Un nouveau virus proche de celui responsable de l’épidémie du Sras de 2003 –mais qui pour le moment ne se comporte pas tout à fait de la même manière– a été découvert dans la Péninsule arabique. On ne dénombre pour le moment que très peu de cas, mais comme une épidémie n’est pas à exclure, l’affaire commence à inquiéter les virologues, les épidémiologistes et les autorités sanitaires du monde entier, la période étant celle des pélerinages à La Mecque. L'Organisation mondiale de la santé et le Centre européen de contrôle des maladies (ECDC) suivent évidemment l'évolution de la situation.
En France, les spécialistes de l’unité infections respiratoires et pathologies émergentes de l'InVS sont sur le qui-vive. Mercredi 26 septembre, ils ont décidé d'alerter les praticiens sur les éléments connus et leur interprétation.
Voici ces éléments:
Début septembre 2012, un homme a été identifié comme porteur d'une infection respiratoire à coronavirus au Royaume-Uni. Il avait initialement hospitalisé au Qatar et ayant rapporté un séjour en Arabie saoudite, il est actuellement en soins intensifs pour défaillance respiratoire et rénale au Royaume-Uni.
Parallèlement, l'Arabie saoudite indiquait le 20 septembre 2012 avoir identifié une infection respiratoire à coronavirus chez un patient de 60 ans, hospitalisé en juin 2012 pour pneumonie sévère suivie de défaillance rénale, et décédé à Jeddah, en Arabie saoudite (la date du décès n’est pas connue). Des prélèvements post-mortem ont ensuite adressés au laboratoire de virologie de l'université Erasmus de Rotterdam, aux Pays-Bas. Ils montrent qu'il s'agit d'un nouveau coronavirus. La comparaison des séquences virales des deux cas, effectuée à Rotterdam, indique une similitude de 99,5%.
Les proches n'ont pas présenté de pathologie respiratoire sévère
A la suite du rapprochement fait entre ces deux cas, un troisième cas possible a été rapporté; il s’agissait d’une personne résidant en Arabie saoudite qui avait été admise le 13 juin 2012 au Royaume-Uni et qui est décédé dans un tableau de défaillance pulmonaire suivie d'une insuffisance rénale aigue. Aucune recherche de coronavirus n'avait été effectuée.
Les spécialistes français précisent:
«Selon les informations disponibles à ce stade, il n'y a pas de lien épidémiologique connu entre ces trois cas. Les familles et soignants ayant été en contact proche des cas n'auraient pas présenté de pathologie respiratoire sévère. Par ailleurs, l'identification d'ARN viral de coronavirus chez les deux premiers patients ne suffit pas à confirmer la pathogénicité de ce nouveau virus. Enfin, ces informations ne permettent pas de conclure à une circulation active d'un nouveau coronavirus.»
Le précédent du Sras
L’affaire ne saurait toutefois être minimisée, selon le Dr Alain Fisch, spécialiste de médecine des voyages (Centre hospitalier de Villeneuve Saint-Georges):
«Le Sras était parti avec un seul individu: un Chinois qui avait mangé une civette à Canton: arrivé à Hong Kong, il a progressivement contaminé le monde entier. Cette fois-ci nous avons déjà trois patients dans deux pays différents et avec source de contamination inconnue. Un de ces deux pays, l'Arabie saoudite commence à héberger et hébergera au total dans les prochaines semaines environ 2,5 millions de personnes effectuant le pèlerinage de La Mecque. Elles vont ensuite revenir dans leurs pays d'origine à bord de plus de sept mille aéronefs primaires et un nombre incalculables d'aéronefs secondaires. Ces pèlerins auront vécu plusieurs semaines dans une grande promiscuité. Sans faire de catastrophisme, nous nous devons impérativement de tenir compte de ces données.»
Pour l’heure, la survenue de ces cas de pneumonies sévères ayant séjourné dans la Péninsule arabique et les connaissances antérieures sur le coronavirus du Sras ont conduit l'Union européenne et l'OMS à mener une évaluation de risque, en lien avec les pays concernés.
Les premiers éléments de l'analyse sont disponibles sur le site de l'ECDC. Une stratégie de surveillance est en cours de discussion au niveau européen. L'OMS n'a pas émis d'avis de restriction des voyages internationaux vers les pays concernés.
La période des pèlerinages à La Mecque approchant, une information aux voyageurs est en cours de discussion. Les responsables sanitaires français sont en contact étroit avec leurs homologues de l’Union européenne.
On indique de bonne source que dans l'attente de la définition d'une stratégie de surveillance et de communication, les cliniciens prenant en charge des patients hospitalisés avec une pneumonie sévère à la suite à un séjour récent dans la Péninsule arabique sont invités à contacter l'Institut national de veille sanitaire (0820 42 67 15 ou [email protected]) pour disposer de plus d'informations.
Jean-Yves Nau