Slate est partenaire du «LH Forum», un grand congrès sur l'économie «positive» organisé au Havre par le groupe de micro-crédit Planet Finance créé par Jacques Attali, l'un des fondateurs de Slate.
Pour une fois, inutile de se creuser les méninges. Ou de rechercher dans un manuel des idées politiques la définition du «positivisme» d'Auguste Comte et consorts, ce mouvement qui considérait que seules l'analyse et la connaissance des faits pouvaient expliquer le monde.
Non, il n'y a aucun piège, l'économie positive n'est rien d'autre qu'une économie... et bien euh, positive justement, exactement comme son adjectif la qualifie. Autrement dit, une économie qui apporte quelque chose à l'Humanité et à la Terre, et ne se contente pas, par exemple, de ponctionner les ressources naturelles. Entre autres.
Capitaliste et responsable...
Facile à comprendre donc. Mais évidemment, il y a encore du boulot. Jusqu'à présent en effet, le système économique a surtout contribué à gonfler... le portefeuille de certains. Pas mal il est vrai, du moins dans le monde dit «développé» puisque notre pouvoir d'achat ne cesse, sur longue période, de grimper. Sans doute aussi l'économie actuelle a-t-elle contribué au progrès des sciences et techniques. Mais pour l'impact positif sur la planète et les tissus sociaux, on repassera. Notre enrichissement collectif laisse toujours un grand nombre d'exclus sur le bord de la route et côté environnement, le tableau a été noirci suffisamment de fois pour qu'on ne prenne pas ici la peine d'y revenir.
Rien d'étonnant, répondront certains. A trop chercher le profit, le capitalisme n'est pas trop regardant sur les moyens de l'atteindre. Et son terrain de jeu est désormais si vaste (la Terre entière ou presque) qu'il peut dénicher des facteurs de production toujours meilleur marché et abondants sans se soucier de leur bien-être ou de leur durabilité. Economie et moralité peuvent-il du reste cohabiter lorsque l'on découvre jour après jour comment, par exemple, les banques manipulent les marchés?
Et bien si, affirme Arnaud Venture, PDG du groupe Planet Finance (1) qui organise ce LHForum. «Etre responsable et respectueux de la planète, de la société et des ressources humaines, est dans l'intérêt de tous, y compris des actionnaires», affirme-t-il. Et il entend bien le démontrer: non seulement l'économie positive est plus rentable sur le long terme, mais en outre, penser «positif» ouvre de nouvelles opportunités.
Le profit, un moyen...
La preuve:
«Regardez l'économie des “subprimes”: elle pensait court terme, et elle s'est effondrée. Nous, dans la micro-finance, qui agissons sur le long terme, sommes toujours là, même si nos performances à court terme sont plus modestes.»
De la même façon, les entreprises respectueuses de leur environnement, de leurs clients, de leurs salariés, ont plus de chances de durer que celles, moins scrupuleuses, qui finiront par se faire rattraper soit par la pression des consommateurs, soit par la réalité: «Les crises actuelles, qu'elles soient environnementales, sociales ou financières, nous montrent bien que nous arrivons au bout d'un modèle», renchérit Arnaud Ventura. Il en veut pour preuve le mouvement américains des «B-corp», ces entreprises un peu particulières, qui ne sont ni des associations sans but lucratif ni des «corp.» comme les autres. Mais des entreprises «best for the world» (meilleure pour le monde) et non «best in the world» (meilleure du monde), comme l'indique leur slogan.
Mais comment passer à l'acte? Comment convaincre les décideurs, politiques et économiques, de penser «positif»? Comment leur mettre «la pression»? Comment les convaincre que le profit n'est qu'un moyen et non une fin?
Utopie
Arnaud Ventura croit à la vertu de l'exemple:
«Il faut donner de la visibilité à ce qui marche, prouver que cela est possible, sans pour autant renoncer au profit.»
Tel est du reste le principal dessein du LHForum des 13 et 14 septembre 2012: illustrer par l'exemple. Dans les pays émergents, de nombreuses entreprises se créent pour subvenir, à bas coût, aux besoins primaires des populations, sans toutefois renoncer à être rentables. Quelques-unes viendront présenter leurs activités.
D'autres expliqueront comment elles peuvent promouvoir l'éducation, l'inclusion sociale, le commerce équitable, ou l'environnement sans renoncer à leur rentabilité. Enfin, deux tables rondes, pas moins, mettront sur la sellette la finance, symbole s'il en est de l'argent facile voire douteux, et qui, pourtant, pourrait, elle-aussi, être responsable et même constructive. Voire carrément positive.
Pour que ce mouvement «positif» ne reste pas confiné à des acteurs, certes remarquables, mais néanmoins encore marginaux, le LHForum a choisi d'inviter des grands noms de la politique (François Hollande ouvrira le congrès), de la société (François Chérèque de la CFDT), de la recherche ( John Tirman du MIT) et de l'économie «traditionnelle»: Gérard Mestrallet (GDF Suez), Henri Lachmann (Schneider Electric), Jean-Charles Naouri (Casino), par exemple, seront présents. Pour écouter, s'inspirer, pour exposer, mais aussi, promet Arnaud Ventura, pour débattre et rendre des comptes.
Car il ne s'agit pas seulement et encore de se donner bonne conscience. Mais bien d'être positif... A voir.
Catherine Bernard
(1) Planet Finance est présidé par Jacques Attali, un des cofondateurs de Slate.fr