Économie / Life

Y a comme un Bing!

Temps de lecture : 5 min

Attention Google: le nouveau moteur de recherche de Microsoft n'est pas si mal.

Le printemps est la saison pour les nouveaux et médiocres moteurs de recherche. Tout d'abord, nous avons assisté à la sortie de Wolfram Alpha, un projet hyper hype qui voulait se distinguer de Google en se disant non pas moteur de recherche mais «moteur de connaissance». C'est peut-être pour cela qu'il n'a pas réussi à me dire ce que je voulais savoir. Mais Wolfram a rapidement été oublié quand les geeks se sont mis à s'exciter autour de Topsy, un moteur de recherche qui classait ses résultats en fonction des liens faits sur Twitter. Quand j'ai cherché des choses sur la «Prop 8», lors de la confirmation, par la Cour suprême de Californie, de l'interdiction du mariage homosexuel, Topsy m'a renvoyé, entre autres choses débiles, sur un article du Los Angeles Times, vieux d'un an, et que beaucoup d'utilisateurs de Twitter avaient pris comme la nouvelle de l'annulation de l'interdiction.

De telles tentatives de dégoogler Google ne font qu'ajouter à son aura. Depuis des années, tant de wannabes-tueurs de Google sont venus et repartis que c'est aujourd'hui presque une malédiction de dire tout fort que son moteur de recherche va battre Google. Steve Ballmer, président de Microsoft, ne semble pas croire à cette malédiction. Ballmer est explicite quant à son souhait de détruire Google - dans les interviews, il n'arrive d'ailleurs même pas à prononcer le nom de son concurrent et fait référence à Google comme le «leader du marché». Lundi 1er juin, Ballmer a dévoilé son dernier coup contre ce leader. Il s'appelle Bing, et il est en fait plutôt bon. Attendu depuis longtemps, le tueur putatif de Google a tout ce que vous voudriez voir dans un moteur de recherche. En d'autres termes, il est comme Google: il vous renvoie rapidement à des résultats pertinents organisés de façon propre et sensée.

Bing possède tout le tralala pour dominer Google et pas grand chose qu'un nouvel utilisateur trouverait difficile à comprendre. En effet, il montre que Microsoft est moins préoccupé par rendre son produit différent de Google que de concevoir des stratégies pour voir les gens changer pour lui. Par exemple, l'entreprise a intégré un programme de récompense dans Bing: vous pouvez maintenant recevoir de l'argent quand vous achetez le produit que vous avez recherché. Microsoft a aussi choisi le nom du site précisément pour pousser les gens à l'utiliser comme un verbe. Dans une lettre distribuée par l'équipe de Bing à ces usagers, on pouvait lire: «nous espérons sincèrement que la prochaine fois que vous aurez une décision importante à prendre, vous allez Binger et faire votre choix». Je sais que ça a l'air aberrant. Mais comme l'était «je l'ai googlé» autrefois - jusqu'à ce que tout le monde se mette à googler tout le monde et que cela semble aujourd'hui normal.

Ce qui suggère le plan d'attaque de Microsoft: il ne combattra pas Google simplement en faisant un formidable moteur de recherche mais en étant sûr que vous entendrez parler de ce formidable moteur de recherche. Il prévoit de dépenser 100 millions de dollars en publicité et peut-être beaucoup plus en améliorations du site. Est-ce cela peut fonctionner? Bien sûr. Microsoft est riche, obstiné et, avec Ballmer, maniaquement déterminé à gagner la guerre de la recherche. Bien sûr aussi, Google possède les deux tiers du marché et l'idée qu'un concurrent puisse entailler cette position semble folle. Mais tout le monde - y compris Google - admet que le marché de la recherche est encore jeune et que tout peut changer dans les années qui viennent. Quand vous utilisez Bing - pardon, quand vous bingez - l'idée que Google puisse être battu ne semble pas si folle, après tout.

Cela ne veut pas dire que Bing soit un meilleur moteur de recherche. Ce n'est pas le cas; je l'ai mitraillé de plusieurs types de recherche et — comme beaucoup d'autres personnes — j'ai juste trouvé qu'il était tout aussi bon que Google. En effet, il était souvent impossible de distinguer les résultats. Quand j'ai bingé et googlé les trois recherches agréées par Slate pour tester un moteur de recherche - «Obama», «Viagra» et mon propre nom, les deux sites m'ont renvoyé des résultats similaires.

Le plus souvent, la différence majeure entre les recherches de Bing et de Google n'était pas les liens proposés mais la façon dont ils se disposaient sur la page. Dans ses publicités, Microsoft a l'intention de dire que les moteurs de recherche d'aujourd'hui ne fonctionnent pas très bien. Selon ses données, nous ne trouvons souvent pas la bonne réponse lors de notre première recherche — on cherche un terme, puis on reformule sa recherche jusqu'à ce que l'on trouve ce que nous voulions. Bing tente de remédier à cela en vous renvoyant non seulement des résultats pour votre recherche initiale mais aussi pour des recherches similaires, «Obama biography» (biographie d'Obama), «Obama issues» (problèmes d'Obama) et «Obama facts» (faits sur Obama). En tout, Bing vous donne 20 résultats quand Google vous en donne 10. Microsoft pense que cela va augmenter les chances que vous trouviez ce que vous cherchiez en première page.

C'est difficile de dire si cette façon de faire est meilleure que l'autre. Je préfère la page de résultats moins encombrée de Google à celle de Bing — mais c'est très probablement parce que j'y suis plus habitué. La plupart des gens ne réfléchissent pas trop pour savoir quel moteur de recherche utiliser; les sondages montrent que nous utilisons Google non pas parce qu'il nous donne les bons résultats mais parce que c'est une habitude. Mais nos habitudes ne sont pas forcément des choses immuables: nous  serons très heureux de papillonner d'un moteur de recherche à un autre. Selon Nielsen, près du tiers des internautes utilisent au moins trois moteurs de recherche par mois. Plus loin, les gens le plus à même de pouvoir alterner entre plusieurs moteurs de recherche sont ceux que l'on nomme «gros chercheurs» - les 20% d'internautes américains responsable de 80% du trafic sur tous les moteurs de recherche. Microsoft semble aller à la conquête de ces utilisateurs expérimentés. Il a même conçu un plug-in pour Firefox — Firefox l'open-source! — qui permet des recherches Bing encore plus rapides.

Ballmer a déclaré que Microsoft est aujourd'hui au même point dans le marché des recherches qu'il l'était dans le marché des PC au début des années 1990. Les premières versions de Microsoft ne fonctionnaient pas très bien et c'est parce que Microsoft n'a pas cessé d'améliorer son produit qu'il est finalement devenu dominant. «Si vous y réfléchissez cinq minutes, Windows 95 est arrivé 12 ans après le début de Windows», a-t-il indiqué au New York Times. «Nous travaillons sur un moteur de recherche depuis cinq ans. Je ne suis pas en train de dire que ça va nous prendre douze ans, mais dans un sens, ce que nous essayons de faire, c'est accélérer le mouvement et voir si nous pouvons y arriver.»

Henry Blodget a fait du bon boulot en attaquant les points faibles de cette comparaison. Il a souligné que lorsque Microsoft, à l'époque, améliorait Windows, il partait d'une position privilégiée; il était déjà le premier fabricant de systèmes d'exploitation PC, et ce ne fut pas très difficile de convaincre les marques de machines d'installer les versions successives de Windows. Microsoft occupe une place tout autre dans le marché des recherches: c'est un mauvais cheval et son concurrent, avec son implacable talent, ne va pas être tenté de commettre beaucoup de fautes.

Cela en sera peut-être ainsi. Mais Ballmer ne va pas lâcher prise. Il a déclaré au New York Times que Bing représentait le premier pas de quelque chose de grandiose pour son entreprise: «c'est important — comme quelque chose auquel nous tiendrions beaucoup, nous y réfléchissons sans cesse, nous allons continuer d'y croire et nous allons investir». Que de bonnes nouvelles. Si le marché des moteurs de recherches est en effet encore jeune, il a besoin d'un concurrent pour grandir. Et c'est la meilleure raison d'utiliser Bing - si vous changez, Google va faire des choses incroyables pour vous faire revenir.

Farhad Manjoo

Traduit de l'anglais par Peggy Sastre

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