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Coupe Davis: bienvenue à l'ère des géants

Temps de lecture : 5 min

Adversaire de l’équipe de France de coupe Davis les 6-7-8 avril à Monte-Carlo, John Isner (2,06m) est devenu le plus grand joueur à faire partie des dix premiers mondiaux.

Les américains John Isner et Mardy Fish lors d'un double de coupe Davis à Bogota le 18 septembre 2010, REUTERS/Jose Gomez
Les américains John Isner et Mardy Fish lors d'un double de coupe Davis à Bogota le 18 septembre 2010, REUTERS/Jose Gomez

En remportant ses deux simples face à Gilles Simon (6/3, 6/2, 7/5) et Jo-Wilfried Tsonga (6/3, 7/6, 5/7, 6/3), John Isner a apporté deux points aux Etats-Unis, vainqueur de leur quart de finale de Coupe Davis face à la France, dimanche 8 avril.

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Sur la terre battue du Monte-Carlo Country Club, l’équipe de France de coupe Davis a de bonnes chances, en principe, de dominer les Etats-Unis et d’accéder du même coup aux demi-finales du groupe mondial.

Le peu de goût des Américains pour les courts en brique pilée devrait leur être fatal. N’en déplaise à leur capitaine, Jim Courier, vainqueur deux fois des Internationaux de France à Roland-Garros (1991, 1992) et finaliste en 1993.

Et peu importe le fait qu’ils aient surpris, en février, la Suisse de Roger Federer sur une terre battue qui était, elle, couverte et donc plus rapide.

Il n’empêche. Un homme inquiète le camp français qui a enregistré le forfait de Gaël Monfils, blessé. Il s’appelle John Isner et sera le n°1 américain en l’absence de Mardy Fish, malade.

Vainqueur de Federer à Fribourg, finaliste récemment du tournoi d’Indian Wells, où il a surpris Novak Djokovic avant de s’incliner cette fois face à Federer, ce joueur de bientôt 27 ans traîne une réputation d’adversaire empoisonnant. Car les Français n’ont pas oublié non plus qu’Isner avait tenu tête à Rafael Nadal pendant cinq sets sur le central de Roland-Garros en 2011.

John Isner a la particularité de mesurer… 2,06m et de posséder, en conséquence, l’un des meilleurs services du circuit.

Héros du match le plus long de l’histoire en compagnie de Nicolas Mahut à Wimbledon en 2010, ce colosse de 111kg est le fer de lance d’une nouvelle génération qui suit l’évolution de l’espèce: celle des joueurs qui mesurent plus de 2m.

Le Croate Ivo Karlovic (2,08m pour 104kg), 33 ans, 14e mondial en 2008, est le plus beau spécimen de la «race». Et d’autres rodent dans les parages comme le Sud-africain Kevin Anderson (2,03m) ainsi que les Français Albano Olivetti (2,03m) ou Kenny de Schepper (2,03m).

Voilà un mois, John Isner est devenu le plus grand joueur de l'histoire à occuper l’une des dix premières places mondiales.

Beaux bébés

Parmi d’autres «beaux bébés» du circuit professionnel, citons également l’Argentin Juan Martin del Potro (1,98m), plus grand joueur (par la taille) à avoir remporté un titre du Grand Chelem à l’US Open en 2009, le Croate Marin Cilic (1,98m), demi-finaliste à l’Open d’Australie en 2010, l’Américain Sam Querrey (1,98m), le Tchèque Tomas Berdych (1,96m), finaliste à Wimbledon en 2010, le très prometteur Canadien Milos Raonic (1,96m) qui, à 21 ans, peut encore escompter grignoter quelques millimètres…

A seulement 19 ans, l’Australien Bernard Tomic (1,93m), vainqueur potentiel d’un titre du Grand Chelem dans les années à venir comme Raonic, paraît, lui, grandir à chacune de ses sorties.

Aujourd’hui, un quart du top 50 est composé de joueurs mesurant plus de 1,93m quand ils étaient des exceptions voilà quelques années à l’instar de Marat Safin (1,93m), Richard Krajicek (1,96m), Goran Ivanisevic (1,93m) ou, en remontant plus loin, de Yannick Noah (1,93m).

A côté de ces grandes tiges, Novak Djokovic (1,88m), Rafael Nadal (1,85m), Roger Federer (1,85m), les trois premiers mondiaux, paraissent presque «petits».

Chez les femmes aussi

Notons que les dames ne sont pas en reste. Victoria Azarenka (1,83m), Maria Sharapova (1,88m) et Petra Kvitova (1,83m), le trio de tête de la hiérarchie, rivalisent avec certains de ces messieurs quand elles ne leur prennent pas une ou deux têtes.

Au tennis, il a été longtemps considéré qu’être trop grand était un handicap dans un sport où le déplacement est primordial. Avoir de longues cannes n’allait pas de soi avec le fameux jeu de jambes cher au tennis. Qu’un grand échalas s’aventure sur la terre battue de Roland-Garros et il y avait de bonnes chances pour qu’il dérape au troisième coup de raquette, quand il ne se cassait pas littéralement la figure.

Mais aujourd’hui, avec l’amélioration des préparations physiques et techniques, les très grands sont de moins en moins maladroits et sont désormais capables de soutenir de longs échanges en s’adaptant au jeu moderne et à ses inlassables gauche-droite devenus la norme.

Des géants qui savent jouer

Ces géants ne se contentent plus de servir, de faire tomber la foudre -Karlovic détient le record de vitesse avec une balle à 251km/h- et d’enquiller les aces (1.317 pour Karlovic en 2007, 1.048 pour Isner en 2010): ils jouent au tennis.

Se retrouver face à des adversaires pareils sur des surfaces plutôt rapides relève de la gageure: «breaker» Karlovic ou Isner est un petit exploit que même les meilleurs ont du mal à réaliser. Avant ce week-end monégasque, Jo-Wilfried Tsonga (1,88m) a affronté John Isner deux fois (1-1). Sur six sets disputés, quatre se sont terminés au jeu décisif. Lorsqu’il avait perdu contre Karlovic à Wimbledon en 2009 (7-6, 6-7, 7-5, 7-6), le n°1 français avait fait état de toute sa frustration aux journalistes français:

«Contre Karlovic, on s’ennuie un peu. On touche la balle toutes les quatre-cinq minutes. Tu ne joues pas. C’est la première fois que je ressens ça. Parfois, j’avais même envie de m’asseoir au fond du court, en le laissant servir pour que ça passe. En fait, il sait faire tous les services. Il n’a pas besoin de varier les effets, il suffit qu’il les place à droite, à gauche, au centre. Tu as une chance sur trois d’être dessus

Heureusement pour Tsonga, qui n’est pas le serveur le moins efficace (825 aces en 2011), les surfaces ont été ralenties au fil du temps y compris le gazon afin de permettre de produire plus de spectacle et de contenir l’impact de la puissance générée par ces serveurs «fous» (Ivanisevic avait servi 1.477 aces en 1996).

Le spectacle au détriment de la diversité?

Mais cette volonté d’annihiler la rapidité des courts a débouché sur l’aberration de la dernière finale de l’Open d’Australie qui a duré, en janvier dernier, 5h53. Du grand spectacle, certes, mais le tennis ne se perd-il pas dans cette course à l’endurance forcément sujette à questionnement?

A trop vouloir combattre la vitesse, le jeu a fini par devenir uniforme. Isner et Karlovic ont beau servir fort, ils évitent de s’aventurer au filet derrière leur première balle à cause du temps de réaction donné aux relanceurs grâce à ces revêtements «lents».

Avec le temps et l’inévitable augmentation du nombre des joueurs de plus de 2m, il n’est pas exclu que les règles du jeu devront être revisitées un jour ou l’autre. Faudra-t-il maintenir la hauteur du filet à 0,91m ou la rehausser? Ne devra-t-on pas raccourcir les carrés de service pour rendre la tâche des serveurs plus complexe? Idées saugrenues sur le papier qui pourraient faire hurler les défenseurs de la tradition, mais qui ont déjà été envisagées dans le passé.

Cela veut-il dire qu’il n’y aurait plus de place pour les petits au tennis? Sans doute oui, même s’il demeurera des exceptions à la règle. En 1994, Sébastien Grosjean, alors adolescent, avait été viré des structures de la Fédération française de tennis où certains techniciens estimaient que sa taille (1,75m) ne lui permettrait pas de faire carrière. Cela ne l’avait pas empêché de devenir n°4 mondial.

L’Espagnol David Ferrer (1,75m) est, lui, actuellement 5e de la hiérarchie. En dépit de ce classement élevé, il ne semble pas de taille à remporter un titre du Grand Chelem. Dans sa catégorie des «petits joueurs», il est même peut-être le dernier des Mohicans.

Yannick Cochennec

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