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Le gag du bug Facebook

Temps de lecture : 4 min

Six trucs que nous devrions retenir de la journée de lundi.

Un objet possiblement non identifié selon le Journal of Scientific Exploration/ REUTERS
Un objet possiblement non identifié selon le Journal of Scientific Exploration/ REUTERS

Lundi, on a eu la confirmation que la France aime les bugs. On avait eu droit pendant des années à l’annonce du Bug de l’an 2000. Le 24 septembre 2012, on a un peu revécu ça, version Bug du 2.0.

Je sais que certains d’entre vous restent convaincus que certains de ces commentaires sont des messages privés et qu’ils n’en démordront pas. Qu’est-ce qui leur fait penser ça?

1. Le passé. Difficile de se souvenir de quelle manière on utilisait Facebook au début. Mais cette histoire de bug qui s’arrête à 2010 aurait d’entrée de jeu dû sembler suspecte.

«Non, mais tu vois, ça sort tous tes messages privés d’avant 2010.»

Ah ouais ? Avant 2010? Avouez que c’est étrange comme bug.

Il s’est passé quoi en 2010? Les usages ont changé. D’abord, l’excitation face à la nouveauté de Facebook s’était dissipée, on était davantage blasé. Les incessants changements de design du site ont aussi fait évoluer notre manière de nous servir du site. Et puis, à l’époque, on avait 50 amis, pas nos familles et patrons, et on se sentait sans doute plus libre d’écrire n’importe quoi.

2. Certains commentaires ont l’air personnel. Mais, en réalité, il n’y a rien de vraiment perso qui soit sorti.

Pour ma part, j’ai des trucs comme ça:

qui ressemble fortement à un message privé. Ça a l’intonation du message personnel. Sauf qu’en l’occurrence, je ne raconte pas quels SMS j’ai envoyés. (Impossible d’ailleurs de me rappeler de quels SMS je parle, ni de quelle soirée, ni de quelles patates.) J’ai le souvenir à l’époque d’avoir souvent vu des gens qui n’hésitaient pas à partager leur numéro de téléphone dans des commentaires.

Oui, en 2008, on racontait n’importe quoi en public.

3. La décontextualisation. La forme des boxes où ces soi-disant messages sont apparus a ajouté à la confusion.

Tous les commentaires de nos amis sur des photos, des statuts, y sont mélangés, sans aucun contexte. Ce manque de contextualisation a joué un rôle essentiel dans la confusion de lundi.

Certains commentaires privés du cadre de la discussion peuvent paraître beaucoup plus personnels qu’ils ne le sont vraiment.

Si cela avait été un message privé, ça aurait clairement été une invitation sexuelle. Sauf qu’en réalité, c’est la réponse que je faisais à la vidéo qu’une amie avait postée.

Mais alors, que s’est-il passé lundi?

Le changement de design de la Timeline a fait apparaître ces fameuses boxes où tout se mélange. Certains ont commencé à paniquer, comme cela s’était passé en Finlande en 2011: l’info/tox commence à circuler sur Twitter et le journal Métro publie un article – dont ils semblent encore très fiers puisque ce matin ils répétaient:

La mention «INFO METRO» n’aura jamais aussi bien porté son nom.

Mouvement de panique digne du Titanic. Visiblement, la majorité des internautes ont des trucs sur la conscience. Et sont alors partagés entre plusieurs priorités. Est-ce qu’on doit d’abord:

  • aller vérifier son propre profil
  • aller vérifier le profil de nos meilleurs amis (puisque nos commentaires à nous apparaissent chez eux)
  • aller vérifier le profil de notre conjoint(e)
  • aller vérifier le profil de nos ex.

Ou alors, pour les plus dingues: carrément supprimer son compte Facebook. Ce qui sonnait comme un aveu public de culpabilité.

S’ensuit une erreur majeure: les autres sites d’infos commencent à republier l’info sans aucune preuve, sur la base de nombreux témoignages d'utilisateurs. Le Monde fait même une alerte sur le sujet.

«Facebook: un bug rend publics des messages privés.»

Aucune ou pas de précaution dans ces articles, le conditionnel est jeté aux chiottes. Les «il semblerait» sont évanouis en fumée. (Je mettrais bien un lien vers ces articles mais ils ont depuis été modifiés…).

Ça publie dans tous les sens alors qu’à ce moment-là, il n’y a aucune preuve de rien. Les articles sont remplis de «des internautes nous affirment que» ou de «nous avons constaté que» –dont un de Slate– là où on aurait attendu, comme l’a fait Numerama, lundi soir, une explication d’un spécialiste informatique à qui on aurait demandé:

«Est-ce qu’un tel bug est possible? Est-ce que les messages privés et les commentaires publics ne dépendent pas de deux systèmes imperméables? Est-ce qu’un bug peut s’arrêter en 2010?»

Mais non, rien de tout ça. Pas la peine puisque le voisin de table à la cantine de ta collègue affirme qu’il a des messages privés qui ont fuité.

Du coup, l’info arrive sur les sites américains. Le site Techcrunch la prend au sérieux. La journaliste a elle aussi l’impression d’avoir été victime du bug. Jusqu’au moment où leur spécialiste informatique de Facebook leur affirme qu’a priori, il n’y a rien. Facebook dément officiellement, ce qui pour certains est bien la preuve qu’il y a un problème.

De tout ça, on retient quoi?

1. Qu’on comprend mieux ces gens qui sont persuadés d’avoir vu un ovni et que peut-être qu’on devrait arrêter de se foutre de leur gueule.

2. Que visiblement, on n’a aucune confiance en Facebook. C’est un peu comme si on attendait que ça nous explose en pleine gueule.

3. Qu’on a la sensation d’avoir des choses à cacher.

4. Que nos usages changent très vite sans qu’on s’en aperçoive.

5. Que la presse française a fait un epic fail de toute beauté.

6. Et pour ma part, que j’étais infiniment plus drôle en 2008/2009. Lundi, avec mes amis, en remontant nos Timelines, on avait l’impression que Facebook nous offrait un best-of de nos meilleures blagues. Finalement, on a passé une super aprèm.

Titiou Lecoq

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