Trop
vieille. Trop peu renouvelée. Trop cumularde. Trop masculine. Bref,
trop peu représentative, l'Assemblée nationale, ce qu'a d'ailleurs
reconnu Jean-Marc Ayrault lors de son discours de politique générale du 3
juillet, dans lequel il a annoncé une loi sur le cumul des mandats et
l'introduction d'une dose de proportionnelle.
Mais
combien des actuels 577 députés [1] de l'Assemblée nationale
resterait-il si on appliquait des règles strictes en matière d'âge, de
mandats consécutifs ou de cumul? Nous nous sommes amusés à le
calculer en nous basant sur les idées lancées au cours de la campagne
présidentielle ou sur les propositions de loi déposées par des députés
au cours de la dernière législature (et qui ont pris pour la plupart la
poussière sur les étagères de la commission des Lois).
Adieu les «vieux»
Au cours de la campagne présidentielle, le ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg avait divisé le PS en lui demandant de ne plus investir de candidats au-dessus de 67 ans (soit l'âge légal auquel un salarié peut partir à la retraite même s'il ne dispose pas de toutes ses annuités).
Pendant la dernière
législature, deux députés UMP, François Vannson et Francis Saint Léger,
avaient eux suggéré de rendre inéligible les candidats âgés de plus de
70 ans, au motif que les Français ne comprendraient pas «qu’il
existe un âge maximal de départ en retraite pour la majorité des
activités professionnelles et que les mandats politiques y fassent
exception» et que cela constituerait un moyen «pour permettre le renouvellement de la classe politique».
Si
l'on appliquait la «règle Montebourg», 53 députés ne pourraient plus
siéger à l'Assemblée; si on appliquait la seconde règle, seulement 15
d'entre eux, dont l'ancien ministre André Santini et le spécialiste des
dépenses de l'Elysée René Dosière, seraient dans ce cas.
Adieu les «installés»
Si
le nouveau doyen de l'Assemblée, François Scellier (UMP), 76 ans, n'y
entame «que» son troisième mandat, son cadet de dix ans Alain Bocquet
(Front de gauche) en est lui à son... neuvième mandat consécutif, de
même qu'Henri Emmanuelli et Laurent Fabius, qui ont eux connu des
intermèdes au gouvernement. Didier Julia, qui vient de quitter
l'Assemblée, y a lui siégé pendant onze législatures.
Une
longévité excessive? Plusieurs propositions de loi avaient été déposées
lors du précédent quinquennat, pour empêcher un trop grand nombre de
mandas consécutifs: l'une, signée Christian Estrosi —qui entame pourtant son sixième mandat parlementaire— en suggérait deux maximum (comme c'est le cas pour le
président de la République, ce qui «évincerait» 209 députés actuels,
selon notre pointage), une autre quatre (50 députés sont concernés, si on
inclut ceux qui ont abandonné un moment leur mandat à leur suppléant
pour entrer au gouvernement [2]).
Adieu les cumulards
Cela
sera sans doute le gros morceau (déja contesté dans la nouvelle majorité) de la réforme des institutions dans les prochains mois: le durcissement des règles sur le
cumul des mandats. La future loi devrait prohiber le cumul d'un siège de
parlementaire avec un poste exécutif dans un conseil régional (31
députés concernés), un conseil général (59 députés), un conseil
municipal (300 députés concernés) ou un établissement public de
coopération intercommunale (domaine dans lequel l'Assemblée ne fournit
pas de base de données [3]).
Mais
la loi pourrait être assouplie pour les élus municipaux, comme l'a déjà
reconnu le ministre délégué aux Relations avec le Parlement Alain Vidalies en affirmant que son «curseur»
pourrait être déplacé: elle pourrait ne pas concerner les députés
maires ou adjoints d'une ville de moins de 3.500 habitants, voire de
20.000 habitants.
Comment tomber de 577 à 153 députés
Au final, si on applique les trois règles les plus strictes (pas de députés de plus de 67 ans, pas plus de deux mandats consécutifs, pas de poste exécutif local quelle que soit la taille de la collectivité), aboutit-on à un hémicycle complètement vide?
Non: en évinçant les plus de 67 ans, on tombe à 524 députés. Puis, en excluant ceux qui en sont au moins à leur troisième mandat consécutif, à 353 députés. Enfin, en excluant les cumulards (sachant que, dans les faits, ils auront le choix entre abandonner leur mandat exécutif local et leur mandat de député), on tombe à 153 élus de moins de 67 ans, siégeant depuis moins de dix ans et qui n'ont pas de mandat exécutif local. Un chiffre qui fera plaisir à tous ceux qui, pendant la campagne électorale, trouvaient qu'on compte trop de députés...
Bonjour la parité...
Sur ces 153 députés, 68 femmes, soit près de 45%, la quasi-parité, contre un peu moins de 27% dans l'Assemblée nationale actuelle. Un résultat sans surprise: les associations féministes, comme Osez le féminisme, soulignent régulièrement que le cumul des mandats ou le manque de renouvellement des élus sont un obstacle à la parité.
... mais pas la représentativité
En revanche, cette Assemblée nationale allégée est encore moins représentative des différentes forces politiques que l'actuelle: le groupe PS y représente 59% des élus, contre 51% aujourd'hui, et l'UMP 24%, contre 34% aujourd'hui; les écologistes, à la pointe sur la parité et le non-cumul, y doublent leur représentation (de 3% à plus de 6%), à l'inverse des centristes (de 5% à 2%).
Notre cure d'amaigrissement récompense donc les partis qui ont fait le plus d'effort en matière de renouvellement des candidats, mais ne rend pas l'Assemblée plus représentative, problème auquel la solution la plus simple est la proportionnelle. Pendant la campagne, François Hollande avait avancé l'idée de 100 députés élus selon ce mode de scrutin en 2017.
Jean-Marie Pottier
[1] Les députés listés par l'Assemblée à la date du 9 juillet, qui incluent donc toujours les ministres, qui ne seront remplacés par leur suppléant qu'à la mi-juillet. Revenir à l'article
[2] Pour trouver les députés qui entament leur cinquième mandat consécutif, nous nous sommes basés sur un document listant la date de première élection des députés sortants, publié par Alphoenix. Revenir à l'article
[3] Selon le pointage effectué par France Télévisions Info, seuls deux députés président à l'heure actuelle une communauté de communes sans occuper d'autre fonction exécutive dans une collectivité locale: François Fillon et le député du Maine-et-Loire Michel Piron. Revenir à l'article