Les Français comptent parmi les plus diplômés d’Europe ou des pays de l’OCDE. Avec 40% des jeunes de 25 à 34 ans titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur, la France peut se féliciter de fournir chaque année des têtes bien formées.
Pour autant, les problèmes d’insertion professionnelle demeurent. Ce sont les jeunes qui sont les plus touchés par le chômage avec un taux de 21,8%, soit plus du double de la moyenne nationale.
Même si les diplômés réussissent plus facilement à décrocher leur premier job que les jeunes sans qualification, intégrer la vie professionnelle reste souvent un véritable parcours du combattant.
La difficulté pour décrocher son premier travail n’est pas une exception française. Il suffit de regarder les chiffres désastreux de l’Europe du Sud avec pour la Grèce et l’Espagne plus de 50% de chômage chez les jeunes et pour l’Italie et le Portugal plus de 35%.
En revanche, dans les pays nordiques, les taux de chômage sont beaucoup moins élevés, avec une moyenne autour de 7%. Et le taux d’emploi des 15-24 ans y est bien meilleur selon Eurostat: 42% fin 2008 en Suède et 52% au Royaume-Uni, contre 32% seulement en France.
Pourquoi les chiffres sont-ils si mauvais en France? Comment les pays scandinaves réussissent-ils à absorber si facilement leur main d’œuvre fraîchement diplômée qui débarque sur le marché du travail?
Le diplômé en quête de première expérience
Le manque d’expérience des jeunes Français semble être le reproche le plus répandu. L’entreprise voit souvent l’embauche d’un jeune comme un frein au bon fonctionnement d’une équipe. Le former coûte cher et atteint la rentabilité de l’entreprise à court terme.
C’est pourquoi, dans la plupart des annonces, l’employeur demande aux candidats de disposer au préalable d’un à trois ans d’expérience. Là est toute la difficulté pour le jeune diplômé qui court après cette première expérience qui lui fait cruellement défaut.
Les pays nordiques, Allemagne inclus, ont depuis longtemps résolu ce problème en associant dès l’entrée à l’université l’étudiant à l’entreprise. Pour Anne Sonnet, économiste à l’OCDE, «les apprentis allemands trouvent plus facilement un maître d’apprentissage que les jeunes français, du fait des accords passés entre le patronat, les syndicats, l’Etat fédéral et les Länders».
Alors que chaque année, plusieurs millions de places d’apprentis sont ouvertes outre-Rhin, le million en France est bien loin d’être atteint. La notion d’apprentissage reste trop cantonnée aux métiers manuels alors qu’elle devrait concerner une large palette de métiers.
Mais l’apprentissage n’est pas l’unique solution à une meilleure intégration des jeunes: les Pays-Bas ont développé le temps partiel, et ça marche. Près de 65% des jeunes Néerlandais travaillent à temps partiel. Ce type d’expérience leur permet de doper leur CV. Ils deviennent attractifs pour leurs futurs employeurs.
L’obligatoire concertation universités-entreprises
La France a misé sur les stages en entreprise, mais il reste à les imposer au sein de l’université. Les grandes écoles ont depuis bien longtemps compris tout l’intérêt de disposer d’une première expérience chez les jeunes et ont rendu obligatoire les stages en entreprise dans leur cursus de formation. L’université française s’est peut-être depuis trop longtemps consacrée à rendre ses élèves instruits, sans leur donner le sens pratique et sans se soucier, in fine, de l’utilité des futurs diplômés dans le monde du travail.
Nombreux sont ceux qui réclament depuis des années une plus grande concertation entre les universités et les entreprises. Au niveau de l’enseignement universitaire, on peine à créer ces passerelles qui sont pourtant un atout majeur pour aider les étudiants diplômés à décrocher leur premier job.
La réforme des universités a permis la création des bureaux d’aide à l’insertion professionnelle (BAIP), chargés notamment d’assister les étudiants dans leur recherche de stage, en particulier à partir de la licence, sur le modèle des écoles de commerce et d’ingénieurs. L’insertion professionnelle doit devenir un critère de performance pour les universités à partir de 2013. Reste à voir si dans un contexte de crise, comme celui que nous connaissons actuellement, les universités disposeront d’arguments assez forts pour placer leur cohorte d’étudiants en mal d’expérience.
La tyrannie du diplôme
Par ailleurs, l’inadéquation entre les besoins des entreprises et les formations proposées par les universités pénalise l’entrée des jeunes sur le marché de l’emploi. A l’inverse des pays anglo-saxons, le diplôme colle à la peau durant toute la vie professionnelle en France. Il n’est pas rare de présenter un professionnel aguerri en annonçant son diplôme –obtenu il y a une trentaine d’années. On introduira ainsi un quinquagénaire «qui a fait X-Mines, l’ENA, etc».
En France, on aime l’excellence. En outre, les entreprises veulent un niveau de formation qui corresponde stricto sensu au poste proposé. Alors qu’en Angleterre, un étudiant en sociologie ou en histoire pourra travailler dans la sphère financière ou inversement, en France ce type de passerelle est impossible. Les Anglo-saxons valorisent les «têtes bien faites», les Français ont besoin d’un label en phase avec des compétences techniques. Le candidat français, là encore, doit rassurer son employeur sur ses capacités à être directement opérationnel. La réforme des universités ne fera pas tout, les entreprises doivent aussi évoluer.
Stéphanie Villers
Article également paru sur Emploiparlonsnet