Par Zeus! Il va falloir rouvrir encore des négociations avec les Grecs! La nouvelle ne réjouit vraiment personne. Encore des nuits de travail, des cris, des tragédies.
Sans doute avec la «victoire» du parti de la Nouvelle Droite aux législatives, l’hypothèse d’une sortie de l’euro s’éloigne-t-elle et avec elle tous les effets de contagion sur l’Espagne et l’Italie. Le drame du Grand toboggan de la déconstruction de l’euro est évité. Du moins pour l‘instant.
Mais ce noir scénario remisé, celui qui se présente s’annonce rude. Encore négocier! Encore des concessions! Et «à la maison», encore affronter les opinions publiques de plus en plus rétives à faire des cadeaux à ces Grecs qui trichent toujours et qui sont incapables de payer leurs impôts, comme dit Christine Lagarde…
Pour les responsables politiques des 26 autres pays membres ou surtout des 16 de la zone euro, il va falloir expliquer le pénible dilemme: oui c’est cher, il faut encore prendre dans vos poches pour donner aux Grecs! Mais sinon c’est encore plus cher! Les sortir de l’euro, comme beaucoup en rêvent, à commencer par les Allemands, serait trois ou quatre fois plus cher.
Alors, vous préférez Charybde ou Scylla?
Voilà trois ans et demi que l’Europe, à cause des Grecs à l’origine, est entrée dans ce qu’on nomme «la crise des dettes souveraines» et qui est la forme moderne de la guerre du XXIe siècle, celle entre les Etats et les marchés financiers.
La crise a explosé lorsque le gouvernement socialiste nouvellement élu à Athènes a découvert les tricheries de son prédécesseur de droite, celui-là dont le parti vient d’obtenir le 17 juin le meilleur score aux élections.
Cris, drame, hurlements
Partout dans les autres capitales, on savait les ruses grecques avec les statistiques de déficit et de dette, on savait la fausseté de leurs chiffres. Mais l’ampleur était inconnue. Le déficit dépassait, a dit le socialiste Papandreou, 15% du PIB, la dette allait exploser, bref les finances grecques étaient en faillite. Fallait aider.
Crise, drame, hurlements en Allemagne!
Finalement, les Européens alignent 110 milliards d’euros. Ouf! Communiqués de victoire. Fin de l’Odyssée budgétaire.
C’était en fait le début. Quelques mois plus tard, il faut recommencer. Cris, drames, hurlements germains et 130 nouveaux gros milliards d’euros, mais cette fois, promettait-on, la Grèce était mise sous quasi-tutelle de la Troïka (Commission, Banque centrale européenne et FMI). On allait enfin faire payer leurs impôts aux Grecs!
Et non! C’est que le pays a bien vu son déficit primaire (avant paiement des intérêts de la dette) se réduire de 10,6% du PIB à 2,4% fin 2011.
Effort louable dans une conjoncture de récession: l’austérité a fait plonger le PIB, ce qui diminue les recettes et qui rend inatteignable l’objectif imposé par les Européens d’une retour de la dette à 120% du PIB en 2020.
La stratégie imposée était parallèlement de baisser les salaires (une dévaluation dite «interne») pour retrouver sa compétitivité. Mais là non plus ça ne marche pas: le déficit commercial se résorbe à peine: 15% du PIB en 2008, 9% en 2011.
Une grande colère sociale
Sans compter bien sûr la casse sociale, le chômage, le travail au noir qui explose, la stupeur d’une population habituée à se nourrir de subventions et d’impayés fiscaux.
La colère de la rue s’exprime dans les urnes: les populistes d’extrême gauche et d’extrême droite s’imposent. On veut arrêter l’austérité qui ruine mais aussi et surtout «d’autres têtes».
Puis aux élection du dimanche 17 juin, c’est finalement le parti de droite à l’origine des problèmes qui repasse: voilà la comédie grecque.
Renégocions avec la Troïka! Syriza comme Nouvelle droite en avaient fait leur slogan. Antonis Samaras, s’il trouve une coalition pour gouverner, va faire le chemin de Bruxelles pour obtenir des concessions. Et il aura gain de cause puisque les concessions sont déjà prêtes, selon des fuites bruxelloises de dimanche.
L’austérité reste la ligne, Angela Merkel y tient, comme tout son pays. Le mémorandum signé par les Grecs doit être appliqué.
Mais au-delà de cet affichage officiel dur, la réalité est de l’adoucir. De trois façons: par une franche baisse des taux d’intérêt sur les milliards prêtés, par des délais de paiement des remboursements de ces prêts, par des investissements de «relance de la croissance» par la Banque européenne d’investissement (BEI).
Les Grecs accepteront-ils?
Tout cela fait l’objet d’un accord des partenaires. Mais est-ce que cela suffira aux Grecs? Accepteront-ils la poursuite du mémorandum, en particulier la poursuite des mesures d’austérité et le retour comme prévu au déficit zéro? Et tous ces adoucissements seront-ils efficaces d’un point de vue économique? Est-ce que cette nouvelle austérité grecque amendée va, enfin, marcher? Est-ce assez adouci? Est-ce qu’on sort enfin des problèmes grecs? Faudra-t-il un quatrième plan d’aide dans six mois? Ne faudrait-il pas aller plus loin dans le renoncement et, carrément, faire un trait sur les prêts des Européens?
En clair, nous n’en avons pas fini avec les Grecs. Ils restent à bord de l’eurozone mais leur économie est à l’arrêt, sans investissements, sans dépense que minimales, les épargnants ont sorti leurs économies des banques, les touristes ne sont plus là, l’Etat n’aura plus de quoi payer les fonctionnaires dès cet été.
Est-ce que tout cela peut repartir dans le bon sens uniquement par les «concessions» prévues par Bruxelles? Est-ce que l’administration se construit assez vite?
Antonis Samaras n’a pas vraiment pas beaucoup d’espace pour réussir. Son pays a besoin de l’Europe une troisième fois. On peut avoir le sentiment qu’il y en aura d’autres.
Eric Le Boucher