L'agence Reuters l’a annoncé le 22 mai: des scientifiques de l’université d’Oxford et du musée de zoologie de Lausanne (Suisse) envisagent de recourir l'analyse ADN pour savoir une fois pour toutes si Bigfoot [NdT: l'équivalent américain du Yéti] existe.
Le musée possède déjà une collection de restes supposés de Sasquatch (l’autre nom de Bigfoot) et doit demander à d’autres institutions de lui soumettre leurs propres éléments à des fins d’analyses. Mais a quand remonte la preuve établie de l’existence réelle d’un animal mythique?
La réponse: neuf ans. Pendant des années, des chasseurs de Tanzanie ont parlé d’un singe qu’ils appelaient kipunji. Les biologistes engagés spécialisés dans la conservation étaient sceptiques, car les contes traditionnels du peuple Wanyakyusa qui habite la région montagneuse du pays évoquent aussi bien des créatures réelles que mythiques.
Mais en 2003, des biologistes ont trouvé ce primate arboricole haut de plus de 90 centimètres aux poils bruns et au visage noir. Le cri de l’animal, rappelant un coup de klaxon sonore et grave, a permis de le classer en tant qu’espèce à part entière. Actuellement, les chercheurs estiment qu’il doit y avoir entre mille et deux milles kipunjis dans cette région.
Licorne africaine
Le kipunji est le plus récent «cryptide» apparu à l’état sauvage, mais il est loin d’être le premier. De nombreuses espèces aujourd’hui bien connues ont d’abord été des rumeurs ou des légendes. Pendant tout le 19e siècle, des explorateurs en Afrique ont fait état de visions fugitives d’une créature à l’apparence de zèbre aperçue dans la forêt Ituri, au Congo.
Pour le désigner, les Européens qualifiaient alors la créature de «licorne africaine». En 1890, Henry Morton Stanley, l’auteur du célèbre Comment j'ai retrouvé Livingstone, confirmait que les pygmées Wambutti qui vivaient dans la région parlaient d’un animal sacré qui correspondait à la description donnée. (Les Wambutti appelaient l’animal l’O’api, mais Stanley le mentionnait en tant qu’«atti»).
Une décennie plus tard, des explorateurs recueillaient des peaux et des os de l’animal, démontrant alors qu’il était plus proche de la girafe que du zèbre. De nos jours, l’okapi représente la mascotte en matière de cryptozoologie.
Le kraken, ce calamar géant
Les anciens cryptides ne sont pas tous aussi timides que l’okapi. Au cours du 19e siècle, des hommes envoyés dans l’île pénitentiaire de Komodo, se plaignaient d’un crocodile terrestre mangeur d’hommes. Il a fallu attendre 1912 pour voir la publication des premiers rapports scientifiques sur le dragon de Komodo; les premières peaux n’ont été ramenées qu’en 1923.
Les passionnés de cryptozoologie soutiennent que tout un tas d’autres cryptides ont existé ou existent. Mais il n’est pas toujours évident que les créatures réelles et celles des légendes soient les mêmes. A titre d’exemple, les histoires de marins font traditionnellement références à des géants des mers tentaculaires, comme le kraken et le lusca. Le naturaliste Pline l’Ancien, qui vivait en Grèce antique, a décrit un énorme calamar dont les «bras» étaient comme des «matraques nouées».
Ces récits ont été suivis par la première découverte crédible, en 1639, d’une carcasse de calamar géant en Islande,ainsi que la reconnaissance universelle, au cours du 19e siècle, de l’existence de l’animal. Peut-on en déduire que le kraken et le lusca étaient des calamars géants? Ou une illustration exagérée de ces animaux? Impossible de le dire avec certitude.
Primate non humain
Les observations faites de l'existence de Bigfoot remontent à au moins plusieurs décennies , mais il serait surprenant qu’un aussi grand humanoïde ait pu survivre en Amérique du Nord sans être découvert. Ceux qui croient en l’existence de Bigfoot doivent se dire, à titre d’encouragement, que l’ancien cryptide le plus connu au monde est un primate non humain.
Le marin anglais Andrew Battell, détenu en captivité en Afrique de l’Ouest par les Portugais dans les années 1600, assure qu’il a vu un monstre sur le continent noir:
«Dans ses proportions, le Pongo ressemble à un homme; en termes de taille, il rappelle davantage un géant qu’un homme […] Il ne sait pas parler et ne comprend rien de plus qu’une bête.»
Selon toute vraisemblance, Battell faisait la description du gorille, bien que cet animal ne soit resté qu’à l’état de rumeur pour les scientifiques occidentaux jusqu’à ce que, vers le milieu du 19e siècle, un missionnaire américain rapporte un crâne de gorille à un anatomiste. Dans les textes du début de la littérature occidentale, on trouve également des descriptions de créatures poilues semblables à l’homme.
La majoritée des nouvelles espèces ne sont pas cryptides
Notre réticence à accepter l’existence de créatures proches de l’homme vient peut-être d’une certaine répugnance à leur vue. Comme l’a écrit le biologiste évolutionniste Richard Dawkins:
«là où d’autres animaux comme les chats et les biches nous paraissent beaux dans leur genre, les gorilles et autres singes nous donnent l’impression d’être des caricatures, des déformations, voire des grotesquesdu fait même de leur similitude avec nous».
Précisions que l’écrasante majorité des nouvelles espèces ne sont pas des cryptides. De nombreuses espèces sont découvertes dans des zones reculées, très montagneuses, où peu d’hommes se sont aventurés.
Ainsi, récemment, soixante-dix nouvelles espèces animales ont été découvertes dans une poche des montagnes Foja, en Indonésie. Actuellement, des chercheurs explorent les Andes, l’Himalaya et la Nouvelle-Guinée, espérant trouver comme par miracle de nouvelles espèces.
Il arrive qu’une nouvelle espèce ressemble tellement à un membre connu d’une famille que les scientifiques ne l’identifient pas pendant plusieurs dizaines d’années. En 2005, des biologistes ont finalement décidé de catégoriser la salamandre Scott Bar dans une espèce distincte de celle des montagnes du Siskiyou, qui avait été identifiée dans les environs de Los Angeles en 1965.
Brian Palmer
Traduit par Micha Cziffra
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