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Pourquoi Internet ne nous a rien appris sur James Holmes, le tueur de Denver

Temps de lecture : 2 min

Dès que l'identité de celui qui a tiré sur les personnes venues regarder le dernier Batman a été connue, tout le monde s'est précipité pour enquêter en ligne sur lui. Au mieux, ça n'a rien donné. Au pire, ce qui a été trouvé était faux.

Capture d'écran d'une recherche Google sur James Holmes
Capture d'écran d'une recherche Google sur James Holmes

Avec Internet, on a été formé à supposer que chaque détail intime de la vie des gens doit forcément être sur le Web, là, quelque part, à attendre que nous entrions la bonne recherche Google ou que nous pêchions dans le bon réseau social.

La nouvelle du massacre à la projection de Batman à Aurora, dans le Colorado ce vendredi matin, a envoyé un millier de journalistes (et de «journalistes citoyens») sur leurs navigateurs, se faisant la course pour être le premier à découvrir le détail qui nous apprendrait quelque chose sur le suspect. S'avèrerait-il que James Holmes a, comme Jared Lee Loughner, le tireur de Tucson, avoué sur un forum de jeux vidéo être agressif «24h sur 24 et 7 jours sur 7»? Et s'il avait écrit un manifeste politique en ligne, comme le Norvégien Anders Behring Breivik?

Peut-être. Mais si c'est le cas, ce n'est pas sorti ce vendredi matin. Lance Ulanoff, de Mashable, a écrit qu'il a passé toute la matinée à récurer Facebook, Twitter, même MySpace à la recherche de preuves et qu'il est revenu bredouille.

«Holmes semble être un tel fantôme en ligne, je ne m'en remets pas.»

Au moins, Lance Ulanoff n'a rien trouvé. D'autres ont trouvé quelque chose de pire –de la désinformation et une mauvaise identité. Les millions de téléspectateurs de Good Morning America ont entendu ce vendredi matin Brian Ross, d'ABC News, les informer qu'«il y a, euh, une page d'un Jim Holmes d'Aurora, Colorada, ah, sur le site du tea party du Colorado, qui dit qu'il a rejoint le tea party l'an dernier». Ross et la chaîne se sont ensuite excusés, reconnaissant que l'information était incorrecte.

Comme prévu, les sites conservateurs comme Breitbart.com ont été outrés par ce lien bidon [fait entre Holmes et le tea party, NDT], y voyant un cas de partialité des médias libéraux. Mais cette indignation a peut-être été minée par l'«exclusif» non sourcé du blogueur de Breitbart, Joel Pollak, qui a titré que Holmes «pourrait être enregistré comme démocrate».

Même les James Holmes non-ouvertement politisés n'ont pas été à l'abri d'être pointés du doigt comme suspects par des enquêteurs de médias sociaux trop zélés.

«Je ne suis pas un tueur pro de la gâchette de 24 ans et qui habite Aurora, je suis un mangeur en série pro des bouquins de 22 ans qui vient de Littleton», a écrit un James Holmes assiégé sur son profil Facebook après avoir été bombardé de «friends request» adressées par des étrangers.

Il y a forcément une trace quelque part

Plus que des partis pris politiques, ces cas de mauvaise identification semblent être des cas de biais de «confirmation». Nous prenons comme hypothèse de travail que l'auteur d'un acte de violence odieux doit avoir prévu cet acte en laissant la trace d'une activité en ligne de mauvaise augure. Donc, quand nous trouvons quelque chose en cherchant «James Holmes Aurora», nous sommes prêts à croire les premiers menus détails que nous rencontrons à propos de cette personne, qui pourraient nous aider à comprendre la tragédie.

C'est ce biais qui a rendu possible une affreuse blague sur le site de partage d'images 9gag, sur lequel quelqu'un a posté une image suggérant que le tueur avait explicitement prévenu de ses projets. Le canular, qui laissait supposer que d'autres personnes sur 9gag avaient incité le tueur à poursuivre, a aussi joué un rôle dans la préparation du public à blâmer Internet pour ce comportement sociopathe.

Il y a deux raisons qui peuvent expliquer pourquoi la recherche en ligne sur James Holmes n'a abouti qu'à de fausses pistes.

La première est que ce James Holmes est réellement un fantôme d'Internet –une rareté pour un jeune homme de 24 ans à notre époque, mais ce n'est pas impossible (résistons pour le moment à spéculer sur la manière dont ce manque de personnalité en ligne pourrait nous éclairer sur sa personnalité et ses motivations).

L'autre explication est plus banale: contrairement à Loughner ou Breivik, ce gars a un patronyme commun. Ajoutez à cela qu'il habite dans une grande ville –Aurora compte 332.000 habitants et fait partie d'une métropole [Denver-Aurora-Broomfield, NDT] de 2,5 millions d'habitants– et vous avez la recette d'un minimum d'anonymat en ligne dans un monde submergé de données.

Will Oremus

Traduit par Cécile Chalancon

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