En ouverture de la conférence sur l’environnement, François Hollande a annoncé ses décisions concernant l’exploration et l’exploitation du gaz de schiste en France:
«J'ai demandé à Delphine Batho, ministre de l'Ecologie, du Développement durable et de l'Energie, de prononcer sans attendre le rejet de sept demandes de permis déposées auprès de l'État et qui ont légitimement suscité l'inquiétude dans plusieurs régions (...) S'agissant de l'exploration et de l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels, telle sera ma ligne de conduite tout au long de mon quinquennat. (…) Dans l'état actuel de nos connaissances, personne ne peut affirmer que l'exploitation des gaz et huiles de schiste par fracturation hydraulique, seule technique aujourd'hui connue, est exempte de risques lourds pour la santé et l'environnement.»
Le président de la République a ajouté que «le gaz de schiste soulève bien des questions», et il a dit «entendre les arguments économiques et les considérations souvent exagérées sur les gisements».
Ainsi, François Hollande cède aux arguments des écologistes. La France rejoint la Bulgarie et la Roumanie, les pays européens qui ont décidé d’un moratoire sur l’exploration et l’exploitation du gaz de schiste.
La décision du président de la République intervient avant même les discussions prévues pendant deux jours, ces 14 et 15 septembre, pendant cette conférence de l’environnement. François Hollande met ainsi fin à la cacophonie autour de ce sujet qui avait marqué les derniers mois.
Pas interdit pour Arnaud Montebourg, le gaz de schiste était exclu pour Delphine Batho. Pour l’AFP, cette dernière avait qualifié de «spéculations imaginaires qui sont sans fondement», les déclarations anonymes publiées par le Figaro le 11 septembre et selon lesquelles «le gouvernement serait prêt à entrouvrir la porte à l'exploration des gaz de schiste en France».
Fin août, le Premier ministre avait déclaré, lui, que cette question n’était «pas tranchée». Mercredi 12 septembre, Nicolas Hulot avait demandé «un moratoire sur l’exploitation des énergies fossiles non conventionnelles» sur RTL.
Nicolas Hulot, président de la Fondation Nicolas... par rtl-fr
Dans le même temps, un sondage publié par Le Parisien le 11 septembre 2012 indique que 72% des Français demandent «l’interdiction définitive de l’exploration et de l’exploitation» du gaz de schiste en France. Le lendemain, les Echos ont publié un autre sondage révélant que «40% des Français ne sont pas opposés à l'exploitation du gaz de schiste si les conditions sont satisfaisantes». Visiblement, ce ne sont pas les mêmes Français qui ont été interrogés.
Sur le plan législatif, mêmes contradictions. La fracturation hydraulique, la technique utilisée actuellement, est interdite en France par la loi du 13 juillet 2011 à la fois pour l’exploitation et l’exploration du gaz de schiste. Cette même loi prévoyait une «Commission nationale d'orientation, de suivi et d'évaluation des techniques d'exploration et d'exploitation des hydrocarbures liquides et gazeux» qui a effectivement été créée le 22 mars 2012.
Cette commission compte 22 membres (5 représentants de l'Etat, un député et un sénateur, trois représentants des collectivités territoriales et douze membres nommés par arrêté interministériel pour une durée de trois ans).
Or, le 13 septembre, sur RTL encore, Delphine Batho a déclaré que «cette commission n’est pas nommée» et que «ce n’est pas prévu immédiatement».
Delphine Batho, ministre de l'Écologie, du... par rtl-fr
Avant la conférence environnementale, François Hollande a tranché entre deux positions inconciliables:
1. Les pros gaz de schiste
Principaux partisans de l’exploration et de l’exploitation de gaz de schistes en France, les lobbyistes de l’industrie pétrolière.
Le 13 septembre, dans l’Usine Nouvelle, Jean-Louis Schilansky, le président de l'Union française des industries pétrolières (UFIP), estime que «le débat sur le gaz de schiste n’a pas eu lieu». Et il déclare au sujet de la commission:
«Nous souhaitons que cette commission soit effectivement mise en place en réunissant les politiques, les associations, les industriels et, surtout, les scientifiques.»
Jean-Louis Schilansky note par ailleurs que «la Pologne, la Hollande et le Royaume-Uni ont lancé des programmes d’exploration sur les gaz de schiste. L’Allemagne lance des explorations sous conditions environnementales».
Il craignait que la conférence gouvernementale n’enterre ce débat pour des années en France.
2. Les anti-gaz de schiste
Les mouvements écologistes, soutenus par des membres de l’ancien gouvernement comme NKM et par Delphine Batho, ne veulent pas entendre parler de gaz de schiste.
Bien entendu, ils dénoncent la fracturation hydraulique et les risques de pollution des nappes phréatiques que ferait courir cette technique. Mais, surtout, ils s’élèvent contre toute nouvelle recherche d’une source d’énergie non renouvelable et productrice de gaz à effet de serre.
D’où leur opposition à toute exploration. Mieux vaut, de leur point de vue, ne pas savoir quelle est la ressource en gaz de schiste dans le sous-sol français. Si elle se révélait importante, il serait plus difficile de s’opposer à l’exploitation d’un tas d’or disponible sous nos pieds alors que la France importe près de 100% de son gaz naturel. Le rejet de la fracturation hydraulique devient ainsi secondaire. La position des Verts est beaucoup plus radicale.
Un précédent
La décision de François Hollande constitue un précédent en matière d’application du principe de précaution. Au lieu de déclencher des recherches et des études pour statuer sur un domaine potentiellement dangereux, elle conduit à l’abstention pure et simple. Nous ne voulons pas savoir pour mieux éviter la tentation… Extraordinaire posture en pleine crise économique.
Il reste à savoir si le président de la République adopte la position défendue, par exemple, par Nicolas Hulot.
Selon ce dernier, l’Etat doit faire des choix et définir des priorités. Il estime que l’exploitation du gaz de schiste aurait détourné les investissements publics de l’objectif qu’il prône, le développement des énergies renouvelables en France et la création d’une filière industrielle verte en réponse au chômage.
C’est le fameux coup double: écologie et emploi. On crée du travail tout en contribuant à sauver la planète. Séduisant. Mais sur quelle planète, dans quel pays?
La France pouvait se lancer dans l’énergie solaire il y trente ans. Dans les années 1970, tout était prêt. Mais il y avait le nucléaire. Puis sont venus les chocs pétroliers. Toujours pas de solaire. Ni d’éolien. Mais des importations massives.
Après le Grenelle de l’environnement, c’est le grand démarrage. Puis le coup d’arrêt. La vente de Photowatt à EDF… Le rachat de l’allemand Q-Cells par le coréen Hanwha. La faute aux capteurs chinois et aux rejets des éoliennes terrestres par les élus locaux. Reste les projets offshores… Et un immense gâchis. Plus de trente ans de tergiversations, d’allers-retours, de faux espoirs...
Axer vraiment sur le renouvelable
Alors, aujourd’hui, en décidant ne même pas explorer le sous-sol français pour évaluer ses ressources en gaz de schiste, mieux vaudrait que ce choix soit fait pour privilégier véritablement les énergies renouvelables et non pour faire semblant, comme par le passé.
Le pire serait bien de refuser de toucher le gros lot pour des principes écologiques qui resteraient stériles.
A l’inverse, le gaz de schiste pourrait servir de remarquable aiguillon. Le sacrifice d’une telle ressource sur l’autel de l’écologie doit impérativement conduire à compenser le manque à gagner par des économies d’énergie massives et par l’exploitation de toutes les ressources renouvelables disponibles en France.
Faute de faire appel aux ressources précieuses qui sont sous nos pieds, nous sommes condamnés à capter l’énergie qui est au-dessus de nos têtes.
Michel Alberganti