Durant l’été 2012, dans le parc national de Yosemite en Californie, l’un des sites touristiques les plus courus des Etats-Unis, huit visiteurs ont développé une maladie appelée syndrome pulmonaire à hantavirus. Trois en sont morts. Un taux de mortalité qui correspond aux habitudes de cette maladie émergente (jusqu’à la moitié des personnes infectées décèdent) dont l’agent infectieux, un hantavirus baptisé Sin Nombre ("Sans Nom" en espagnol), n’est connu que depuis 1993. Il n’existe contre lui aucun remède, ni préventif ni curatif.
Malgré ce portrait peu engageant, Louis Loutan, chef du Service de médecine internationale et humanitaire aux CHU de Genève, tient à rassurer les éventuels voyageurs qui reviennent de ou s’apprêtent à se rendre dans le parc national de Yosemite. «Les cas sont rares, précise-t-il. Moins de 600 infections ont été rapportées dans tous les Etats-Unis en vingt ans.»
Les hôtes naturels de ces virus sont des rongeurs, des souris sylvestres (Peromyscus maniculatus) pour être précis. Mais il arrive qu’ils se transmettent à l’homme par contact avec les urines, les déjections et la salive des animaux infectés. Il faut donc croiser la route de ces rongeurs. «Cela signifie que les personnes qui ont simplement traversé ce parc sans camper, par exemple, n’ont rien à craindre», explique le médecin genevois.
Ce sont en effet souvent des provisions non protégées durant la nuit qui attirent ces animaux, provoquant ainsi le contact fatal avec l’être humain. Tous les cas californiens ont pu être associés à deux campements dont l’un dispose de tentes fixes avec un socle en bois. Un paradis pour les petits rongeurs. Ces derniers ont installé leurs nids dans les doubles cloisons de ces habitations dans lesquelles ils ont pu se balader à leur guise, profitant du moindre petit passage pour piller un peu de nourriture et laisser quelques traces contaminées.
Pas de transmission entre humains
On estime que dans la région, entre 15 et 20% des souris sylvestres véhiculent la maladie. Les autorités du parc conseillent aux visiteurs de ne pas toucher de rongeurs, vivants ou morts, de protéger la nourriture, de veiller à ne pas remuer la poussière, de ne pas camper près des habitats naturels des souris (broussailles denses, tas de bois…), d’éviter de dormir à même le sol, etc.
«Ce virus ne se transmet pas entre êtres humains, poursuit Louis Loutan. Cela réduit sérieusement le risque sanitaire.» Depuis sa première description, le syndrome pulmonaire à hantavirus a fait son apparition bien au-delà des frontières des Etats-Unis. A ce jour, il a été diagnostiqué dans au moins 24 autres pays du Nouveau Monde, du Canada à la Terre de Feu. En Amérique latine, il semble être causé par un virus différent mais très proche du Sin Nombre. Au total, des milliers de cas ont été reportés avec un taux de mortalité toujours semblable de 50%.
Le virus Sin Nombre compte également des cousins en Europe et en Asie, ces derniers étant connus des scientifiques depuis quelques décennies de plus. Il s’agit notamment des virus Hantaan et Séoul, qui sévissent surtout en Extrême-Orient (Chine, Corée), et du virus Puumala, qui touche principalement l’Europe du Nord (Scandinavie, Russie) mais aussi les Balkans. Bien qu’ils appartiennent à la même famille que leurs congénères américains, les virus eurasiens sont moins dangereux. Le taux de mortalité se situe en effet entre 10 et 15%. Par ailleurs, ils ne provoquent pas un syndrome pulmonaire mais une fièvre hémorragique avec syndrome rénal (FHSR). Cette dernière entraîne entre 150 000 à 200 000 hospitalisations par année, surtout en Asie.
«Cette fièvre hémorragique est très rare en Europe de l'Ouest, voire inexistante, souligne Louis Loutan. Cela vient peut-être simplement du fait qu’elle n’est pas recherchée. Dans les cas légers, les symptômes peuvent facilement se confondre avec ceux d’une grippe ou d’une autre fièvre.»
Il est possible dès lors que le nombre de cas diagnostiqués augmente ces prochaines années si les moyens diagnostiques spécifiques permettent plus facilement de détecter la FHSR. Cette perspective n’est pas exclue puisque l’événement survenu au parc national de Yosemite, très médiatisé, a eu comme résultat d’intéresser un certain nombre de chercheurs à ce thème.
Bien qu’il n’existe aucun remède, il est néanmoins possible, dans le cas d’une infection par un virus eurasien ou américain, d’augmenter ses chances de survie. «Il faut une prise en charge rapide dès les premiers symptômes, estime encore Louis Loutan. Plus le diagnostic est posé tôt – encore faut-il que le médecin ait la maladie en tête –, plus il est possible d’envoyer rapidement le patient aux soins intensifs pour soutenir, si nécessaire, les fonctions risquant de défaillir.»
Anton Vos