France

Carlos jugé à Paris: la perpétuité à tiroirs

Temps de lecture : 3 min

Déjà condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour des faits remontant à 1975, Carlos encourt aujourd’hui une peine similaire pour les quatre attentats perpétrés en 1982 pour lesquels il est actuellement jugé. Que risque-t-il exactement?

Carlos, devant le tribunal de Paris, en 2000. REUTERS/RTV/Thierry Chiarello
Carlos, devant le tribunal de Paris, en 2000. REUTERS/RTV/Thierry Chiarello

A l’issue de près de six semaines de procès, le parquet général a requis mardi soir une peine de réclusion criminelle à perpétuité assortie d’une période de sûreté de dix-huit ans à l’encontre d’Ilich Sanchez Ramirez dit Carlos. Soit la peine maximale légalement possible, pour cette figure emblématique du terrorisme international qui comparaît depuis le 7 novembre devant la cour d’assises spéciale de Paris pour répondre de quatre attentats commis en 1982.

L’ex-ennemi public n°1 purge déjà une peine de prison à vie prononcée en 1997, trois ans après son interpellation au Soudan en 1994. La cour d'assises de Paris l'avait, à l’époque, condamné pour le meurtre, en 1975 à Paris, de deux policiers français de la DST et d’un informateur. Que risque donc le Vénézuélien s’il est jeudi ou vendredi, une nouvelle fois reconnu coupable par la cour d’assises spéciale?

Selon les informations de la communication du parquet général de Paris, l’enjeu se situe désormais au niveau de la période de sureté qui vient accompagner la réclusion criminelle à perpétuité. Durant ce laps de temps, le condamné ne peut bénéficier d’aucune mesure d’individualisation de sa peine telle qu’une suspension ou un fractionnement de la peine, d’un placement à l’extérieur, d’une permission de sortir, d’une semi-liberté ou d’une libération conditionnelle. Bref, impossible d’obtenir un avant-goût de liberté.

Pourquoi cette mesure ne lui a-t-elle pas été imposée lors de sa première condamnation survenue 1997? Cela s’explique par la date des faits jugés: le triple assassinat de la rue Toullier a eu lieu en 1975. A cette époque, la période de sûreté n’existait pas. Elle a en effet été instaurée par la loi du 22 novembre 1978 votée sous le gouvernement de Raymond Barre. Or, en droit, il existe un principe fondamental : celui de la non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère (selon l’article 112-1 du code pénal).

C’est ce qui explique que lorsque le célèbre activiste a été condamné pour la première fois, il ne pouvait pas se voir imposer de période de sûreté puisque cette mesure - plus sévère - est postérieure aux faits qui lui étaient reprochés.

Désormais, il en va autrement. Les quatre attentats jugés par la cour d’assises spéciale ont été perpétrés entre 1982 et 1983, soit postérieurement à la loi créant des périodes de sûreté. En cas de condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité, Ilich Ramirez Sanchez peut donc se voir imposer cette mesure, encore reste-t-il à connaître sa durée.

Dans leur réquisitoire, les avocats généraux ont demandé le maximum envisageable, soit dix-huit ans de sûreté, comme le prévoyaient les textes de l’époque. Même si, aujourd’hui, cette période de sûreté peut être plus importante (vingt-deux ans en cas de perpétuité, voire 30 ans dans des cas exceptionnels.) le principe de non-rétroactivité de la loi pénale la plus sévère s’applique ici une fois encore.

Ces subtilités juridiques ont donc une influence directe sur le temps que « Le Chacal » va passer à l’ombre, et, de façon corollaire, sur moment où il pourrait mettre un premier pied dehors. Si, à l’issue des plaidoiries de la défense, la cour d’assises se prononce pour l’acquittement, «le révolutionnaire professionnel» autoproclamé devra se conformer à un délai d’épreuve- en l’occurrence de dix-huit ans selon l’article 729 du code de procédure pénale- avant de pouvoir faire sa première demande de libération conditionnelle. Soit à compter de 2012 puisqu’il a été placé en détention provisoire en 1994.

Si, en revanche Carlos est reconnu coupable et condamné à la réclusion criminelle à perpétuité avec une période de sûreté de dix-huit ans (comme le requiert le parquet général conformément au droit applicable en 1982), la question se corse.

Tout dépend en effet du point de départ de la période de sûreté. Dans une première hypothèse, les deux peines –celle de 1997 pour l’assassinat de la Rue Toullier, et celle d’aujourd’hui pour les quatre attentats - peuvent être confondues : la justice considère alors que le condamné purge sa peine depuis 1994, date de son arrivée dans les geôles françaises. Mais, dans une seconde hypothèse, la deuxième peine pourrait prendre effet à partir du verdict, soit en 2011.

La date de sa sortie dépendrait alors du nombre d’années de détention provisoire qui serait pris en compte. Cette décision n’est pas de la compétence de la cour d’assises ou des avocats généraux. Il s’agit d’une question d’exécution des peines qui ne pourra se poser que lorsque la peine sera définitive donc lors du verdict, si aucun appel n’est formé dans le délai de 10 jours

Julie Brafman

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