Culture

L’art du siège (en plastique thermoformé)

Temps de lecture : 2 min

A priori, il évoque la standardisation, la globalisation, la débauche de produits de consommation non recyclables. Oui, mais le siège en plastique thermoformé est aussi devenu un objet artistique à part entière.

Mars 2010, installation de Pierre Huyghe au  Crystal Palace de Madrid. REUTERS/Susana Vera
Mars 2010, installation de Pierre Huyghe au Crystal Palace de Madrid. REUTERS/Susana Vera

Il est partout. Dans le jardin des parents, sur les photos de vacances, dans la laverie, au bord de la piscine municipale, sur le balcon du voisin, à côté du distributeur de boissons, dans l’église évangéliste, devant l’écran seize neuvième de la maison de retraite. En terrasse, en sous-sol, dedans, dehors, partout.

Ses origines sont connues : les premiers projets de chaises monocoques ont été mis au point à la fin des années soixante par les Italiens Joe Colombo, Vico Magistretti et le Danois Verner Pantone. Leurs recherches ont été reprises et développées par des sociétés spécialisées dans l’industrie du plastique qui ont contribué à optimiser le dessin et les techniques pour aboutir à un modèle standardisé de deux kilos de polypropylène chauffé à 220°C, moulé en série, empilable, lavable, abordable.

Depuis les années 1990, ce golem en plastique a échappé à ses créateurs et se répand sans vergogne partout sur la planète. Il a engendré son lot de répliques, de détournements, de déclinaisons amusantes, mais surtout, on le sait trop peu, quelques pièces de musée incontournables.

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DJ Hummus The Plastic Chair Hotel, Tel Aviv

L’indice

Dans la lignée d’Eugène Atget qui avait entrepris de photographier les métiers condamnés à disparaître au tournant du XXe siècle, ou de Walker Evans qui réalisa une série d’études de constructions rurales dans l’Amérique de la Grande Dépression, Zoe Leonard a perpétué la tradition documentaire.

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Elle a promené son Rolleiflex dans New York afin d’archiver la gentrification (l’évacuation progressive du quart-monde des centres-villes), la liquidation des petits commerces. Dans cette magistrale série photographique, on observe un empilement de chaises comme un indice de pauvreté.

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Le motif

L’artiste français Marc Desgrandchamps utilise volontiers le motif de la chaise en plastique blanc dans ses toiles. L’objet apparaît en partie recouvert de tissus ou se dissolvant dans un paysage balnéaire. La superposition des jus colorés crée une forme de flou sur les grands panneaux peints à l’huile. La chaise structure le tableau, mais sa matière inerte semble résister à la peinture et se dérober au regard.

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Le socle

On pourrait parler des neuf chaises en porcelaine que l’artiste Sam Durant a fait réaliser à Xiamen par des artisans locaux – objets censés souligner le paradoxe entre l’invasion des produits chinois à bas coût et la culture millénaire de la céramique, mais ce type de détournement post-pop ne fait guère rêver que les marchands d’art.

Robert Gober —Untitled— 2005-2006

Arrêtons-nous plutôt sur le fabuleux assemblage de l’américain Robert Gober. Quelques éléments familiers ou incongrus: chaussettes, sandales, jambes en cire, poils, sparadrap, pot de peinture. Le tout agencé sur une chaise en grès moulé peinte en blanc. Une œuvre surréaliste, poétique, une copie de siège en plastique qui aura finalement permis de résoudre la question du socle en sculpture. Rien de moins.

Vincent Brocvielle

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