

Que ce programme ne soit pas parfait, qu’il risque de provoquer beaucoup de réactions hostiles à droite comme à gauche, c’est évident. Mais, au moins, on sait maintenant ce que ce gouvernement compte faire.

Gérard Horny

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