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Le casting pour récupérer le Nobel de la paix de l'Union Européenne

Temps de lecture : 6 min

Qui pour aller récupérer notre nobel? D'Herman Von Rumpuy à Jean-Luc Mélenchon, en passant par Captain Europe et Jean Quatremer, nos candidats, triés sur le volet.

Un homme dans l'entrée de la Commission Européenne, à Bruxelles, le 12 octobre 2012. REUTERS/Yves Herman
Un homme dans l'entrée de la Commission Européenne, à Bruxelles, le 12 octobre 2012. REUTERS/Yves Herman

Toute l'UE est récompensée pour s'être tenue à peu près tranquille depuis six décennies et pour avoir amené la paix (en faisant abstraction de l'expérience yougoslave des années 90) sur ce continent si tourmenté par le passé.

Avec une organisation institutionnelle à plusieurs têtes, qui pourrait récupérer légitimement, au nom des 500 millions de citoyens, le précieux diplôme? Slate.fr vous propose ses candidats. Triés sur le volet.

Herman Van Rompuy

Il pourrait paraître logique que celui qui a été présenté en 2009 comme le premier «Président de l'Europe» ait l'honneur de se rendre à Oslo. Selon les textes législatifs, il a toutes ses chances d'y parvenir (même si la compétition avec le président de la Commission s'annonce corsée).

Petit hic? Il reste largement inconnu auprès du grand public.

Exception faite en Belgique, puisque Herman Van Rompuy était le Premier ministre du pays en 2008-2009. Mais bon, si ça peut faire plaisir aux Belges et aider à sauver le pays de la scission...

Catherine Ashton

Depuis trois ans, elle est en charge de la politique étrangère de l'UE, en sa qualité de «Haute représentante». A Bruxelles, Catherine Ashton est réputée pour son incompétence et sa propension à quitter la ville dès que possible pour rentrer à Londres...Totalement éclipsée par les diplomaties nationales, tout le monde se demande réellement à quoi elle sert.

Ce Nobel peut être l'occasion de répondre à cette question.

Angela Merkel et François Hollande

C'est Nicolas qui va être jaloux.

Mais après tout, la présence des deux dirigeants pourraient se justifier, le couple Paris-Berlin ayant toujours permis de faire avec l'Europe, dans un sens ou dans l'autre: la communauté du charbon et de l'acier, Airbus, le marché unique, l'euro, etc. Tout ça, c'est grandement du made in FrançAllemagne.

Quand le président du comité du Nobel a expliqué le choix du jury, il a commencé immédiatement par la «réconciliation» franco-allemande. Thorbjoern Jagland a même évoqué les trois conflits successifs en 70 ans dont deux d'entre eux ont embrassé le reste de la planète, avec pour résultat, 45 millions de morts rien que pour le vieux continent (soit environ l'équivalent de la population actuelle de l'Espagne).

Ce symbole aurait toujours autant de succès en France et en Allemagne, mais les 25 autres pays (oui, il paraît que nous sommes maintenant 27) pourraient se sentir quelque peu spoliés.

Martin Schulz

Il est socialiste, allemand, chauve, barbu, parle plusieurs langues couramment (dont l'allemand, le français et l'anglais), et il te représente, toi, petit citoyen. Oui, Martin, c'est le Président du Parlement européen. Il a été un des premiers à réagir sur Twitter. Bien loin de la retenue habituelle d'Angela Merkel, il s'est dit «submergé par l'émotion».

Son porte-parole a d'ailleurs déclaré qu''il ne faut «pas oublier que le prix est adressé aux citoyens de l'Union, qui sont représentés par le Parlement, et que les invitations sont du ressort du Comité Nobel».

Oui, il a très envie d'aller à Oslo (tout comme de devenir le prochain président de la Commission européenne).

José Manuel Barroso

Justement. Le poste en question est actuellement détenu, depuis 2004, par l'ancien Premier ministre portugais José Manuel Barroso. Il a tenu une conférence de presse immédiatement après l'annonce officielle par le comité du prix Nobel, alors que Herman Van Rompuy était en visite officielle en Finlande et en Lettonie. Premier arrivé, premier servi.

Discourir à Oslo pourrait être le point culminant de ses deux mandats, on ne peut plus ternes, à la tête de l'exécutif européen (jusqu'à 2014), durant lesquels il n'a fait qu'accumuler les mauvaises nouvelles: trois référendums négatifs (France, Pays-Bas en 2005, Irlande 2008), un désamour grandissant des citoyens pour l'UE et une crise de l'euro qui l'a relégué dans l'ombre, se cantonnant à faire ce que les Etats lui demandent.

Enfin un bilan!

Les vieux briscards

Puisque les dirigeants de l'UE actuels sont si transparents, pourquoi ne pas ressortir les anciens?

Celui dont le nom rend tout chose n'importe quel fonctionnaire européen, c'est le français Jacques Delors, ancien président de la Commission européenne de 1985 à 1995, artisan du marché unique et de l'euro. S'il monte à la tribune, toutes les chances pour que le quartier européen de Bruxelles soit aux anges.

Au pouvoir en Allemagne durant les années Delors, l'ancien chancelier allemand Helmut Kohl est un des «grands européens» encore de notre monde. Avec François Mitterrand, ils avaient surpris l'Europe entière lorsqu'ils s'étaient tenus la main, en 1984, lors d'une cérémonie commémorant la bataille de Verdun.

L'unificateur de l'Allemagne n'est plus tout jeune, 82 ans, mais fait encore des apparitions dans la vie politique allemande, n'hésitant pas à critiquer Merkel et sa façon de gérer la crise de la zone euro.

Dans la catégorie vétéran, mais toujours en activité, nous disposons aussi de l'actuel Premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker. Au pouvoir depuis 1995 dans son pays. Il est tellement indispensable au bon fonctionnement de l'UE que lorsqu'il a annoncé qu'il ne se représenterait pas à la tête de l'Eurogroupe (organe qui réuni les ministres des Finances de la zone euro) en mars dernier, il a fini par être forcé de rempiler face à l'incapacité de la France et de l'Allemagne de se mettre d'accord sur un nom.

Si les généalogistes s'ennuient, pourquoi ne pas aller chercher les descendants des Pères fondateurs de l'Europe comme Jean Monnet, Robert Schuman, Altiero Spinelli ou Paul-Henri Spaak.

Jean Quatremer et Jean-Luc Mélenchon

Imaginez. Le premier, correspondant de Libération à Bruxelles, défenseur d'une Europe légalisto-fédérale et le second, patron du Front de Gauche, tenant d'une Europe révolutionnaire, tous deux adeptes des clashs publics (voir ici, ici, ici et encore ici), la main dans la main à Oslo pour recevoir le prix Nobel. Une belle façon de réconcilier les France du Oui et du Non.

Un inconnu

Comme l'a si bien dit José Manuel Barroso, le prix revient aux 500 millions de citoyens de l'UE. Alors pourquoi pas en choisir un au hasard pour aller en Norvège?

La commissaire aux Affaires intérieures, Cécilia Malmström, a proposé sur son compte Twitter d'envoyer 27 enfants:

On pourrait même les imaginer avec des fleurs dans les cheveux, ça serait vraiment mignon tout plein.

Chypre

Oula, parmi tous les présidents de l'UE, nous en avons omis un: Chypre. Tous les six mois, un pays prend la tête du Conseil de l'Union européenne (souvenez vous, la France, c'était en 2008). Jusqu'au 31 décembre, les chypriotes ont hérité de la charge de diriger l'organe qui représente les ministres des 27. Le président de l'île, Dimítris Khristófias, fait donc parti des prétendants.

Si le scénario ce produit, vengeance ou ironie de l'Histoire, l'Europe serait représentée par un pays découpé en deux depuis 1974 où la réconciliation entre les communautés grecque et turque semblent impossible. Pas très crédible.

Captain Europe

Quoi, vous ne connaissez pas Captain Europe ?

Il rôde dans les rues du quartier européen de Bruxelles mais aussi sur Twitter:

«Fonctionnaire européen légèrement maniéré le jour, Superhéros, euh, le week-end et à d'autres moments sur demande...».

Avec sa cape et son juste au corps aux couleurs européennes, ça pourrait avoir un certain charme, au milieu des dorures. Les Norvégiens pourraient nous en vouloir de saccager leur belle cérémonie, mais après tout, ce n'est pas tous les jours qu'on reçoit un Nobel.

Un Rom

Répartis sur toute l'Europe, adeptes de la liberté de circulation avant l'heure, les Roms sont pourtant les grands oubliés de l'unification du continent, malgré tous les programmes de coopération ou budgets qui leur sont alloués.

Par ailleurs, ils sont les bouc-émissaires parfaits, aussi bien en Hongrie ou en France, pour tout politicien en mal de popularité.

Chiche?

Cédric Klapisch

Le réalisateur de l'Auberge espagnole a probablement plus fait pour l'intégration européenne et l'amour entre Européens (au sens propre du terme) que deux bataillons d'économistes de la Commission européenne.

Le film fête d'ailleurs ses 10 ans, alors que le programme Erasmus connait des problèmes financiers...plus assez d'argent dans les caisses pour terminer l'année. En cause, les États qui ont vu un peu juste pour le budget 2012 de l'UE.

Les échanges universitaires sont pourtant le plus grand succès d'une Europe qui se veut celle des citoyens.

Dans un article publié sur le Huffington Post, Cédric Klapisch écrivait en avril dernier ce qui résume très bien les querelles entre les pro et anti Prix Nobel de la Paix:

«[Ces colocataires] vivaient ensemble et ils réinventaient une nouvelle façon de vivre mais sans s'en rendre compte et sans être dogmatiques. Ils étaient à l'image de l'Europe en pleine construction spontanée et enthousiaste (…). Je vois à quel point aujourd'hui c'est déjà devenue une autre époque. Le mot "Europe" renvoie au mot "crise". Les problèmes et les rancœurs sont passés devant l'enthousiasme. Le mot "austérité" a remplacé le mot euphorie.»

Enfin, tout ça ne nous dira pas ce qu'adviendra le million d'euros qui va avec le Nobel.

Slate.fr

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