Culture

«Paradis: Amour»: Les femmes, des touristes sexuels comme les autres

Temps de lecture : 2 min

L'Autrichien Ulrich Seidl explore le thème des «sugar mamas», ces femmes blanches débarquées sur les plages d’Afrique pour trouver de jeunes hommes au corps appétissant, offrant des cadeaux pour qu’ils ouvrent leurs bras.

Image extraite du dossier de presse
Image extraite du dossier de presse

Paradis: Amour de Ulrich Seidl (Compétition officielle), avec Maria Hofstätter, Margarete Tiesel, Inge Maux.

Le cinéma philosophe –surtout à Cannes on le sait. La dernière palme d’or (Tree of Life), réflexion de Terrence Malick sur le cosmos et le sens de la vie, n’en était que la dernière preuve en date. Le lien des cinéastes cannois avec la philosophie (Wes Anderson l’a étudiée, Audiard est un grand lecteur de Stanley Cavell, Haneke d’Adorno…), n’est plus à démontrer. Et voilà que le réalisateur Ulrich Seidl, dont le film Paradis: Amour est en compétition officielle, semble illustrer parfaitement le thème du dernier (passionnant) numéro de Philosophie Magazine: «Les Femmes sont-elles plus morales que les hommes?»

A l’instar de Laurent Cantet dans Vers le Sud (avec Charlotte Rampling), l’Autrichien Ulrich Seidl explore le thème des «sugar mamas», ces femmes blanches débarquées sur les plages d’Afrique pour trouver de jeunes hommes au corps appétissant, offrant des cadeaux pour qu’ils ouvrent leurs bras.

Mais là où Charlotte Rampling, chez Cantet, restait Charlotte Rampling (très belle donc), Ulrich Siedl a choisi pour jouer les touristes autrichiennes en voyage au Kenya des quinquagénaires bedonnantes, flasques, libidineuses. Répugnantes.



Leur racisme n’a aucune limite (blagues Banania et réification des corps noirs). Leur tour de taille non plus. Physiquement comme moralement, ces personnages sont repoussants. A tel point qu’au départ, on se dit que finalement, les femmes sont les égales des hommes dans le tourisme sexuel. Là où l’on ne sentirait pas la moindre empathie pour un touriste européen cramoisi par le soleil, casquette sur la tête, appareil photo en bandoulière, reluquant les jeunes filles d’un pays pauvre, on n’en ressent pas non plus la moindre pour les personnages féminins. Des beaufs comme les autres.

Dans une scène que seuls les plans léchés, stylisés, rendent supportable, on voit quatre femmes, des copines autrichiennes, transformées elles-mêmes en phénomène de foire par la caméra de Seidl, se coller à un jeune gigolo kényan. Elles lui attachent un ruban rose autour du pénis, (il est un cadeau d’anniversaire) et s’acharnent (en vain) à le faire bander, collant leurs corps mous au sien, si jeune.

Mais en fait, l’héroïne cherche l’amour… Ah l’amouuuuur. Theresa veut être regardée «dans les yeux jusqu’au cœur». Du coup, cette dénonciation de l’exploitation de jeunes hommes par de vieilles femmes n’en est plus une.

En conférence de presse, Ulrich Seidl a expliqué:

«Ce que j’essaie d’exprimer, c’est plutôt le sentiment d’isolement, de solitude. Ces femmes d’un certain âge ne reçoivent plus l’amour dont elles ont besoin dans leur pays.»

Avant d’ajouter:

«On ne tente pas de présenter un portrait social des beach boys. C’est un film sur les femmes européennes.»

Mince. Les femmes sont donc bien plus morales que les hommes: quand elles se servent d’eux, c’est parce qu’elles sont malheureuses. Il faut les excuser.

L’acteur kényan Peter Kazungu qui joue l’un des beach boys du film, s’est senti obligé de préciser que «c'est bien plus dégoûtant quand il s'agit de vieux blancs qui vont d'une jeune fille kényane à l'autre». Sans doute parce qu’eux ne cherchent pas à être regardés dans les yeux jusqu’au cœur. L'amour, c'est bien un truc de nana.

Charlotte Pudlowski

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