Le ministre suédois du Tourisme a récemment annoncé que le compte Twitter officiel du pays, @Sweden, serait désormais confié chaque semaine à un nouveau citoyen suédois.
L’espoir de cette campagne, c’est que les nouveaux administrateurs partageront leur vision personnelle de ce que représente pour eux d’être suédois, tout en mettant un coup de projecteur sur la culture du pays au sens large.
En tant que suédophile par mariage, j’applaudis à cette initiative visant à partager avec le monde entier la gentillesse, le bon esprit et l’odieuse manie de mâcher du tabac du Suédois de la rue. En tant que responsable d’un média social, je suis curieux d’apprendre si ou non cette opération possède un potentiel de succès sur le long terme.
Lire @Sweden ressemble à une expédition chez les indigènes
D’un point de vue marketing, le projet fonctionne à plein. Le compte @Sweden a vu son audience augmenter de 75%, à plus de 14.500 followers, depuis que les médias américains ont commencé à en parler. Côté contenu en tweets, la qualité est variable.
Au mieux, lire @Sweden se rapproche d’une expédition en terre étrangère, accueillie par d’hospitaliers indigènes. Au pire, les messages sont un assortiment de blagues scabreuses et un véhicule pour l’autopromotion la plus éhontée.
Il s’agit néanmoins d’une expérience intéressante dans le domaine de la démocratisation de l’expression, qui est une composante importante de la promesse de la plate-forme Twitter.
Apprendre que l’administrateur de la semaine (1), Anders Dalenius —en photo ci-dessus avec un traditionnel poulet suédois (mort depuis peu —le poulet, pas Dalenius) — est sobre depuis six ans et a bien aimé le dernier Transformers n’a de toute évidence pas le même poids que les mises à jour sur les émeutes du 25 janvier en Egypte.
Mais on peut toutefois saluer l’opportunité d’offrir à des citoyens parfaitement anonymes, qui n’auraient à eux seuls que quelques dizaines de followers, l’accès à une plate-forme d’importance majeure pour partager leurs réflexions.
Rien de mieux qu’un immigré bosniaque musulman pour donner envie de Suède
L’administrateur de la semaine d'avant, Hasan Ramic, est un immigrant bosniaque en Suède, qui a tweeté au sujet de gourmandises suédoises rarement vantées sinon, telles que le juleskum («mousse de Noël») et la pizza kebab (aussi délicieuse qu’on se l’imagine). Entre deux tweets culinaires et sa participation à des distractions internationales comme de vomir sur les Miami Heat, Ramic a partagé un compte rendu solennel [édité pour plus de clarté] de son expérience de réfugié des guerres balkaniques ayant grandi en Suède dans les années 1990:
@Sweden: quand la guerre a éclaté en Bosnie, les causes du conflit étaient en partie la religion. Musulmans, nous avons dû partir pour la Suède.
@Sweden: dans notre combat pour la préservation de notre identité bosniaque musulmane, nous ne fêtions pas Noël. C’était une tradition chrétienne, qu’il ne fallait pas observer.
@Sweden: Mais voilà l’histoire. Mon jeune frère était très triste. Il nous avait fait à tous des cadeaux de Noël, comme tous les autres enfants [de l’école]
@Sweden: C’est à cette occasion que ma famille prit la décision de se mettre à célébrer Noël. Pour mon petit frère.
@Sweden: Il nous a fabriqué des cartes de vœux et des colliers de perles à la maternelle, et il a reçu des Legos, des Biker Mice et des Ppparkakor [biscuits] à son tour.
@ Sweden: Nous avons pensé: chrétienne ou pas chrétienne, toute tradition consistant à donner des cadeaux aux enfants doit être observée.
@Sweden: Nous suivons toujours aujourd’hui nos fêtes traditionnelles musulmanes, mais il s’agit pour nous moins de religion que d’en conserver l’esprit.
Au cours des guerres en ex-Yougoslavie, des dizaines de milliers d’immigrants bosniaques sont partis pour la Suède du fait de sa politique d’asile libérale, mais le pays continue d’affronter des problèmes d’immigration et d’assimilation. La plus grande star du football national, Zlatan Ibrahimovic, est bosniaque d’origine. Et pourtant, en 2010 un parti anti-immigration a pour la première fois fait son entrée au parlement.
Lorsque le comité du tourisme suédois indique sur son site Curators of Sweden que «Hasan Ramic est @Sweden» et lui offre la possibilité de parler au nom de son pays, il en dit plus sur la Suède que son voisin scandinave, dont le fil Twitter officiel @visitnorway propose un guide des fjords. On aimerait voir plus de pays comme @Sweden.
Jeremy Stahl
Traduit par David Korn
NDLE: lorsque nous publions cette traduction en français, c'est Annakarin qui tweete: