J'aime (un peu) le vélo, (pas mal) la verdure et (bien) la Bretagne. Autant dire que j'ai toutes les raisons de sillonner en famille, année après année, les nombreuses «voies vertes» dont la région s'est, ces dernières années, dotée. Questembert-Mauron, Rennes-Saint Malo, le canal de Nantes à Brest… Cette année, c'était au tour de Rosporden-Roscoff: environ 150 km du Finistère sud au Finistère nord en passant par les montagnes noires et les monts d'Arrée.
Les voix vertes du Paradis
Les voies vertes sont aux cyclistes du mois d'août et à leur marmaille ce que les autoroutes allemandes sont aux possesseurs de voitures de sport: l'antichambre du paradis. On y pédale en lieu sûr, et donc dans le calme, sans le moindre risque de rencontrer moto, auto ou camion. Sauf aux intersections, en général bien protégées. Inutile d'avoir une boussole, un GPS, ou même une carte: la voie verte est un boulevard, une fois qu'on a trouvé l'entrée, il ne reste qu'à pédaler.
C'est facile, du moins en Bretagne, puisque les voies vertes empruntent en général le tracé d'anciennes lignes de chemins de fer ou des chemins de halages le long de canaux: autrement dit, c'est plat. Même dans les Monts d'Arrée (point culminant à 384 m...), les montées et les descentes qui jalonnent la départementale ne sont sur cette ancienne ligne de chemin de fer que des faux plats: on prenait gare, jadis, de ménager les locos.
Bref, chacun pédale ici tranquillement, en prenant le temps de musarder et de photographier les maisons éclusières ou les vieilles gares rénovées qui jalonnent le trajet. Même les enfants de 5 ou 6 ans peuvent avaler deux à trois dizaines de kilomètres par jour sans rechigner. En plus, on trouve sur Internet des cartes interactives qui permettent de trouver facilement des hébergements.
Simplement, tout cela n'est pas écolo du tout.
La voiture, plus écolo que le vélo
Au total, nous avons émis pour ces vacances, à peu près 270 kilos de CO2. Contre environ 136, si, au lieu de faire Rosporden-Roscoff à bicyclette, nous avions préféré... la voiture!
Et pour cause: d'abord, il a fallu aller en Bretagne —le lieu de nos vacances— en voiture. D'habitude, nous préférons le TGV, mais quand on transporte ses vélos, il faudrait vraiment être masochiste —et irresponsable— pour renoncer à sa berline. Même si la SNCF propose le transport des vélos dans le train —moyennant réservation et paiement du service, comment venir de sa banlieue en deux roues avec enfants jusqu'à la gare Montparnasse. Trop dangereux, et concrètement, impossible: comment transporter, outre les sacoches nécessaires à nos trois jours de randonnées, les valises pour nos deux autres semaines de vacances?
Le taxi? Les amis pour nous conduire? Sans doute avez-vous oublié l'accessoire indispensable de ces vacances vélocypédiques: le porte-vélo, dûment équipé de sa plaque d'immatriculation et dont il faudrait doter le taxi ou le véhicule de nos gentils amis.
Et voici donc déjà 177 kilos de CO2 émis (Aller-Retour) contre environ 41 si nous avions pris le TGV et avions été accueillis —et conduits— pour le reste du trajet par nos proches résidant sur place.
Pas brillant.
Pour faire du vélo, prenez une voiture
La suite n'est pas mieux: comment, de notre lieu principal de vacances (A) nous rendre au point de départ de notre randonnée (B) puis, de notre point d'arrivée (C), rejoindre A, avec vélos et sacoches? C'est là que le mal de crâne menace. Nous avons, certaines années, réussi à tout faire en train (excepté le trajet jusqu'à la gare la plus proche de A): c'est parfois assez facile (Saint-Malo-Rennes par exemple), mais parfois très sportif: le TER en fin d'après-midi, même au mois d'août, ressemble parfois à un métro bondé, surtout si, malencontreusement, il manque une rame. Dans ce genre de situation, les vélos ne rentrent que si un gentil agent de la SNCF prend d'autorité les choses ( = les vélos) en main et compresse encore plus les passagers. Bonjour l'ambiance...
Cette fois-ci, de toutes façons, l'opération était totalement impossible: notre port d'attache étant dans le Morbihan, il est totalement impossible d'envisager un Roscoff-Vannes (ou même un Morlaix-Vannes) en train et vélo. Jetez un œil sur la carte de la SNCF...
Evidemment, nous aurions pu aller en voiture de A à B, laisser la voiture en B, puis revenir par les transports en commun de C à B avec notre équipement. Alléchant mais impossible: le trajet de C à B nécessite de prendre trois moyens de transport différents: un TER ou un car SNCF, puis un autocar du réseau département des transports interurbains, et enfin, à nouveau, un car SNCF.
Comme certains d'entre eux ne circulent que quelques fois par jour, et bien entendu sans coordination des horaires, il faudrait donc passer la journée entière pour effectuer ces 130 kilomètres... tout en abandonnant ses vélos!
La conscience verte
Sur le premier tronçon, certes, les trains prennent les vélos. Et nous l'avons appris sur place: les cars aussi, depuis cette année, bien que la brochure SNCF affirme formellement le contraire. Sur le second tronçon, la compagnie d'autocars les accepte aussi gentiment. Il faut cependant s'équiper de housses, pour ne pas salir la soute et les bagages des autres passagers. Mais sur la dernière partie du trajet, impossible: les vélos ne sont tout simplement pas admis.
Evidemment, nous aurions pu faire la voie verte ... dans les deux sens. Mais 300 km pour des cyclistes estivaux avec enfants, c'est tout de même un peu long.
Dans ce genre de situations, on arrive vite au pire (écologiquement parlant, bien entendu): garer une voiture au point de départ, et une autre au point d'arrivée. Evidemment, mieux vaut alors oublier sa calculette CO2 au fin fonds de ses sacoches. Notre conscience verte nous interdisant cette extrémité, nous avons donc dû jongler, nous débrouillant pour pouvoir ramener la voiture progressivement. Quitte à renoncer à une partie de la voie verte et faire en revanche des allers-retours en pédalant sur certains tronçons.
Ah, si les loueurs de vélos pouvaient se mettre en réseau...
Catherine Bernard