Économie

A Bercy, Montebourg aide les entreprises à s'en sortir. Comme Baroin et les autres avant lui

Temps de lecture : 3 min

Au ministère d’Arnaud Montebourg, on aide effectivement des entreprises en difficulté, mais on y fait ça depuis l'élection de François Mitterrand. Et dossier traité ne signifie pas entreprise «sauvée» mais juste dossier «traité». Ni plus ni moins.

Passation de pouvoirs entre François Baroin et Arnaud Montebourg. Charles Platiau / Reuters
Passation de pouvoirs entre François Baroin et Arnaud Montebourg. Charles Platiau / Reuters

Marianne Zalc-Muller est super vénère lorsqu’elle entre dans le bureau qu’elle partage avec deux conseillers d’Arnaud Montebourg et où je l’attends depuis déjà quelques minutes parce que je suis arrivé en avance. Ça se voit parce que la responsable de la com’ du ministre du Redressement productif fume clope sur clope (c’est interdit dans tout le ministère des Finances, mais elle a une dérogation spéciale car elle «travaille énormément», m’ont vaguement laissé entendre les conseillers) et qu’elle me salue un poil sarcastiquement.

«Alors monsieur Serraf, on est venu vérifier les chiffres?, elle lâche avec un regard façon lanceur de couteaux au Grand cabaret de Patrick Sébastien. On est venu voir si je ne racontais pas d'histoires?»

Moi ça m’ennuie un peu que ça démarre comme ça, parce que je sais bien qu’on avance mieux dans l’amour et l’harmonie que dans le ressentiment et l’amertume: «Vous êtes en colère, je vous ai fait quelque chose?»

― Qu’est-ce que vous croyez! Vous avez publié l’intégralité de notre conversation de la semaine dernière! Ça ne se fait pas du tout!

― Comment ça? Un journaliste vous appelle, vous la responsable de la com’, il pose des questions, vous répondez, il retranscrit, et ça ne se fait pas?

― Non parce que la moindre des choses, c’est de demander si on peut publier avant! Tous les autres journalistes font comme ça!

― Ah zut, je croyais que la norme, c’était de prévenir que ceci ou cela était «off», pas que le mode par défaut d’une interview était de ne rien répéter. Je le note pour référence future, mais je ne suis pas certain de faire comme ça tout de même...

Alors, menteur? Pas menteur?

Bon, je la comprends un peu tout de même. C’est pas cool ce que j’ai fait: comme j’étais intrigué par les chiffres répandus par son boss depuis quelques jours, qui se vantait d’avoir sauvé exactement «91 entreprises et 11.250 salariés» depuis son entrée en fonction sans que jamais personne ne lui demande de comptes, je l’ai contactée pour obtenir des précisions. Elle ne m’en pas donné assez, je l’ai écrit, elle m’a appelé juste après la parution de l’article pour m’engueuler et a fini par me convier au ministère pour vérifier si c’était vrai ou pas, toute cette affaire.

«Alors, et le verdict? Menteur, pas menteur, le Montebourg?» devez-vous vous demander en trépignant sur vos chaises si vous avez suivi le début de cette aventure... Du calme, du calme, ça vient.

Disons que, non, pas menteur, mais au minimum enjoliveur et bon camelot de plateaux de télévision.

A Bercy, on s’occupe effectivement de donner un coup de main aux boîtes qui traversent une mauvaise passe, mais on le fait depuis le début des années 1980 via le Ciri (Comité interministériel de restructuration industrielle) pour les entreprises de plus de 400 salariés et cette structure d’aide à la restructuration ou d’assistance à la négociation de crédit bancaire a même traité quelque 400 dossiers à des titres divers au cours des trois dernières années.

On le fait aussi via la Médiation inter-entreprises, mise en place sous Sarkozy (argh!) et qui aide les donneurs d’ordres et les sous-traitants en conflit à se reparler comme au temps de leur première rencontre pour éviter un divorce. Depuis 2010, 227.000 entreprises y ont fait appel et 8 dossiers sur 10 ont pu être réglés positivement.

Privé de dessert!

La nouveauté, c’est effectivement la mise en place de ce réseau de commissaires au Redressement productif et d’une cellule du cabinet s’intéressant aux PME de moins de 400 salariés. Entre ces différents dispositifs, une centaine de dossiers (les «91» ont fait des petits pendant le week-end) ont bel et bien été gérés depuis l’arrivée de Montebourg à Bercy, mais disons que c’est un peu business as usual et qu’une boîte pour laquelle on passe un coup de fil ou dans les malheurs de laquelle on se plonge pour de bon, c’est un dossier «traité».

Ah, et pour l’anonymat des entreprises concernées, «il se justifie, m’explique Jean-Claude Palu, le médiateur délégué au cours de la réunion inter-services que l’on m’autorise à suivre pour me prouver que ce n’est pas du bidon, par la nécessité de ne pas provoquer un délit d’initié si l’entreprise est cotée, ou de ne pas trop lui faire de mauvaise publicité si elle ne l’est pas». Dont acte.

Lorsque Marianne Zalc-Muller nous raccompagne, la journaliste de Libé qui se trouvait là pour les mêmes raisons et moi, vers son bureau après la réunion, elle est toujours un peu en colère (les médiateurs, qui ont le sens de l’humour, ont même proposé de nous aider à renouer mais elle n’était très pas réceptive). Du coup, elle décide de me punir:

«Vous savez quoi, votre collègue de Libé, je vais lui envoyer la liste des entreprises et des emplois concernés par mail, mais pas à vous parce que vous ne vous comportez pas comme il faut. Vous, vous pouvez juste jeter un coup d’œil sur mon écran parce que je ne vous fais pas confiance

Vraiment pas cool, la responsable de la com'. Je me demande si l’interview de Montebourg qu’elle m’a vaguement promis d’organiser va se faire. Franchement, j’ai un doute.

Hugues Serraf

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