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Trois raisons de s'intéresser aux élections du 1er octobre en Géorgie

Temps de lecture : 5 min

L'après-guerre d'août 2008, la politique d'euro-atlantisme du pays et sa francophilie traditionnelle justifient de s'attarder sur le scrutin parlementaire à venir.

Le président Mikhaïl Saakachvili au Parlement géorgien, le 26 mai 2012. REUTERS/Zurab Tvauri.
Le président Mikhaïl Saakachvili au Parlement géorgien, le 26 mai 2012. REUTERS/Zurab Tvauri.

Depuis plusieurs mois, une campagne électorale sévit en Géorgie dans la perspective du scrutin parlementaire du 1er octobre prochain. Si cette échéance peut paraître d’une importance toute relative vue de l’Hexagone, elle n’en n’est pas moins aussi cruciale à l’intérieur des frontières de la république caucasienne qu’à l’échelle régionale. Voici trois raisons sérieuses de s’attarder sur le cas géorgien.

1. La guerre d’août 2008

Dans la nuit du 7 au 8 août 2008, l’armée géorgienne bombarde une de ses capitales régionales, Tskhinvali, en Ossétie du Sud, suscitant une invasion immédiate des troupes russes qui se soldera par un accord de cessez-le-feu communément appelé «Medvedev-Sarkozy».

En amont du conflit, l’Etat géorgien sis à Tbilissi avait perdu le contrôle de cette région ainsi que de celle d’Abkhazie, zones où la Russie s’employait à distribuer des passeports et à souffler le chaud et le froid depuis la chute de l’URSS.

Depuis 2006, les relations diplomatiques entre les deux pays étaient d’ailleurs rompues. Dans l’objectif évident de provoquer son asphyxie, la Russie avait alors imposé un embargo commercial à la Géorgie, pour qui le marché russe représentait 90% des débouchés.

A l’issue de la guerre d’août 2008, l’Etat géorgien voit donc l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud «occupées» par les troupes militaires russes, au prétexte d’un «maintien de la paix» mobilisant jusqu’à ce jour d’importants effectifs militaires. Récemment, Vladimir Poutine a déclaré que cette invasion de la Géorgie avait été préparée deux ans auparavant.

Alors que les tensions électorales s’accentuent en Géorgie, l’exercice militaire «Kavkaz 2012» se déroule dans le Caucase russe: 8.000 hommes, 200 véhicules, 100 pièces d’artillerie et dix vaisseaux de combat participent aux opérations.

Depuis lors, les deux territoires perdus restent inaccessibles depuis la Géorgie –qui a accueilli 127.000 réfugiés consécutivement au conflit– et leur indépendance est reconnue unilatéralement par six états: la Russie, le Venezuela, le Nicaragua, Nauru, Tuvalu et Vanuatu. Mikheïl Saakachvili, président issu de la révolution des Roses de 2003, a depuis usé d’une rhétorique militariste et profondément anti-russe.

Dans l’espace post-soviétique, après des espoirs oranges déçus en Ukraine, seule la Géorgie a rompu avec la politique impériale du Kremlin, ne manquant pas de s’en attirer aussitôt les foudres. Mikheïl Saakachvili et son gouvernement se sont employés activement, à grand renfort de lobbying, à rapprocher leur pays des structures euro-atlantiques, à savoir Etats-Unis, Union européenne (UE) et Otan, lesquelles ont accepté de coopérer.

Avec un certain succès, réformes et refontes auront rythmé ces deux mandats présidentiels. Malgré des critiques émises quant à la nature, l’autoritarisme des réformes et à la concentration des pouvoirs entre les mains du président, il semble que l’aspiration du peuple géorgien à se rapprocher des structures euro-atlantiques ne se soit pas essoufflée.

2. L’euro-atlantisme

Dans le cadre de cette politique, les échanges bilatéraux et la coopération avec l’Ouest jouent un rôle primordial. Tout d’abord, la Géorgie est épaulée par des membres de l’Otan, dont les Etats-Unis et la France, afin de se constituer une défense digne de ce nom.

La coopération avec l’Alliance atlantique se matérialise notamment par sa présence en Afghanistan avec 1.700 hommes engagés sur le terrain à des fins de professionnalisation et d’intégration. Cela en fait la première force non-otanienne impliquée en Afghanistan. Anders Fogh Rasmussen, secrétaire général de l’Otan, saluait encore récemment les réformes menées en Géorgie pour se rapprocher des standards de l’Alliance.

Du côté de l’UE, la Géorgie bénéficie de l’assistance de l'EUMM (European union monitoring mission in Georgia) qui est la seule force internationale à observer la situation post-conflit depuis la Géorgie (elle n’a pas accès aux territoires abkhazes et sud-ossètes). Cette force européenne de 200 personnes a permis pendant quatre ans d’apaiser les tensions aux abords des frontières administratives.

La Géorgie prend part activement aux programmes de coopération et d’intégration dans l’UE sous la bannière du «partenariat oriental» et est signataire notamment d’accords de réadmission des migrants.

Outre la présence d’un allié dans l’espace post-soviétique, la Géorgie est un territoire stratégique pour l’UE: un carrefour eurasiatique de transit pétrolier, gazier et logistique, alternatif à la Russie, situé sur l’ancienne Route de la soie, mais également un territoire interposé géographiquement entre la Russie et l’Iran (à peine 400 km arméniens séparent la Géorgie de l’Iran).

Enfin, les liens avec les Etats-Unis sont essentiels. Si Mikheïl Saakachvili était très proche de l’administration Bush, les relations avec l’administration Obama ont été entretenues et les Etats-Unis n’ont pas failli dans leur soutien au nouveau régime géorgien.

3. La francophilie

Les histoires française et géorgienne sont jonchées de chapitres communs. Mais ne remontons qu’à 1921, lorsque l’Armée rouge envahit la jeune République indépendante de Géorgie, mettant fin à un épisode moderne et réformateur initié trois ans plus tôt.

Le gouvernement du chef d'Etat Noé Jordania se résout alors à l’exil à Constantinople, avant d’être rapidement délogé par les autorités turques, qui entretiennent des relations avec le régime naissant des Soviets. La France accueille le gouvernement en exil qui, sur le trésor d’Etat, acquiert le château de Leuville-sur-Orge (Essonne).

Si la communauté géorgienne de France issue des différentes vagues d’immigration (années 1920, 1940, 1990 et 2000) est aujourd'hui divisée sur des questions politiques, historiques ou religieuses, elle n’entretient pas moins des liens charnels avec Tbilissi.

Depuis 2004 et l’arrivée de Mikheïl Saakachvili au pouvoir –lui-même francophone depuis des études suivies à l’Institut international des droits de l’Homme de Strasbourg–, l’«Etat géorgien de Géorgie» tente un rapprochement avec l’«Etat géorgien de France». Cette histoire commune explique en partie l’intérêt géorgien pour la France et le français.

Aujourd’hui, la culture hexagonale suscite un intérêt croissant. «L’image de la France est très au delà de notre poids économique ou diplomatique. Il y a un prestige de la France et de la culture française, explique Gilles Carasso, directeur de l’Institut français de Tbilissi. L’intervention diplomatique de Nicolas Sarkozy en août 2008 y est pour quelque chose.»

Le nombre de francophones en Géorgie est cependant en déclin. Un loi promulguée en 2010 a rendu l’anglais obligatoire de la maternelle à la licence et à nui à l’enseignement des autres langues étrangères. Le français, consciencieusement enseigné durant toute la période soviétique, était aussi parlé antérieurement puisqu’il s’agissait de la langue aristocratique de l’Empire russe et donc de la noblesse géorgienne.

L’école française du Caucase fondée en 2006 contribue néanmoins au prestige et à l’engouement des élites pour le français. Livré en 2011, le nouveau bâtiment qui l’accueille, propriété de Bidzina Ivanishvili, offre des conditions d’enseignement hors du commun pour un si petit pays.

Ce dernier est d’ailleurs français. Mécène, oligarque et nouveau challenger du président Saakachvili, Bidzina Ivanishvili a été privé l’année passée de sa nationalité géorgienne. Le leader du mouvement «Le Rêve géorgien» entend mener sa coalition d'opposition au pouvoir afin de mettre un terme à «la cruauté du régime Saakachvili». Mais ça c’est une autre histoire… qui nous donne rendez-vous le 1er octobre prochain.

Louis-Antoine Le Moulec

Article actualisé le 25 septembre 2012 à 10 h avec des éléments supplémentaires sur le conflit russo-géorgien et la francophonie en Géorgie.

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