Pour les candidats à la présidentielle, la campagne électorale est comme un entretien d'embauche quotidien: au gré des déplacements sur le terrain au contact des citoyens ou des apparitions dans les médias, chaque geste ou chaque mot est disséqué face aux directeurs des ressources humaines que seraient les électeurs.
Mais s’ils étaient soumis à un entretien d’évaluation classique, comment seraient jugés les cinq «grands» candidats, François Bayrou, François Hollande, Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon et Nicolas Sarkozy? Dans quelles catégories seraient-ils placés? Au-delà de leur impressionnant CV pour quelques-uns d’entre eux, sont-ils vraiment faits pour le job?
Théorie des types psychologiques
Parmi les outils mis à la disposition des directeurs de ressources humaines au sein des entreprises, le MBTI (pour Myers Briggs Type Indicator) est un test souvent utilisé dans le cadre des bilans de compétence ou des (ré)orientations professionnelles pour déterminer le profil psychologique d’un candidat ou d’un salarié. Son origine est liée à la théorie des types psychologiques de Carl Jung (1921), reprise plus tard par deux Américaines, Catherine Briggs et sa fille Isabel Myers-Briggs, qui ont développé dans les années cinquante cet indicateur.
Ce questionnaire rassemble plusieurs dizaines de questions et cherche à identifier chez chaque candidat quatre grandes préférences dans leur manière d’envisager la vie: entre l’extraversion (E) et l’introversion (I), entre la sensation (S) et l’intuition (N), entre la pensée (T) et le sentiment (F), entre le jugement (J) et la perception (P). Selon ce questionnaire, chaque personne a donc quatre préférences au total. Quelqu’un peut cumuler l’extraversion, l’intuition, la pensée et le jugement, une autre l’introversion, la sensation, le sentiment et le jugement…
Il y a ainsi 16 combinaisons possibles «labellisées» comme les 16 types psychologiques de Myers-Briggs (marque déposée). Si bien que vous pouvez «être» ou ESTP, ou INTP, ou ENFJ ou ISFP et ainsi de suite. Chacun est libre de tenter de se définir en fonction de ses propres sensations ou de remplir un questionnaire comme celui-ci susceptible de vous livrer un verdict sommaire plus ou moins fiable avec une grille de lecture pour chacun des 16 profils.
Nicolas Sarkozy, «une sorte d’archétype»
Aux Etats-Unis, par exemple, Bill et Hillary Clinton ont passé ces tests de manière la plus sérieuse possible, l’ancien président des Etats-Unis s’étant révélé un ENFP quand son épouse avait été répertoriée comme INTJ.
Evidemment, nous n’allons pas demander aux cinq candidats de faire les tests en question, mais trois spécialistes de ces sujets ont été en mesure de nous aider, grâce à leurs observations attentives, et de nous laisser deviner à quelles familles se réfèrent les cinq principaux candidats en lice.
Nous avons respecté l’anonymat de ces trois spécialistes (nous avons essuyé par ailleurs quelques refus polis) car il n’est pas très déontologique de juger de manière extérieure sans avoir soumis les candidats aux différents tests. «Et puis la réalité des candidats que nous voyons est trompeuse dans la mesure où ils peuvent jouer un rôle qui ne correspond pas à ce qu’ils sont vraiment», souligne l’un des trois experts. Argument repris par un autre spécialiste en «coaching» et familier aussi du MBTI:
«On ne saura jamais qui est une personne en observant ce qu'il veut bien montrer à travers son comportement public d'autant plus quand une armée de conseillers en communication construisent ce "personnage public" taillé pour gagner un maximum d'opinions favorables!»
Il n’empêche: à force de l’observer sous toutes les coutures, nos experts savent avec certitude quel est le profil de Nicolas Sarkozy. «Il en est même une sorte d’archétype», sourit l’un. «Presque une caricature», s’amuse l’autre. Et ils se font une idée plus ou moins précise des quatre autres.
Une campagne «comme on se donne des claques»
Globalement, cette campagne 2012 serait complètement E voire ES (extraversion-sensation) selon nos trois spécialistes. «Le fait qu’il y ait quatre E dont trois ES parmi les cinq principaux candidats explique cette campagne du tac au tac où chacun se répond presque immédiatement comme on se donne des claques, argumente un interviewé. Tous les quatre sont pragmatiques et tournés vers la solution la plus rapide. La vision stratégique ne les caractérise pas.»
Et un intervenant de souligner que les anciens présidents, De Gaulle (INTJ), Giscard d’Estaing (INTJ) et Mitterrand (INTP) —un INTP modèle du genre, semble-t-il—, avaient tous pour caractéristique cette perspective du long terme. Alors que Chirac était un ESFP comme deux des cinq principaux candidats de cette campagne 2012.
En effet, parmi nos cinq principaux candidats, il y a deux ESFP, un ESTP, un ENFJ et un INFJ. Sauriez-vous les identifier? C’est le petit jeu (assez facile) que nous vous proposons en vous détaillant les quatre profils en question tels que les décrit de manière générale Les Types de personnalité, livre écrit par Pierre Cauvin et Geneviève Cailloux, spécialistes de l’approche typologique, chez ESF Editeur, auquel vous pouvez vous référer pour chercher à identifier votre propre profil (il y a quelques exercices proposés à la fin de l’ouvrage).
1. ESFP (extraversion-sensation-sentiment-perception)
Personnalité:
«Les ESFP ont une grande capacité d’observation et d’attention. Ils voient la réalité telle qu’elle est et prennent les choses telles qu’elles sont pour en tirer le meilleur parti. Ils aiment ce qu’il y a de bon dans l’existence et savent en profiter. Ils affectionnent la bonne nourriture, la bonne compagnie, les divertissements.
Les ESFP sont de bons compagnons, joyeux, pleins de gaieté, faciles à vivre, toujours prêts à échanger. Ils sont à l’aise avec les gens, brisent facilement la glace. Ils sont spontanés, flexibles, aiment la variété, surtout lorsqu’elle se situe dans un domaine particulièrement connu. En revanche, ils aiment moins ce qui est entièrement nouveau. L’effervescence de leur vie peut même être difficile à supporter par ceux qui ne leur ressemblent pas.»
Vie professionnelle:
«Les ESFP recherchent des activités de contacts humains. Ce qu’ils aiment dans une profession, c’est l’aspect relationnel. Ils sont excellents pour mettre les gens en contact et établir des liens entre les groupes. Lorsqu’ils ont une responsabilité, ils procèdent par influence en faisant appel à la bonne volonté et à l’esprit d’équipe. La routine et les procédures les ennuient. Ils aiment être en bonne compagnie dans une ambiance détendue.
Les ESFP évitent les conflits et tentent de les prévenir en établissant de bonnes relations entre les gens. Si des tensions apparaissent, ils cherchent à les réduire en les relativisant ou même à les éviter en changeant de sujet ou en faisant rire.»
Faiblesses potentielles:
«L’impulsivité des ESFP peut devenir excessive. Ils ont alors tendance à commencer plusieurs choses à la fois et à n’en finir aucune. Leur sens du contact peut leur faire perdre de vue la tâche à accomplir. Un ESFP peut ainsi passer un temps démesuré à parler, à "faire des relations" en oubliant le travail à faire. L’organisation du temps chez les ESFP peut laisser à désirer. Leur souci des autres, leur désir de plaire, peut se transformer en complaisance et en entreprise de charme. Les ESFP aiment séduire et se faire séduire.»
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2. ESTP (extraversion-sensation-pensée-perception)
Personnalité:
«Les ESTP se caractérisent avant tout par le réalisme, l’attention qu’ils portent à leur environnement. Ce sont des personnes qui réagissent spontanément et rapidement aux situations telles qu’elles se présentent, en prenant les choses pour ce qu’elles sont et en les utilisant au mieux de leurs intérêts.
Les ESTP vivent dans le présent, mettant pleinement en application le proverbe "Demain est un autre jour". Ils aiment profiter de l’ici et maintenant et n’aiment pas se lamenter sur les erreurs ou les événements pénibles passés. Leur souci de coller avec la réalité présente les rend souvent imprévisibles car ils sont capables de changer aussi vite que les événements.»
Vie professionnelle:
«Les ESTP font de remarquables négociateurs, alliant tout à la fois souplesse et séduction dans la démarche avec précision et fermeté quant aux buts. Ils aiment prendre des postes de responsabilité, surtout en période de crise où leur capacité d’intégrer une multitude de données ponctuelles et de s’y adapter est particulièrement utile.
Les ESTP aiment les interventions rapides, efficaces pour lesquelles il faut faire preuve de débrouillardise. Ce sont de parfaits dépanneurs. Ils se soucient alors peu des procédures, le résultat seul comptant.»
Faiblesses potentielles:
«L’activité intense des ESTP peut tourner à l’activisme. La spontanéité de leurs réactions et de leurs interventions, en dehors des procédures, peut parfois mal tomber et les conduire à des erreurs qu’un peu de réflexion aurait évitées. Ils peuvent avoir également tendance à manquer de continuité dans leur action, à faire des volte-face imprévisibles au motif que les conditions ont changé.
Ils peuvent ainsi abandonner ceux qu’ils ont conduits jusqu’alors pour se tourner vers autre chose et négliger les promesses faites. Il peut leur arriver de se montrer insensibles aux autres personnes, ne tenant compte que de leur intérêt personnel ou faisant des remarques trop directes et sans tact.»
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3. ENFJ (extraversion-intuition-sentiment-jugement)
Personnalité:
«Les ENFJ sont des leaders naturels dont la capacité à comprendre leur entourage leur permet d’exercer une influence considérable. Ils ont une grande capacité d’empathie qui leur fait aisément comprendre les besoins et les motivations des autres: ce sont par excellence des chefs charismatiques.
Les ENFJ ont des valeurs concernant ce qui est bon pour l’humanité et ils s’appliquent à les mettre en œuvre en y impliquant les autres et en faisant preuve de continuité et d’organisation. Ils sont si convaincus de leurs idées et les communiquent si volontiers qu’ils comprennent mal que d’autres puissent s’y opposer. Ils sont très sociables, aiment la gaieté autour d’eux et prennent volontiers un rôle de porte-parole. Ils apprennent beaucoup en imitant les personnes qu’ils aiment. Ils travaillent bien en groupe, mais aiment ajouter leur touche personnelle.»
Vie professionnelle:
«Les ENFJ sont très organisés. Ils aiment la variété et les contacts et sont mal à l’aise dans les tâches routinières et répétitives. Une grande partie de leur intérêt consiste à aider leurs collègues à se développer ou à prêter assistance quand cela est nécessaire.
Ils occupent souvent des postes à responsabilité et savent alors motiver les autres par leur enthousiasme et leur style très participatif. Ils se retrouvent les plus souvent dans des professions de service: religion, éducation, psychologie. Leur don de parole en fait de bons professeurs, éducateurs ou comédiens.»
Faiblesses potentielles:
«A vouloir sauver le monde, les ENFJ risquent de s’épuiser. Ils ne sont pas toujours capables d’établir des priorités ou de savoir dire non. Leur crainte des conflits peut les amener à escamoter les problèmes et à ne pas prendre suffisamment en compte la réalité. Ils tournent alors à l’idéalisme et perdent le moyen de réaliser leur objectif.
Enfin, leur besoin de contacts et leur aisance verbale peuvent en faire, par moments, des bavards excessifs au détriment de leur travail. Ils ont beaucoup de difficulté à recevoir la critique pour une remise en cause personnelle. Ils peuvent alors se déprécier et tomber même dans la dépression.»
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4. INFJ (introversion-intuition-sentiment-jugement)
Personnalité:
«Les INFJ préfèrent passer par une phase de travail solitaire avant d’exprimer publiquement leurs idées. C’est ainsi qu’ils pourront sembler en retrait dans un groupe de créativité et revenir le lendemain avec une synthèse claire et originale de ce que le groupe aura émis. Ils peuvent intervenir avec détermination, voire obstination, et se comporter en leaders charismatiques. Les INFJ ont le souci de l’harmonie entre les personnes et vivent très mal les conflits.
Les INFJ veulent comprendre la finalité de leur vie, connaître le sens des choses. La quête du Graal leur est familière. Le but n’est pas la connaissance en soi mais la recherche du sens tant pour l’individu que pour l’univers, de façon à permettre la transformation de la personne. Les INFJ sont organisés et méthodiques.»
Vie professionnelle:
«Les INFJ fonctionnent comme des catalyseurs plus par influence et exemple que par autorité. Ils opèreront plus volontiers en face-à-face, dans des situations individuelles. Les situations de groupe ne leur conviendront bien que s’ils ont un rôle spécifique à y jouer, comme enseignant, prédicateur par exemple, et s’ils ont un message à délivrer.
Ils pourront faire alors d’excellents orateurs. Leur talent est, cependant, le plus souvent dans l’écriture. Les INFJ utilisent volontiers ce mode de communication, surtout pour des événements importants tant privés que professionnels.»
Faiblesses potentielles:
«Les INFJ peuvent avoir tendance à privilégier la poursuite de l’idéal jusqu’à en oublier la réalité. Cette quête continue du sens peut les conduire à un état d’insatisfaction et d’angoisse. Ils peuvent être submergés par les émotions des autres. Il arrive aux INFJ d’être prisonniers des sentiments qu’ils perçoivent ou déclenchent.
Les détails peuvent aussi devenir une obsession. L’environnement devient alors hostile: le monde est peuplé d’embûches, de chausse-trappes et de personnes qui leur en veulent. Les INFJ peuvent se comporter alors de façon très irrationnelle et se sentir persécutés.»
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Yannick Cochennec
Extraits de Les Types de personnalité de Pierre Cauvin et Geneviève Cailloux reproduits avec l'aimable autorisation de ESF Editeur.