France / Life

Faut-il interdire le Subutex, substitut à l'héroïne?

Temps de lecture : 3 min

L'explication.

La petite phrase est extraite d'un rapport rendu public le 4 février par trois députés UMP, Françoise Branget (Doubs), Jean-Paul Garraud (magistrat, Gironde) et Pascale Gruny (Aisne, dans le fauteuil de Xavier Bertrand): «le Subutex® est ainsi le 11e produit le plus remboursé par la Caisse nationale d'assurance maladie.» Le 11e produit le plus remboursé? Y a-t-il donc en France tant de personnes à prendre ce traitement de substitution à l'héroïne?

Les députés se sont sûrement emmêlés dans la liste des 100 médicaments les plus remboursés publiée par la Sécu. En fait, le Subutex figurait au 25e rang des médicaments les plus remboursés avec 78,5 millions d'euros en 2005 (-3,6% par rapport à 2004 où le Subutex se classait au 16e rang). En 2007, (chiffres publiés en juin 2008), il s'éloigne encore un peu du top ten: 33e au classement, avec 70,9 millions d'euros remboursés (-5% par rapport à l'année précédente).

Soixante-dix millions d'euros, cela veut dire quoi, pour le trou de la Sécu? Dix-huit milliards d'euros ont été remboursés en médicaments en 2007. Le Subutex représente donc 0,38 % des dépenses de la Sécu en médicaments.

Poursuivons la lecture du texte. Le Subutex «fait l'objet de trafic important qui coûte cher à la sécurité sociale». Ils ne nous disent pas combien. Mais selon eux, «23 % des personnes ayant une prescription de Subutex en font un usage détourné, en marge de sa finalité thérapeutique». Soit environ 20.000 des 85.000 personnes traités en France. Même si les députés n'étayent pas leur chiffre, le trafic existe bel et bien. C'est d'ailleurs pour cette raison que depuis le mois d'avril 2008, la délivrance du produit a été rendue plus compliquée.

Mais, forts de leur argument économique, les députés voudraient classer le Subutex comme stupéfiant, à l'instar de la méthadone, alors qu'il est pour l'instant classé sur la liste des substances vénéneuses . C'est d'ailleurs sur cette volonté que l'AFP a titré sa dépêche et que ce rapport a été médiatisé. C'est aussi sur cette question que les associations engagées dans la réduction des risques ont réagi, en répondant par ce communiqué. «Les traitements de substitution coûtent cher à la sécurité sociale. Sûrement moins que le traitement des maladies qui sont liées à des consommations clandestines et moins que la prison où on incarcère de plus en plus.» Pas question donc, pour Aides, Médecins du monde, entre autres, de revenir sur une «proposition qui avait déjà couru en 2006, contre laquelle s'étaient élevées très unitairement de nombreuses associations et que le ministre d'alors Xavier Bertrand avait finalement écartée».

Ces députés semblent particulièrement prohibitionnistes puisque la suite de leur texte montre leur opposition à toute consommation de drogue, y compris l'alcool qu'ils ajoutent à leur liste de produits, car «20 % des accidents du travail seraient dus à l'alcool ou à la consommation de drogues». Les députés ne précisent pas la part de l'un et de l'autre, ou de la polyconsommation. Mais moins d'une semaine après la publication de ce rapport, un des trois députés demandera au gouvernement de freiner ses ardeurs en matière de lutte contre l'alcool, car «la relance de l'économie passe également par la relance de secteurs clefs comme la viticulture».

Il n'y a pas que pour des raisons économiques que les trois députés ont le Subutex dans le nez. «Les produits de substitution créent une nouvelle dépendance», et «La première (...) réduction des risques, c'est la réduction de consommation de drogues». Y compris le Subutex... Première étape pour «mettre en place une politique efficace et durable de sortie de la toxicomanie», le «séjour dans une communauté thérapeutique» pour parvenir à un sevrage total. Tout le contraire des recommandations de l'Académie nationale de pharmacie, qui elle aussi vient de rendre un rapport sur la substitution où elle constate qu'«à l'exception des représentants de la Police Nationale tous les intervenants sont opposés à un changement de statut» du Subutex. Ce rapport cite l'exemple de la Suisse, des Pays-Bas et du Royaume-Uni, où des centres médicalisés délivrent de l'héroïne «pharmaceutique». Ce n'est pas une infirmière qui administre du Subutex (le patient fait fondre une pilule sous la langue), mais le malade lui-même.

Au fait, le 11e médicament les plus remboursé en 2007, c'était le ... Doliprane.

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