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Mardi dernier, des entreprises spécialisées en prise en charge d’épaves ont commencé à travailler sur le Costa Concordia, le navire de croisière naufragé. Le paquebot en lui-même vaut des centaines de millions de dollars, et il est fort probable que les cabines recèlent une petite fortune en biens personnels.
Plus de 4.000 passagers ont quitté le navire en laissant derrière eux du liquide, des bijoux et d’autres objets. Combien de temps toutes ces choses doivent-elles rester en mer pour acquérir le statut de trésor englouti?
Une longue attente
Plusieurs années, voire plusieurs décennies. La propriété légale d’une épave dépend de son abandon, ou pas, par son propriétaire (PDF). Les vaisseaux abandonnés sont la proie des chasseurs de trésors, et le premier plongeur à prendre possession de l’épave garde tout le butin pour lui. Si le propriétaire n’a pas abandonné le bateau, la personne qui le trouve n’a droit qu’à une prime basée sur les risques pris et les efforts engagés pour le repêcher.
La définition de l’abandon varie selon les cas, mais une épave doit reposer sur les fonds marins pendant des années ou des décennies sans que quiconque ne tente de la récupérer pour qu’un tribunal la déclare, elle et sa cargaison, abandonnées. Il est extrêmement peu probable que cela arrive au Costa Concordia. Une grande partie du navire est émergée, et ses propriétaires tentent activement de le récupérer.
Alors que va-t-il arriver aux biens personnels restés à bord du Costa Concordia? Si les ingénieurs navals parviennent à redresser le navire et à le remorquer jusqu’à un endroit sûr, Costa Croisières récupèrera les biens personnels en bon état dans les cabines des passagers et les leur restituera. C’est ce qu’il s’est passé lorsque que l’Empress of the North a été évacué après avoir sombré à 80 km au sud-ouest de Juneau, Alaska, en 2007.
L'importance de l'assurance
Et il y a le problème des biens perdus et endommagés—qui pourraient s’avérer très nombreux. Les passagers peuvent déposer une demande de remboursement de leurs biens perdus auprès de la compagnie maritime, mais ceux qui n’ont pas contracté d’assurance voyage vont probablement au-devant d’une grande déception.
La plupart des contrats accompagnant les billets de croisières limitent la responsabilité de la compagnie en cas de perte ou de casse d’objets personnels. Le plafond standard est de 150 dollars par bagage, avec un maximum de 500 dollars par passager (les passagers peuvent relever cette limite à 5.000 dollars (6.455 euros) s’ils avertissent le croisiériste à l’avance que la valeur de leurs bagages dépasse les limites du contrat type, mais très peu s’en donnent la peine). Les contrats déclinent souvent de façon explicite toute responsabilité pour le liquide et les objets de valeurs tels que les bijoux et appareils électroniques.
Risque de blocage par la compagnie
En outre, il est de notoriété publique que les compagnies de croisières sont lentes à répondre aux réclamations. Elles insistent souvent pour ne correspondre que par courrier postal. Des passagers ayant déposé des demandes d’indemnisation pour blessures et dommages matériels rapportent qu’il faut un minimum de trois semaines pour recevoir une première réponse, et la compagnie fait souvent traîner les choses en longueur en demandant constamment de nouvelles pièces justificatives.
Un voyageur lésé n’a que très peu de recours contre les clauses de responsabilités des compagnies ou les retards administratifs. La plupart des avocats des plaignants sont rémunérés au pourcentage. Étant donné que les tribunaux ont toujours eu tendance à confirmer les clauses de limite de responsabilité, ils rechignent à se charger de ce genre d’affaires. Au mieux, les passagers peuvent espérer que le croisiériste fera un geste commercial et abolira le plafond de remboursement.
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L’Explication remercie Mike Lacey de l’International Salvage Union; Eric Morales de Lipcon, Margulies, Alsina & Winkleman, P.A. et maître Jim Walker de Miami Maritime, auteur du blog Cruise Law News.
Brian Palmer
Traduit par Bérengère Viennot