David Carradine, ex-star de la série Kung Fu, a été retrouvé mort dans un hôtel de Bangkok, jeudi 4 juin. La police l'a découvert dans une penderie; des cordes avaient été nouées autour de son cou et de ses parties génitales. Autant d'éléments qui laissent penser qu'il a perdu la vie par asphyxie dans le cadre d'un jeu sexuel. Ce jeu a un nom, «l'asphyxie autoérotique» ; est-il possible de la pratiquer sans risque ?
La réponse est non. Aucun médecin ne vous dira qu'il est possible de tenter une strangulation pendant l'acte sexuel ou la masturbation sans mettre sa vie en danger. Empêcher l'oxygène d'arriver au cerveau est en général une très mauvaise idée... Mais il est néanmoins possible de rendre cette technique un peu moins dangereuse. En la pratiquant avec un partenaire de confiance, par exemple, ou en décidant à l'avance d'un «signal de sécurité», pratique courante dans l'univers du bondage, qui permet de dire «stop» à un partenaire qui va trop loin. Il est en outre déconseillé de boire de l'alcool ou de se droguer : ces substances ne font qu'augmenter les risques. Enfin, et c'est une évidence, ceintures et cordes ne doivent pas être trop serrées... Il n'est pourtant pas rare que des personnes oublient cette dernière recommandation, et meurent par asphyxie ; ce pour la simple raison qu'elles n'étaient plus en état de défaire leurs liens. On a ainsi un jour retrouvé le corps d'un homme si fermement attaché que seules des cisailles pour acier auraient été en mesure de le libérer de ses chaînes.
L'asphyxie autoérotique, ou «asphyxiophilie», se pratique en général comme suit : l'homme (la plupart des adeptes sont des hommes) entoure son cou d'une ceinture ou d'une corde, attache l'autre extrémité à une poignée de porte ou à une canalisation, et adopte une position de « suspension contrôlée ». Puis vient le rapport sexuel ou la masturbation. La pression exercée par la ceinture interrompt la circulation du sang dans le cou, et provoque une congestion sanguine à l'intérieur du cerveau. Les taux sanguins d'oxygène chutent tandis que les taux d'oxyde de carbone grimpent, ce qui a pour effet de donner le tournis, et, chez certains, d'intensifier le plaisir sexuel.
Si la mort survient, c'est dans la plupart des cas parce que les liens de contention font pression sur une région particulière du cou, un petit groupe de récepteurs chimiques situé à la bifurcation de l'artère carotide. Ceci provoque une réaction immédiate du nerf dit « vague » : le cœur ralentit, et la personne perd conscience (c'est d'ailleurs pourquoi les prises de karaté et la technique du «pincement Vulcain» dans Star Trek prennent le nerf vague pour cible). En perdant conscience, le corps se relâche, et l'étranglement n'en est que renforcé ; la circulation artérielle s'interrompt dans le cou : c'est l'asphyxie. Il est rare que la pression soit assez forte pour couper la respiration ; dans la plupart des cas, la mort est due à l'absence de circulation sanguine.
Pourquoi ne pas tout simplement retenir sa respiration, me direz-vous ? Parce que l'effet obtenu n'est pas du tout le même. Des travaux de recherches traitant de ce sujet laissent entendre que les risques de l'asphyxiophilie font partie de ses attraits, et que si certains ne la pratique que pour le plaisir qu'elle apporte, d'autres aiment l'idée de jouer avec leur propre vie. L'état du corps de certaines victimes sont d'ailleurs parfois marqués par la pratique d'actes masochistes (brûlures de cigarette, parties génitales mutilées...).
Le premier cas connu d'asphyxie autoérotique fut celui de Frantisek Kotzwara, un célèbre compositeur de Prague mort en 1791 alors qu'il faisait l'amour avec une prostituée (elle fut inculpée de meurtre, puis acquittée). Vaughn Bodé, un important auteur de comics issu de l'underground, est mort en 1975 ; mort due, selon son fils, à l'asphyxiophilie. En 1994, le corps sans vie de Stephen Milligan, un membre du Parlement Britannique, fut découvert chez lui, entièrement nu (à l'exception de collants féminins et de porte-jarretelles) et étranglé par un fil électrique. En 1997, quand on retrouva le cadavre de Michael Hutchence, le chanteur du groupe INXS, le médecin légiste conclu à un suicide, mais sa petite amie et certains membres de sa famille pensent qu'il s'agissait en fait d'une mort par asphyxiophilie.
Il est difficile d'avoir les statistiques précises des conséquences de l'asphyxiophilie, car les décès accidentels sont souvent rangés dans la catégorie suicide ; mais le FBI (police fédérale) estime qu'entre 500 et 1000 morts pourraient être attribuées chaque année à cette pratique aux Etats-Unis. Le jeu adolescent dit «du foulard», qui consiste à s'étrangler soit même ou à étrangler un ami, est une pratique voisine. 65 personnes en sont mortes en 2007.
Christopher Beam
Traduit par Jean-Clément Nau
Photo: David Carradine Reuters