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Que risquent les juifs qui consomment des produits non casher?

Temps de lecture : 3 min

Il faut distinguer les punitions terrestres, divines. Et savoir si la faute était intentionnelle ou non.

Jambon lors d'un festival de gastronomie à San Sebastian, le 21 novembre 2007. REUTERS/Vincent West
Jambon lors d'un festival de gastronomie à San Sebastian, le 21 novembre 2007. REUTERS/Vincent West

Aux Etats-Unis, onze consommateurs ont intenté un recours collectif contre ConAgra Food. Ils accusent cette société agroalimentaire d'avoir apposé la mention «casher» sur des produits de la marque Hebrew National qui ne le sont pas. Un juge fédéral de l’Etat du Minnesota déterminera les éventuelles sanctions à prendre contre ConAgra. Mais quid des plaignants juifs? Existe-t-il des conséquences dans l’au-delà ou ici-bas pour les Juifs qui ne respectent pas la règle de la cacherout?

Bien sûr. Mais il faut dire que depuis deux ou trois mille ans, la punition pour avoir enfreint la cacherout (PDF) a beaucoup évolué. La Torah inflige le karet (retranchement) à celles et ceux qui consomment du sang ou des matières grasses entourant les organes des vaches, moutons ou chèvres. Mais la définition de ce karet est controversée.

Karet ou le makkot

Dans les temps anciens, le karet pouvait impliquer un bannissement (exil), la peine de mort ou encore une exécution avant l’âge de 60 ans, conformément à la volonté divine. La Torah ne précise pas quelles sont les punitions prévues pour d’autres violations des règles alimentaires juives. En revanche, selon le Talmud, qui a été écrit au moins un millénaire plus tard, quiconque enfreint –d’une manière ou d’une autre– la règle du casher, est passible de la peine du makkot: 39 coups de fouet. (Selon certaines interprétations, le coupable ne les recevait que si le morceau de nourriture taref [non casher] ingéré était de la taille d’une olive ou plus gros.)

Il semble que les communautés juives aient passé à tabac ou flagellé les «délinquants culinaires» jusqu’au moins la fin du premier millénaire après J.-C. Plus tard, du XVIIe au XIXe siècle, certains juifs d’Europe de l’Est forçaient les contrevenants à se mettre debout dans une cabine située devant la synagogue pour que les dévots puissent leur cracher au visage.

Aujourd’hui, c’est Dieu qui punit

De nos jours, les juifs ont abandonné ces sanctions terrestres et s’en remettent à Dieu qui se chargera de punir les coupables dans l’olam haba (le monde à venir). Ce n’est pas forcément une bonne chose aux yeux de tous: certains philosophes juifs assimilent en effet les châtiments corporels, comme le makkot, à un cadeau de Dieu qui épargne aux fautifs des peines divines plus sévères. Les modalités exactes de la punition imposée par Dieu donnent matière à diverses conjectures. Certains spécialistes pensent par exemple qu’il est question d’une période de purification spirituelle dans le Guei Hinnom, l’enfer juif. D’autres supposent que Dieu détruit à tout jamais l’âme des «récidivistes».

Et la dimension intentionnelle dans tout ça? La plupart des spécialistes du judaïsme pensent que les sanctions divines ne tombent que lorsqu’une personne a sciemment dérogé au code alimentaire juif. (Selon le Talmud, les croyants sont censés invoquer le pardon même s’ils ont consommé des aliments cashers qu’ils croyaient non cashers.) Quelques juifs mystiques considèrent encore que les aliments non cashers souillent l’âme, même si leur consommateur n’en avait pas l’intention. Quant à la question des conséquences réelles sur les pécheurs dans cette vie ou celle d’après, elle reste entière.

L’explication bonus: dans l’islam?

Et pour les restrictions alimentaires des musulmans? Le Coran dit que c’est une «grave désobéissance» d’ignorer les règles du halal et suggère qu’avec un tel comportement, un musulman commet purement et simplement un shirk. Le prophète Mahomet aurait également affirmé qu’Allah ne répondra[it] pas aux supplications de ceux qui consomment des aliments interdits par la religion. Dans certains pays, il peut même y avoir des conséquences terrestres pour les musulmans qui consomment des produits interdits. Le Brunei envisage de mettre en place des amendes pour les musulmans qui fréquentent des restaurants non halals ainsi que pour les établissements qui servent les clients tout en sachant que ce sont des musulmans. On raconte qu’en 2010, un principal malais a frappé un élève à coup de bâton parce que ce dernier avait amené du riz sauté au porc à l’école –l’incident a déclenché un tumulte général de courte durée.

Les musulmans ont-ils le droit de consommer de la viande d’animaux qui n’ont pas été abattus selon la méthode rituelle qui permet de qualifier la viande de «halal»? Cette question n’est pas si simple et ne fait d’ailleurs pas l’unanimité. Selon un passage du Coran, les musulmans pourraient manger librement des produits alimentaires autorisés pour les autres gens du Livre, c’est-à-dire les juifs et les chrétiens.

Brian Palmer

Traduit par Micha Cziffra

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