Le sport à la télé, ça marche bien quand il y a de belles performances et/ou de gros scandales. Et des médailles aussi si l’on aime bien faire cocorico (c’est mon cas). Avec les Jeux paralympiques, une fois qu’on a entendu les doublures de Gérard Holtz ou de Nelson Montfort s’extasier au JT sur la véritable leçon de vie que nous donnent ces athlètes aux motivations et à l’abnégation bouleversantes, on décroche un peu.
C’est comme ça, on n’y peut rien: l’homme moderne est vain et peu profond. On a beau être totalement soufflé par les images de Philippe Croizon reliant les cinq continents à la nage sans bras ni jambes quand tant de valides prennent le métro parisien entre Parmentier et Saint-Maur (150 mètres grand max. Et en plus, il y a un sens où ça descend), il manque quelque chose de l’ordre du spectaculaire pérenne aux exploits de ce genre…
Il y a pourtant un vrai potentiel médiatique au handisport, et l’on ne comprend pas que la fédération qui s’en occupe ne l’ait pas encore identifié: le dopage et la triche.
Comme les autres, les handisportifs sont généralement motivés par le dépassement de soi et l’esprit de compétition mais, toujours comme les autres, ils ont surtout envie d’arriver en premier, de passer à la téloche, de gagner des sous et de tomber des nanas au moment des autographes. Du coup, encore comme les autres, les handisportifs font des entorses (hum...) à l’éthique à l’occasion.
Un orteil cassé et en route vers la victoire
Je viens tout juste de découvrir, même si ça n’est pas nouveau nouveau, la principale méthode de triche dans les compétitions de handicapés: c’est le «boosting», une drôle de pratique qui consiste à se faire mal pour accroître sa pression sanguine, se mettre en état «d’hyperflexivité autonome» et améliorer ses performances. Mais tout le monde n’a pas le même problème physique et il faut trouver la stimulation qui convient le mieux à son teint.
Truc ou astuce number one, réservé aux athlètes concourant avec un cathéter censé recueillir leur urine: boire un maximum et bloquer ensuite l’évacuation des eaux usées. Il parait que ça accélère le rythme cardiaque et que c’est top. Ça surprend un peu parce qu’avoir envie de faire pipi pendant qu’on fait du sport, c’est plus handicapant (sans jeu de mot, vous pensez bien) qu’autre chose, mais bon…
On peut aussi s’asseoir sur une punaise (une petite punaise pour accrocher des cartes postales au mur, pas un parasite ou une vieille dame revêche), se lacérer carrément, se tirer sur les testicules pour pouvoir s’asseoir dessus (chromosomes XY et fauteuil impératif) ou encore s’enrober les jambes de bandes ultraserrées. Mais le must, réservé aux types qui ont vraiment la niaque, c’est de se casser quelque chose, un truc qui ne sert à rien comme dans sa discipline comme un doigt ou un orteil histoire d’avoir le plus mal possible pour faire littéralement sauter son cœur dans sa poitrine.
Ça c’est spectaculaire. Et même fréquent parce que d’après une étude du Comité International Paralympique, qui a pourtant banni tout ça en 94, tout le monde ou presque le fait. Le sport le plus atteint, c’est le rugby, ou plus de la moitié des concurrents se boostent allègrement contre une dizaine de pour cent dans les autres disciplines.
Des contrôles presque aussi fréquents que pour les valides
Jean-Claude Druvert, médecin général de la Fédération handisport et responsable médical de la délégation française à Londres cette année, en est désolé:
«Ce sont des pratiques qui relèvent de la triche pure et simple puisque les concurrents ne sont plus sur un pied d'égalité, mais qui sont aussi très dangereuses pour les athlètes, qui peuvent y laisser leur vie. On peut très bien se retrouver accidentellement dans l’état qu’ils provoquent artificiellement et en mourir.
― Mais pourquoi font-ils ça, si le risque est si grand?
― Parce qu’ils sont dans le même état d’esprit que les valides. Ils veulent gagner et emploient tous les moyens pour ça. Pour autant, ces méthodes particulières ne concernent pas tous les athlètes handisport puisqu’il faut avoir une lésion de la moelle épinière pour que ça marche. Et plus la lésion est haute, plus c’est efficace. C’est la raison pour laquelle les valides n’ont pas recours à ces pratiques.
― Et il y a des contrôles?
― Bien sûr. Je crois qu’il est prévu que 1.200 des 4.200 athlètes soient contrôlés pour ces Jeux paralympiques, ce qui n’est pas loin des niveaux de contrôles pratiqués aux JO. On fait une prise de pression artérielle et on en coince de temps en temps parce qu’elle dépasse les 180 mm de mercure…
― On les contrôle aussi pour le dopage classique?
― Oui, mais le boosting est un peu le dopage du pauvre. C’est pour ça qu’il est plus répandu que l’EPO, les anabolisants ou les hormones de croissance chez les sportifs handicapés. Il y a toutefois des cas même si ce qui a été le plus souvent repéré est l’usage du cannabis comme relaxant.
― Mais le boosting, c’est vraiment efficace pour la performance?
― Oui. C’est bien le problème…»
En tout cas, un premier français vient d'être déjà disqualifié pour cette édition des Jeux paralympiques, et ce n'était pas pour s'être retenu de faire pipi, au contraire: pour l'Agence Française contre le Dopage, le nageur Hayri Simsek prenait justement trop de diurétiques.
Hugues Serraf