Économie

Pour sortir de la crise, l'Europe doit (enfin) passer au politique

Temps de lecture : 3 min

Depuis trois ans, les difficultés de la construction de l'euro se sont révélées. Négocier un pacte budgétaire ne suffira pas. Un pacte de croissance non plus.

Angela Merkel et François Hollande le 15 mai 2012. REUTERS/Fabrizio Bensch
Angela Merkel et François Hollande le 15 mai 2012. REUTERS/Fabrizio Bensch

Voilà trois ans que l'Europe est en crise gravissime. Le continent frôle la récession, ses divisions internes se creusent avec l'emploi au nord et le chômage au sud, les populations se dressent, se tournent vers les populistes et les responsables sont toujours aussi incapables de prendre des décisions de sauvetage convaincantes. Les investisseurs mondiaux perdent espoir, tandis que le découragement gagne les plus historiques militants de la cause européenne.

«Nous avons fait beaucoup de chemin!» clament les optimistes. C'est vrai. Qui aurait dit que l'Allemagne accepterait de payer deux plans d'aide pour la Grèce? Que la Banque centrale européenne ouvrirait grandes ses caisses pour refinancer les banques? Que 500 milliards seraient mis à disposition dans un pare-feu pour les autres pays latins? Et que Paris et Berlin discuteraient d'un pacte de croissance? L'Europe patauge dans la boue, certes, mais elle avance.

Hélas, la boue monte. L'accalmie observée depuis l'ouverture en décembre par la Banque centrale européenne d'un «open bar» pour les banques s'est achevée. La crise est de retour. Cause économique: Mario Draghi a reconnu que la politique monétaire ne résout rien, les crédits sont là, mais il n'y a pas d'entrepreneurs pour en demander. Cause politique: l'austérité apporte les vents mauvais des années 1930.

Depuis trois ans, les difficultés de la construction de l'euro se sont révélées. On sait maintenant l'illusion qu'il y avait à s'en tenir aux décisions de Maastricht. On sait que le professeur américain Robert Mundell avait raison dans ses mises en garde: une union monétaire ne peut survivre qu'accompagnée d'une union politique. La crise européenne ne sera pas arrêtée par un pacte budgétaire même ficelé à double noeud, ni par une politique monétaire ultralaxiste, ni par un pacte de croissance issu d'un laborieux compromis franco-allemand. Il faut aller jusqu'à l'union politique et vite en fixer l'agenda.

L'erreur de Hollande

Pourquoi? Parce que ce qu'il faut faire –établir une solidarité d'ensemble des Etats membres– impose un grand abandon de souveraineté des peuples et que ce processus n'est possible que si la démocratie se reconstruit au niveau supérieur, celui de l'Union. Le gouvernement économique européen, qu'il faut mettre en place, ne sera légitime qu'inscrit dans une démocratie européenne retrempée. Les byzantines institutions actuelles sont trop impuissantes et trop contestées.

«Impossible» de faire adopter de nouveaux traités actuellement, a nous répondu François Hollande. Il faut d'abord redonner aux peuples «confiance dans l'Europe», dit-il. Ce raisonnement, cette défausse, est une erreur mortelle: l'Europe de Maastricht est en échec, les gouvernements n'ont plus d'alternative que d'y renoncer ou d'avancer. Berlin l'a d'ailleurs compris. Entre la France et l'Allemagne, ce n'est pas seulement un pacte de croissance qu'il faut trouver, mais un pacte politique, qui seul peut maintenant permettre de résoudre fondamentalement et démocratiquement la crise.

Trouver les solutions, les soumettre au vote

Pourquoi? Parce que voici ce qu'il y a à faire. L'Allemagne a réussi à imposer la rigueur budgétaire à la France. Tournant historique mais insuffisant, il lui reste à convaincre François Hollande de s'occuper de la dramatique sous-compétitivité de son pays. La France de son côté a réussi à pousser l'Allemagne à discuter de croissance. Concession nécessaire mais elle aussi insuffisante: il faut maintenant parler du mercantilisme allemand, de ses coûts pour les autres membres et de ses tricheries (comme les ouvriers polonais payés au salaire polonais dans l'agro-industrie). Le but général est de trouver une toute nouvelle stratégie de la convergence des économies.

On en voit un début. La montée des salaires allemands et l'acceptation par la Bundesbank d'une inflation supérieure outre-Rhin à la moyenne (3% au lieu de 2%) sont d'excellentes nouvelles: voilà le bon chemin du rattrapage de compétitivité. Mais tout le reste est à inventer. La relance de l'Europe par les investissements comme le souhaitent les Français est partielle (quel effet réel?) et risquée: comment éviter les éléphants blancs? L'austérité à l'allemande est à revoir: quel dosage de court et de moyen terme faut-il, en différenciant chaque pays? Faut-il introduire une politique monétaire plus «américaine»? S'il faut mutualiser les dettes, comment le faire? Par quels eurobonds? Quels instruments, surtout, peuvent inciter à réindustrialiser le Sud? Toutes ces questions sont sans réponses fiables. Il faut les trouver, les exposer et les faire voter.

Eric Le Boucher

Chronique également parue dans Les Echos

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