Partout en Europe, l’austérité fait monter les partis populistes. Ils ont emporté un tiers des suffrages en France et gagné en Grèce où les deux partis historiques, la Nouvelle démocratie et les socialistes du Pasok, ont été battus par une kyrielle de partis d’extrême gauche et d’extrême droite. La crise des dettes débouche sur des crises politiques qui rappellent furieusement les années 1930: xénophobie et protectionnisme tentent les électeurs. Il faut vite trouver une parade et en convaincre les Allemands.
Un puits sans fond
En Grèce, les électeurs sont pour rester dans la zone euro. Mais ils refusent l’austérité de fer qu’on leur impose maintenant depuis deux ans. C’est en apparence contradictoire: on ne peut pas vouloir le beurre de l’euro sans payer le prix du beurre. Mais on peut aussi comprendre les Grecs. Le pays paraît s’enfoncer dans un puits sans fond.
Depuis quatre ans, le PIB a reculé au total de plus de 15%. Les salaires ont été réduits de 30%. La production industrielle de 20%, les investissements de 50%. Le taux de chômage atteint 20%. Tout ça a été décidé pour ramener le déficit budgétaire du pays dans les clous en échange d’aides européennes et internationales. Mais tous les efforts ne semblent servir à rien. Les rentrées fiscales se sont effondrées, le déficit se réduit, mais pas aussi vite que prévu. A quoi ça sert demandent les électeurs? La Troïka, elle, demande de nouveaux efforts.
Sans gouvernement à Athènes, les Européens pourraient fermer le robinet, l’Etat grec n’aurait plus de quoi payer ses fonctionnaires dans un mois. De nouvelles élections pourraient être organisées en juin. Mais donneront-elles cette fois-ci une majorité en faveur de l’austérité? C’est possible: la menace de couper les vivres pourrait faire son effet. Mais ce n’est pas sûr.
Spirale récessive
Ce qui est certain, c'est qu’il faut arrêter la spirale récessive dans les pays du sud européen. Et pas qu’en Grèce. Plusieurs solutions existent. D’abord, adoucir la rigueur et accepter de retarder les échéances. Ensuite mettre en place de nouveaux plans d’aides. Le Mécanisme européen de stabilité doté de 500 milliards d’euros peut servir à cela, en Grèce pour faire un trait sur une partie des dettes publiques (après que 70% des dettes privées ont été abandonnées) et en Espagne pour soutenir les banques. Enfin, surtout, il faut rétablir la croissance, comme le demande à raison François Hollande. Rendez-vous est pris le 23 mai à Bruxelles sur tous ces sujets.
Mais en clair, la crise de la zone euro est repartie de plus belle. Il faut aller encore plus loin dans les mécanismes de solidarité. La mauvaise solution populiste est le retour au chacun pour soi et à la lutte les uns contre les autres. La bonne solution européenne est d’aller au contraire vers plus d’union financière, économique et politique.
Absolutisme allemand
Le débat est essentiel et il est franco-allemand. Les Allemands ont raison de croire dans la vertu de l’orthodoxie, rigueur et réformes structurelles, mais ils ont tort d’en faire un absolu. Le keynésianisme a ses vérités: la demande ne peut être asséchée partout au même moment sans créer de spirale récessive.
Les Français ont raison de vouloir parler de croissance. Mais ils ont tort s’il ne s’agit que d’adoucir le remède et de différer dans le temps les réformes. Ils ont tort surtout par incohérence: on ne peut pas demander plus de solidarité sans accepter plus de fédéralisme politique. C’est fondamentalement anti-démocratique. Le PS français autrefois fédéraliste mais déchiré depuis le référendum constitutionnel doit vite se ressouder sur ses fondamentaux, sinon c’est lui qui mettra l’Europe en péril.
Eric Le Boucher