Les autorités du Vatican ont arrêté le majordome du Pape Benoît XVI, Paolo Gabriele, pour avoir divulgué la teneur de documents pontificaux confidentiels à un journaliste italien. L’auteur présumé de ces fuites est détenu dans un bâtiment sécurisé pendant que les enquêteurs interrogent les témoins et préparent le procès. A quoi peut bien ressembler la justice au Vatican?
En fait, elle s’apparente à la justice pénale italienne, mais à plus petite échelle. Au moment de la création de l’Etat de la Cité du Vatican en 1929, le Pape Pie XI a jugé qu’il serait plus simple d’y appliquer le droit pénal italien – avec tous les changements qu’il subirait au fil du temps – que de créer un système judiciaire de A à Z.
(L’Italie a toutefois pris un chemin trop progressiste au goût de l’Eglise sur certains sujets, tels que l’avortement ou l’homosexualité.) Le promotor iustitiae (procureur) du Vatican a le pouvoir d’envoyer ceux qui font fi des lois devant le giudice unico, le juge d’instance. Les condamnés peuvent interjeter un appel devant la Cour d’appel composée de trois juges et, en dernier recours, devant la Corte di Cassazione (Cour de cassation). Les accusés ont droit à un avocat commis d’office.
L’essentiel des différences qui existent entre la justice pénale vaticane et celle des autres pays occidentaux tient à la taille du Vatican. L’Etat du Vatican ne dispose pas de jury criminel, en partie parce qu’il faudrait le constituer à partir d’une population de moins de 900 habitants.
La réclusion criminelle reste rare, la plupart des condamnés devant s’acquitter d’une amende. En effet, le Vatican ne possède pas de centre pénitentiaire conçu pour des incarcérations longues. La poignée de criminels condamnés à une peine de prison sont écroués dans des locaux italiens – les frais y afférents sont à la charge du Pape Benoît XVI. Il n’y a pas, comme aux Etats-Unis, de négociations possibles visant à revoir à la baisse les chefs d’inculpation.
Il y a bien une prison, la seule au sein de la Cité, au sud de la basilique Saint-Pierre, qui sert aux détentions provisoires. Mais elle est de petite taille et reste, de fait, plus souvent utilisée pour stocker du matériel. Les autorités du Vatican ont probablement intérêt à sous-traiter les services pénitentiaires, surtout quand on sait qu’elles ont fait preuve d’une compétence contestable en matière de surveillance des prisonniers.
Dans les années 50, un monsignor qui avait été détenu s’est évadé de la Tour des vents après avoir enfermé son geôlier dans la cellule qu’il occupait jusque-là. Ensuite, il a tranquillement traversé la frontière pour se rendre en Italie.
Le procureur du Vatican a du pain sur la planche. Car, aussi surprenant que cela puisse paraître, au Vatican, le taux de criminalité est élevé. En l’espace de quelques années, il a dû engager littéralement une action pénale par habitant, alors même que l’Etat se targue de compter pratiquement autant de gendarmes que de citoyens. (La sécurité du Vatican est assurée par la Garde suisse.) A titre de comparaison, en 2009, les Etats-Unis ont enregistré quelque 10,6 millions de crimes, ce qui donne une proportion de seulement un crime pour 29 personnes.
Il est évident, étant donné la petite taille de l’Etat du Vatican, que ces chiffres cachent une réalité un peu différente. Les auteurs de la plupart des crimes qui y sont commis sont des touristes et des pèlerins étrangers. Par ailleurs, les crimes violents se comptent sur les doigts de la main. En quatre-vingt-trois ans d’histoire, on n’a enregistré qu’un seul cas de meurtre dans la Cité du Vatican: en 1998, l’assassinat d’un garde suisse et de son épouse par le sous-officier Cédric Tornay à propos d’une rivalité pour commander la Garde suisse. On a ensuite assisté à une mascarade d’enquête pour étouffer l’affaire. (Cette histoire souligne un autre caractère distinctif de la justice vaticane: son gouvernement n’est pas démocratiquement élu.)
Puisque le système judicaire du Vatican manque d’expérience pour juger les crimes graves commis sur son territoire, il arrive que le Pape confie cette tâche à des tribunaux italiens. Ce sont par exemple des procureurs italiens qui se sont chargés du cas de tentative d’assassinat du Pape Jean Paul II par Mehmet Ali Agca. Ce Turc mégalomane et pour le moins bizarre a passé 19 ans derrière les barreaux en Italie et 10 ans en Turquie, avant d’être libéré en 2010. Il s’est immédiatement autoproclamé «le Christ éternel» et a promis qu’il corrigerait les erreurs de la Bible.
Brian Palmer
Traduit par Micha Cziffra