Les
vacances d’été touchent à leur fin pour beaucoup d’entre nous: il est
temps de faire les premiers bilans, parmi lesquels figure en bonne
place, bien évidemment, celui des jeux de plage et de jardin 2012. Pour
Slate, j’ai testé avec abnégation et en conditions réelles, accompagné
d’enfants de tous âges, 5 jeux d’été placés en tête de gondole cette
année. J'ai pris en compte cinq critères pour fixer la note globale: le prix du jeu, la qualité de l'emballage, la dose d'amusement, la facilité d'emploi et sa practicité.
Une
manière de prolonger l’été, et de permettre aux arrogants septembriers
de faire un choix de qualité pour leurs prochains congés.
5La Chista - «Le jeu de raquettes révolutionnaire ! VU à la TELE» (source: emballage)
Description
La Chista est une sorte de Chistera du futur. Un Tron basque -et par là je ne parle pas d’un fétichiste de St-Jean-Pied-de-Port, mais bien d’une version high-tech, profilée et «fun» du populaire jeu de pelote basque. Du basque xistera, «panier», ou «cistella», «petite corbeille», la Chista reprend l’esprit d’une nasse incurvée pouvant recueillir la balle et la propulser par énergie cinétique, grâce à l’aide d’un trou d’évacuation situé en son extrémité.
Les spécialistes de la discipline compareront plutôt la Chista à la xare, une raquette en cordes où l’amorti joue un grand rôle. Dans la Chista, c’est une plaque en caoutchouc souple qui fait office de tamis, annulant toute vitesse à la balle reçue et obligeant le joueur à gesticuler pour la propulser à nouveau au visage de son adversaire. Ou alors je n’ai rien compris à ce jeu.
Revendications de l’emballage
Un emballage fun et pédagogique, arborant avec fierté un écusson de lauréat du concours Lépine et, chose rare, proposant des règles et des modes de jeu variés. Des illustrations montrent la diversité des endroits où la discipline peut être pratiquée, de la plage à la salle de sport en passant par le jardin.
Le seul malaise provient du texte d’explication du jeu qui, débutant dans une ambiance détendue, devient soudain d’une arrogance sourde:
«Chista vous donne envie de jouer partout, en été comme en hiver. En quelques minutes vous serez le “Roi” de la plage, du “parc”, du “jardin”, ou de votre salle de sport. Vous n’allez pas tarder à faire des envieux ou tout simplement des amis ou des partenaires de jeux.»
Je voudrais passer juste quelques secondes sur ces deux phrases très étranges.
La première:
«En quelques minutes vous serez le “Roi” de la plage, du “parc”, du “jardin”, ou de votre salle de sport.»
Deux réflexions:
1. Imaginez vous à la plage, bronzant tranquillement. Vous apercevez un ami se précipiter en votre direction, courant comme si sa vie en dépendait, hurlant de joie, sautant par dessus les serviettes, arrivant essoufflé vers vous et vous demandant «As-vu le ROI DE LA PLAGE?» Intrigué, vous avouez votre ignorance. Votre ami vous prend alors par le bras et vous fait courir avec lui à l’extrémité de la plage vers un attroupement, au milieu duquel un enfant de 12 ans agite une Chista en tirant la langue, sous les hourras et les applaudissements du public.
Cette situation ne peut pas arriver. Elle est impossible.
La préadolescence et l’adolescence sont des périodes complexes et troublées, surtout à la plage, ou les corps ingrats, les premiers flirts, amènent beaucoup d’enjeux difficiles à gérer pour la confiance en soi. Un tel texte, lu par un jeune garçon un petit peu naïf, pourrait l’amener à penser qu’en se rendant à la plage, au milieu de son groupe d’amis, en brandissant cet objet, il pourrait être sacré ROI de la plage, c’est à dire littéralement, le monarque de son lieu de vacances. C’est mensonger, et peut entraîner beaucoup de malentendus.
2. Enigme: pourquoi les mots «roi», «parc» et «jardin» sont-ils entre guillemets? Ce petit détail peut rendre cinglé un lecteur un chouilla tatillon et paranoïaque dans mon genre, cherchant alors, en fronçant les sourcils, au beau milieu du rayon jouets, le sens caché de ce que l’auteur cherche à nous dire, en mettant les mots «parcs» et «jardin» entre guillemets. Cette précaution dégage une ambiguïté absolument paralysante. Comme si un instituteur portait de l’eye-liner.
Deuxième phrase:
«Vous n’allez pas tarder à faire des envieux, ou tout simplement des amis ou des partenaires de jeux.»
Je ne sais pas qui est l’auteur de ces textes, mais sa vision de la société est troublante. Ses propos signifient que dans un lieu donné, les gens n’auront que trois comportements possibles en vous voyant jouer à la Chista:
- ils joueront avec vous, pour le plaisir du jeu et son attrait (les «partenaires de jeu»).
- ils joueront avec vous, et, encore mieux, ils deviendront vos AMIS. C’est-à-dire qu'à la suite de cette partie, ils seront là à vous accompagner dans les grandes épreuves de la vie, vous appelleront, vous fréquenteront régulièrement («les amis»)
- Ils ne joueront pas avec vous, tout simplement parce qu’ils sont rongés par l’envie, et l’aigreur de ne pas posséder de Chista («les envieux»).
Cette vision du monde est peut-être un petit peu exagérée. L’auteur occulte le plus grand échantillon de la population: celui qui ne jouera pas avec vous juste parce qu’il n’en a pas envie, ou joue à autre chose, ou n’a pas le temps, ou n’ose pas, mais en aucun cas n’en garde de ressentiment, d’aigreur ou d’envie. Une telle phrase offre une vision du monde un petit peu ténébreuse et excessive.
Bilan : des nerfs en pelote
Très ambitieuse, de par la conception de ses raquettes et miniballes dédiées, de par son originalité, la Chista doit sans doute révéler tout son attrait après deux ou trois ans d'entraînement intensif –ce qui est très handicapant pour un jeu d’été.
Les enfants ont beaucoup de mal à l’utiliser, la raquette est assez lourde, et le mouvement est difficile. Par nature, un enfant est une catastrophe aux jeu de raquettes. C’est un fait connu, peut-être un tabou, mais dans un jeu de raquettes entre un parent et un enfant, les trois quarts du temps sont consacrés à regarder l’enfant se débattre avec la balle au service, dans un grand silence gêné. Le quart du temps restant étant consacré à la recherche de la balle envoyée par l’enfant dans de l’eau, un cactus, ou sur la serviette d’un étranger.
Le jeu de raquette pour enfants idéal serait un dispositif où une tierce personne bougerait une fausse balle collée au bout d’une baguette, faisant croire à l’enfant qu’il joue correctement. La nullité des enfants aux raquettes est un fait tellement avéré que dès qu’un enfant fait preuve de dextérité dans ce domaine, il est immédiatement envoyé en centres d'entraînements de tennis et rend ses parents millionnaires.
Passé
ce détail, enchaîner plusieurs échanges à la Chista, admettons entre
adultes, est un chemin de croix, les tempos sont étranges (amortis assez
lents et soignés, relances rapides), et une certaine virtuosité est
nécessaire pour commencer à éprouver du plaisir avec ces raquettes.
Le jeu au mur, conseillé dans l’emballage, est plus attractif, à la façon du squash ou de la xare.
Le mouvement le plus dur reste le lancer, où le dosage de la force est extrêmement compliqué —la balle sort de son conduit comme une petite crotte si votre balancement est trop lent, mais au moindre effort musculaire fourni partira à 200km/h vers les parties les plus molles de votre adversaire. Sur plusieurs heures de test, je n’ai jamais trouvé l’entre-deux.
Note
RUBIE’S CHISTA - 29,90€
EMBALLAGE: 4/5
FACILITÉ D’EMPLOI: 0,5/5
DOSE D’AMUSEMENT: 2/5
PRATICITÉ: 1/5
NOTE GLOBALE: 7,5/20
Henry Michel