Économie / Politique

Lejaby, SeaFrance, Gandrange... L'Etat ne peut pas tout

Temps de lecture : 2 min

Lionel Jospin avait raison. En sauvant, entre guillemets, des entreprises, les candidats en campagne se prennent pour des Zorros et font croire que la politique accomplit des miracles.

Des employés de Lejaby, en avril 2010. REUTERS/Robert Pratta
Des employés de Lejaby, en avril 2010. REUTERS/Robert Pratta

L’entreprise de lingerie Lejaby va être reprise par une société qui travaille pour LVMH. Les corsetières seront converties en maroquinières. Voilà des emplois sauvés. Réjouissons-nous pour les 90 femmes et 3 hommes d’Issingeaux en Haute-Loire qui vont conserver leur travail. Mais ces sauvetages médiatisés d’usines ou de sociétés –Lejaby, SeaFrance, Petroplus, etc.– par les partis politiques à la pêche aux votes donne un spectacle affligeant.

Il s’agit bien sûr d’être le Zorro le plus rapide. On a vu François Hollande déléguer Arnaud Montebourg et Nicolas Sarkozy sortir son élu local à lui, Laurent Wauquiez, puis s’en occuper lui-même –comme à son habitude– décrocher son téléphone et mobiliser ses amis. Dans cette course de vitesse, l’avantage est revenu au gouvernement. Forcément, il a les armes du préfet.

Vitesse et puissance. Agir vite et faire croire à la farce d’un politique qui peut tout. Lionel Jospin qui s’était risqué à dire dit en 1999 que «l’Etat ne peut pas tout», avait pris sur le dos toutes les tribus du «volontarisme», très peuplées à gauche comme à droite.

Poudre aux yeux

Ailleurs dans le monde, la politique est modeste, elle ne promet que ce qu’elle peut tenir. Pas en France, Monsieur! Ici c’est autre chose! La politique doit tout pouvoir. C’est la force supérieure. Si un candidat dit le contraire et s’essaie à l’humilité, on le déclare défaitiste, couché devant le réalités, à la solde des comptables, rangé derrière la pensée unique, capitaliste quoi!

Or, Lionel Jospin avait raison: l’Etat ne peut pas tout. Même en France. La vérité est qu’il a des moyens de plus en plus maigres tandis que la société est de plus en plus internationale, de plus en plus complexe et de plus en plus autonome. L’Etat, appuyé sur la Nation, peut de moins en moins.

En sauvant, entre guillemets, Lejaby ou SeaFrance, les candidats en campagne font croire que la politique fait des miracles. C’est de l’anti-pédagogie! Mieux vaudrait, enfin, renvoyer les Français à leur autonomie et, dans la débrouillardise, ils savent faire merveille. Mais non, volontarisme rime avec infantilisme.

Prenez la liste: Lip, Manufrance… le volontarisme a échoué. Chausson ne peut pas mourir? Et bien si. Gandrange sera sauvé? Le haut-fourneaux a fermé. Molex vivra! Il est mort. Heuliez? il sera découpé. Et l’on passe sur les coûts en temps et en euros de cette politique industrielle de pré-campagne.

L’Etat, il est vrai, a encore la force de tordre le bras à la SNCF pour Seafrance ou d’appeler LVMH au secours de Lejaby. Mais pourquoi, sinon pour le journal de 20 Heures, mobiliser tant de forces publiques pour sauver 100 emplois quand il y en a 10.000 supprimés par jour! Pourquoi s’occuper de ceux-là?

Le marché du travail, c’est un va-et-vient, 10.000 supprimés, 10.000 créés, plus en cas de croissance, moins en cas de récession comme actuellement où 1.000 personnes par jour ouvrables se retrouvent sur le carreau.

L’important pédagogique serait non pas de faire montre de muscle mais de faire comprendre aux Français qu’un bon marché du travail impose de faciliter le flux des entrées et des sorties, et surtout pas de les immobiliser. Je ne parle pas des Lejaby qui ont un savoir-faire, mais sauvegarder des vieux emplois particuliers, ce n’est pas bon pour l’emploi en général. Ce qu’il faut, c’est de la mobilité, et de la formation. Pas des Zorro qui, sitôt les caméras rangées, se moquent des salariés.

Eric Le Boucher

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