Les vacances d’été touchent à leur fin pour beaucoup d’entre nous: il est temps de faire les premiers bilans, parmi lesquels figure en bonne place, bien évidemment, celui des jeux de plage et de jardin 2012. Pour Slate, j’ai testé avec abnégation et en conditions réelles, accompagné d’enfants de tous âges, 5 jeux d’été placés en tête de gondole cette année. J'ai pris en compte cinq critères pour fixer la note globale: le prix du jeu, la qualité de l'emballage, la dose d'amusement, la facilité d'emploi et sa practicité.
Une manière de prolonger l’été, et de permettre aux arrogants septembriers de faire un choix de qualité pour leurs prochains congés.
4. Le 3D Shark Bite, un jeu de glissade en relief «Glisse à travers les mâchoires de la terreur!» (source: emballage)
Description
Le 3D Shark Bite est un jeu de type «slip’n slide», que l’on pourrait traduire en français par «jeu de glissade», consistant principalement à se projeter sur le ventre le long d’une bâche arrosée, sur une distance de plusieurs mètres, en émettant vocalement des sons qui expriment l’enthousiasme à ses proches.
Dans le 3D Shark Bite, l’habituelle rampe de glisse en plastique, alimentée par un tuyau d’arrosage, passe à travers la gueule d’un requin gonflable assez menaçant dont les traits sont encrés en décalage rouge/bleu. Ce procédé astucieux permettrait, grâce aux lunettes aquatiques ET anaglyphes fournies dans l’emballage, de visualiser la bête en relief.
Revendications de l’emballage
Sur les photos de l’emballage, l’ambiance est assez «surf» – on y aperçoit deux jeunes garçons particulièrement joyeux, en maillots longs hawaiiens. L’un glisse dans un véritable torrent tandis que l’autre l’observe sans jalousie, effectuant une posture ambiguë, entre l’autodéfense et une pose de surfeur. Le dispositif semble avoir été placé au milieu d’un golf, ou alors d’un jardin gigantesque.
Dans le cas où cela s’agirait d’un jardin, je me demande à qui appartient ce domaine bourgeois: au jeune garçon encore sec à l’extérieur du jeu, qui alors ferait tester le jeu à son copain afin de s’assurer qu’aucun danger ne réside dans le gueule du requin. Ou au contraire, au petit garçon brun, imposant à son ami d’assister à ses glissades sans lui donner le droit d’y participer.
La
publicité Américaine du «3D Shark Bite» joue la surenchère, en montrant
une version du jeu avec requin en image de synthèse et éléments du
dispositif surgonflés. Notons qu’à la fin de la séquence la tête de
requin change de sens, ce qui devait arranger le réalisateur pour le
cadre mais peut énormément semer le doute chez un père en charge du
montage, qui est déjà assez pénible en soi.
Convaincu par l’objet? Pas d’emballement. Une fois monté, le 3D Shark Slide ressemble à cela:
Anecdote
Le «slip’n slide» est surtout un loisir américain. Peu coûteux et réservé aux grands espaces, il fait partie d’une certaine tradition estivale au sein des états les plus ruraux. Dès que l’été fait son apparition, des slip’n slide de voisinage sont régulièrement organisés, dans le défi constant d’organiser la plus grande glissade du quartier.
Sur youtube, les videos de slip'n slide font légion et témoignent à leur manière d'une certaine vision familiale du loisir US, que cela soit dans le Missouri, l'Utah, l'Oregon ou le Colorado.
En cas de malaise, ou de difficultés à convaincre vos hôtes de déployer ce dispositif de 4 mètres sur 1,50, n’hésitez donc pas à comparer le 3D Shark Bite à «un petit bout d’Amérique simple et rafraichissant».
Bilan: le fun est ailleurs
Sûrement victime de sa publicité éminemment mensongère, 3D Shark Bite pâtit de retours catastrophiques de la part des consommateurs sur sa page produit Amazon. Beaucoup de pères offusqués s’attendant à disposer, comme promis à la télévision, de gigantesque requins en relief avalant leurs rejetons sous de puissantes vagues turquoises.
Il est vrai que passé l’enthousiasme d’admirer l’emballage, et la vingtaine de minutes perdue à monter le dispositif en plein soleil, la réalité du jeu est assez crue: il s’agit d’une toile sur laquelle glisser, avec quelques trous pour que l’eau puisse faciliter la tâche.
Au bout d’une grande demi-heure de glisse, la dépression arrive.
La
3D ne vient rien arranger, mais toute personne avec quelques notions
d’optique l’aurait compris avant l’achat: le requin étant une structure
gonflable et non pas un poster, il est de facto en relief, que vous
chaussiez des lunettes anaglyphes ou des bas de contention. Les lunettes
anaglyphes, gorgées d’eau dès la première glissade, vous permettent
d’apercevoir un semblant de relief sur les paupières du requin ou sa
glotte dans le meilleur des cas, mais pas davantage.
Plus Poitiers que Futuroscope.
Cependant, 3D Shark Bite est un jeu de son époque: le plaisir qu’il évoque est supérieur au plaisir qu’il procure - et cette force d’évocation, à l’heure de la surexposition sur les réseaux sociaux, est déjà un paramètre formidable.
Qu’importe l’ennui du moment, si son récit auprès de vos amis Facebook, Twitter et Instagram, véhicule sa dose d’exotisme et d’amusement?
Avec le 3D Shark Bite, l’argent est dans le concept et le «donné à voir»:
«Je vais jouer à un jeu de glissade te faisant rentrer à toute vitesse dans la bouche d’un requin géant, le tout en relief grâce aux seules lunettes de natation anaglyphes au monde».
Le pitch est audacieux, et, si la réalisation du jeu a été bâclée, son concepteur, probablement sous stupéfiants à l’époque, mérite tout mon respect.
Note
Henry Michel
