Culture

Blue Velvet, 25 ans après

Temps de lecture : 14 min

Le carnaval pervers, violent et hypnotique n’a pas pris une ride.

Isabella Rosselini chante dans une scène de Blue-Velvet. De Laurentiis group
Isabella Rosselini chante dans une scène de Blue-Velvet. De Laurentiis group

Quand Blue Velvet est sorti en 1986, le film était tellement choquant qu’il nous était difficile de voir avec quelle simplicité et quelle franchise il exposait son propos. Je l’ai d’abord vu au Lumiere Theater à San Francisco, où des ondes de révulsion parcouraient le public. Quelques jours plus tard, au cours d’une projection de minuit dans un cinéma de la très progressiste ville de Berkeley, les spectateurs se levaient par grappes pour quitter la salle pendant les passages les plus éprouvants. (N’oublions pas que c’était l’époque de Top Gun, Rambo, La Folle Journée de Ferris Bueller et Crocodile Dundee.)

Traumatisé, le célèbre critique Roger Ebert protestait avec véhémence contre le traitement cruel infligé par David Lynch à sa vedette, Isabella Rossellini :

«Si je vois la comédienne souffrir, si je ressens ce qu’elle subit, il faut que ce soit pour une bonne raison par rapport au film lui-même, pas simplement pour le plaisir de la voir souffrir!» (La critique filmée est souvent en bonus des éditions vidéo).

Le nouveau Blu-ray de Blue Velvet, remarquable par la qualité du son et de l’image, et par la présence de scènes que l’on croyait disparues, permet de profiter pleinement de cet ovni cinématographique. Elle nous rappelle également que, si le film de Lynch a souvent été qualifié d’obscur, ses intentions et son mode opératoire sont en fait remarquablement clairs.

La violence d'ordre sexuelle du film

Je reviendrai sur les scènes supprimées au montage. Revoyez Blue Velvet, comme je l’ai fait avec quelques amis avertis. Le film est toujours aussi troublant, fascinant, déroutant, et violent, dans la peinture morbide qu’il fait d’une humanité radicalement terrifiante. Mais à bien y regarder, Lynch ne nous prend pas vraiment par surprise. Est-ce qu’il y a de la violence d’ordre sexuel dans le film? Et comment.

Mais après tout, le premier personnage qui apparaît à l’écran arrose son jardin en tenant un tuyau à hauteur de la taille; quelques instants plus tard, à la télévision, une autre main brandit un révolver, toujours au niveau de la taille. Juste après, l’homme qui arrosait son jardin a une crise cardiaque, s’effondre et se met à asperger dans toutes les directions, telles une divinité païenne de la pluie. Peu après, Jeffrey, notre jeune héros, trouve une oreille dans un champ. La caméra s’en approche, passe dans l’herbe et s’enfonce lentement dans un trou sombre grouillant de fourmis. Des tuyaux qui giclent, des révolvers braqués, des trous humides et inquiétants… On vous avait prévenus!

Et ça, ce n’était que les premières minutes du film. Frank, le sociopathe interprété par Dennis Hopper, s’est donné le nom de «Daddy», et il appelle «Mommy», Dorothy Vallens, la femme qu’il persécute. Lorsque Jeffrey a des visions terrifiantes de Frank, le visage du criminel se superpose à celui de son père malade. Ensuite, «Mommy» agresse sexuellement Jeffrey en le menaçant d’un couteau plus que phallique. Et Lynch finit par pousser le cauchemar oedipien à son paroxysme en faisant subir à Jeffrey les brutalités équivoques de son «Daddy» de substitution.

Pendant ce temps, Sandy (Laura Dern), la «sœur» de Jeffrey, tombe amoureuse de lui et sanglote quand «Mommy» nue et couverte de bleus, tombe dans les bras de son «frère», la regarde dans les yeux et lui dit, «Il a mis sa maladie en moi». Comme disait mon ancien collègue Michael Sragow, ce n’est pas le sous-texte. C’est le texte.

Une ville de rêve avec des vrais psychopathes dedans

Ces joyeux événements se déroulent dans la petite ville idéale, qui n’a d’ailleurs pas de nom, dont rêve depuis toujours l’Amérique. Comme aurait pu le dire Marianne Moore, c’est une ville imaginaire, avec de vrais psychopathes dedans. Pour mettre en scène et explorer son fantasme oedipien détraqué, Lynch adopte les conventions du film noir des années 1940, où le héros cherche à résoudre un mystère, découvre des choses qu’il n’aurait jamais dû apprendre, et se retrouve entraîné dans une machination qui le dépasse. Là encore, nous sommes en terrain familier.

Vous vous souvenez certainement de la trame narrative du film. L’homme au tuyau n’est autre que le père de Jeffrey Beaumont; Après son attaque, il est hospitalisé et Jeffrey quitte l’université pour revenir auprès de sa famille.

A peine arrivé, Jeffrey, interprété par un Kyle MacLachlan dont les chemises bien boutonnées font irrésistiblement penser à David Lynch, se promène dans un champ et trouve une oreille coupée. Ce MacGuffin grotesque est la clef qui lui ouvre les portes d’un univers dont il ne soupçonnait pas l’existence (et c’est aussi le signe que le son jouera un rôle prépondérant dans le film).

Jeffrey apporte l’oreille à un inspecteur de police qui habite dans le quartier; la fille de l’inspecteur, Sandy, satisfait la curiosité de Jeffrey en lui communiquant en secret des informations sur cette affaire: l’oreille aurait un rapport avec une enquête en cours portant sur une chanteuse d’un night-club du coin, Dorothy Vallens, interprétée avec une grâce blessée par Rossellini. Elle aussi habite dans le quartier et Lynch prend soin de souligner que Jeffrey et Sandy ont toujours vécu à proximité du danger qui les menace à présent.

A part l’oreille, le début du film reste prude. Comme dans Mulholland Drive, Lynch parvient à mélanger les époques avec une aisance caractéristique. Les copains de Sandy ont des coupes de cheveux typiques des années 1980, mais dès qu’elle n’est plus avec eux, on se rend compte qu’elle porte de sages tenues années 1950.

La voiture rouge de Jeffrey est un énorme engin sorti tout droit des années 1960; L’appartement de Vallens aurait été celui d’une fille de mauvaise vie dans un film noir; Jeffrey et Sandy se retrouvent dans des diners (en français dans le texte) ultra rétro.

La découverte d'un arrière-monde sordide et angoissant

C’est là que, motivés par une curiosité apparemment innocente, les deux jeunes gens complotent et décident que Jeffrey va pénétrer par effraction chez la chanteuse. C’est la première transgression. Et le châtiment arrive vite.

Dorothy Vallens surprend Jeffrey chez elle et ce qu’elle fait alors ouvre la porte au déferlement d’énergie sexuelle qui caractérise la suite du film. Furieuse, mais également troublée par l’intrusion voyeuriste du jeune homme, elle l’oblige à se déshabiller et devient très entreprenante.

Ce petit jeu est interrompu par l’arrivée de Frank, un gangster au comportement extrêmement inquiétant. Jeffrey se cache dans un placard, retrouvant sa place de voyeur. Sous ses yeux, Frank brutalise Vallens et abuse d’elle, et nous découvrons que le malfrat, en plus d’être sérieusement dérangé, est obsédé par la chanteuse, dont il garde le mari et l’enfant en otage.

Il lui rend visite régulièrement et l’agresse sexuellement en utilisant des méthodes aussi personnelles que malsaines. Et il est sûrement significatif qu’en partant, il ordonne à Vallens de «rester en vie», comme s’il savait qu’elle était désormais au-delà du désespoir.

Jeffrey regarde, à la fois horrifié et fasciné, et très vite, devient l’amant de Vallens, avec qui il entretient une relation érotique similaire mais moins sadique. (Pour revenir au film noir, on retrouve une situation semblable dans Le Grand sommeil, lorsque Bogart couche avec la sœur toxicomane de Lauren Bacall.)

L’idée la plus transgressive du film est sans doute le fait que Vallens aime être frappée quand elle fait l’amour; il n’est jamais dit de manière explicite que cela est lié à ce que Frank lui fait subir, mais le film semble le sous-entendre.

Jeffrey cache cette relation de plus en plus intense à l’innocente Sandy. Bien sûr, Frank découvre rapidement l’existence de Jeffrey, rencontre aux conséquences, disons, malheureuses. (Premier signe alarmant, Frank appelle le jeune homme son «voisin»).

La deuxième moitié du film est une accumulation quasi ininterrompue de perversions, de violence et d’images aussi belles que repoussantes. Dean Stockwell, efféminé et fantomatique, qui chante en play-back «In Dreams», de Roy Orbisson, une prostituée qui danse sur le toit d’une voiture pendant que Jeffrey se fait tabasser, un tableau comique et macabre dans l’appartement de Vallens, l’apparition nocturne de Vallens, nue et contusionnée, dans le jardin propret d’une maison de banlieue; ces images sont parmi les plus mémorables, et les plus dérangeantes, du cinéma américain.

Un scénario classique du film noir

Cependant, si on revient au scénario lui-même, on reste dans les conventions du film noir. Jeffrey n’est-il pas un des ces hommes imprudents qui mettent leur nez là où il ne faut pas, remuent un peu trop la boue, et passent un mauvais quart d’heure? D’accord, Humphrey Bogart ne menait pas une double vie de pervers sexuel avec une femme qui aurait pu être sa mère. Mais au-delà de ça, la morale de Blue Velvet est plutôt classique.

Jeffrey survit aux épreuves, devient un homme, sa mère et sa tante retrouvent le fils prodigue, et il forme un couple normal avec Sandy. Même Vallens retrouve son fils et la liberté, un sort heureux que les vrais films noirs accordaient rarement aux femmes perdues ou déviantes. Dans les dernières images du film, Lynch garde bien sûr sa distance ironique coutumière: un merle grassouillet, filmé comme dans un documentaire animalier, engouffre gaiement un pauvre insecte.

A propos de la séquence du Faucon maltais, où Mary Astor descend en ascenseur escortée par les policiers et Bogart monte les escaliers, le critique David Thomson a déclaré que les deux personnages allaient en fait au même endroit. Lynch serait de cet avis, et il sait que nous savons qu’un jour ou l’autre, les habitants les moins recommandables du quartier referont surface pour venir prendre du bon temps avec Jeffrey. Et que celui-ci ne résistera pas longtemps aux plaisirs qu’ils lui promettront.

Réalité ensoleillée vs monde cauchemardesque

Un aspect caractéristique du film, qui a d’ailleurs limité son succès à sa sortie, est la manière dont Lynch mélange virtuosité visuelle et, dans les passages «ensoleillées», clichés et maladresses du mélo de série B.

Le rythme des dialogues entre Jeffrey et Sandy est décalé, et j’ai vu des films pornos avec des conversations plus naturelles. De même, les échanges entre Jeffrey et les policiers sonnent faux, et sont entrecoupés de pauses complètement artificielles. On pense notamment à l’inénarrable The Room, que sa médiocrité a rendu culte.

Aujourd’hui, notre perception du film a évolué. Nous savons qu’il fonctionne sur le contraste entre une réalité fade, creuse, et un monde cauchemardesque surréaliste et fascinant, qui semble plus réel, plus épais, que le quotidien des personnages. Vingt-cinq ans après, nous percevons mieux la cohérence du film.

Nous attendons l’apparition de Dennis Hopper comme nous attendons la transformation de Jack Nicholson dans Shining ; nous savons à quoi nous attendre. A l’époque, nous étions complètement déstabilisés et nous n’étions pas préparés aux troublantes audaces du film.

Le format Cinémascope et la très grande profondeur de champ utilisée dans certaines séquences, notamment dans l’immeuble de Vallens, ont permis à Lynch de créer un univers angoissant et obsédant tel qu’on n’en avait encore jamais vu dans le cinéma grand public.

Les intérieurs très sombres, là encore surtout chez Vallens pendant l’initiation de Jeffrey, dégagent une impression de menace sourde. Dans les couloirs de l’immeuble, la profondeur de champ est telle que les personnages qui marchent à l’arrière plan semblent monter une côte. Plus tard, pendant une scène déchirante chez Sandy, le contour de l’image se tord et se trouble à l’unisson du malaise qui envahit la jeune femme.

Tout au long du film, Lynch utilise des couleurs primaires pour caractériser un personnage, souligner l’énergie érotique qu’il ou elle dégage, ou indiquer l’imminence du danger. Vallens porte des robes bleu roi ou rouges, a les yeux maquillés de bleu et les lèvres rouge vif, et chante baignée dans une lumière reprenant ces teintes. On se souvient de l’homme à l’imperméable jaune, et du rouge de certaines lampes, de la voiture de Jeffrey, de roses maléfiques et, bien sûr, du lit de Vallens.

Enfin, Lynch joue avec le son de manière troublante. Après tout, le début du film nous a fait comprendre que l’oreille était la première porte vers les enfers. L’univers sonore du film, conçu par Alan Splet, dégage une sensation de terreur étouffante (La piste son du Blu-ray est intense jusqu’à en devenir lubrique).

Vallens est une chanteuse, tout comme, à sa manière, Dean Stockwell. La musique originale, composée par Angelo Badalamenti (c’est lui qui accompagne Vallens), passe avec aisance de l’abstraction électronique aux clichés hitchcockiens les plus pompeux. Les dialogues signalent aussi l’importance du son pour les personnages, et contiennent quelques plaisanteries plutôt méchantes (Vallens, qui parle au téléphone avec son mari à qui on a coupé l’oreille, n’arrête pas de lui demander, «Est-ce que tu m’entends?»).

Plus d'une heure de scènes coupées

Le scénario de Blue Velvet (qui, selon la rumeur, aurait donné un film de 4h30) est publié depuis longtemps. Les fans savent qu’il existe au moins une heure de scènes coupées au montage qui donnaient plus de profondeur au récit et, au moins dans un cas, altérait nettement son cours.

Selon Lynch, ces séquences avaient été égarées après la mort du producteur, Dino De Laurentiis, mais avait finalement été retrouvées. Et il semble qu’elles figurent toutes sur le Blu-ray, mais seulement sous la forme de bonus, il n’y a pas de véritable version longue.Il est intéressant de constater que certaines scènes dont on a beaucoup parlé ne sont pas présentes; d’autres, comme la longue séquence dans le night-club, prennent une épaisseur dont on n’avait pas idée. Globalement, si certaines scènes restent anecdotiques (comme celles avec Barbara, la tante de Jeffrey), la plupart sont intenses et lourdes de signification.

La première commence par un morceau de blues un peu longuet interprété par un Blanc à la guitare et un Noir au chant. Puis la caméra recule et nous découvrons le bar à prostituées où Frank emmène Jeffrey durant leur nuit de terreur. En entrant avec ses hommes de main, Frank aperçoit un homme qu’il cherchait. Il le brutalise contre une table de billard, tandis que d’affreuses femmes nues ondulent autour de lui.

Apparemment, Franck est furieux parce que cet homme a perdu l’objet auquel il voue un culte fétichiste, un morceau de la robe bleue de Vallens.

Dans une autre scène, on apprend que la police a retrouvé le tissu près de l’endroit où Jeffrey a trouvé l’oreille; il est donc possible que l’homme terrorisé par Frank soit celui qui a jeté l’oreille dans le champ. Cette séquence avait acquis une certaine notoriété car on disait qu’elle contenait un plan d’une prostituée faisant une espèce de tour donnant l’impression que ses seins brûlaient. Ce qu’on découvre ici n’est pas tout à fait à la hauteur de ces attentes.

Dans une autre scène, Jeffrey et Dorothy Vallens montent sur le toit de la résidence Deep River Appartments et Dorothy manque de se jeter dans le vide, accident qui semble servir à souligner ses pulsions suicidaires. Dans la version sortie en salles, le petit ami de Sandy, un costaud qui joue au football américain et s’appelle Mike, n’a qu’un petit rôle. Ici, nous découvrons une longue séquence bizarre où Mike et Jeffrey se retrouvent chez Sandy pour dîner en silence et regarder la télévision.

A mon avis, la meilleure scène coupée est la plus longue. Il s’agit des attractions qui précèdent l’apparition de Vallens sur la scène du Slow Club. On y découvre un terrier qui mange très proprement dans sa gamelle et un comique que je vous recommande de chercher sur YouTube dès que quelqu’un aura mis ce passage en ligne.

Le personnage de Jeffrey gagne en profondeur

Mais les plus importantes scènes coupées sont celles montrant Jeffrey à l’université, lorsqu’il apprend que son père a eu une attaque, puis annonce son départ à ses amis, et notamment à une jeune femme dont il dit être amoureux. Voilà qui donne un peu d’épaisseur à un personnage qui, lorsque nous le découvrons au début du film, semble vierge de tout passé et même de toute intériorité.

Nous apprenons aussi que sa mère lui a forcé la main pour qu’il arrête l’université et revienne travailler au magasin familiale (il s’agit d’un changement important, car la mère est quasiment absente du film).

Dans la scène d’adieu à l’université, l’actrice qui interprète la petite amie de Jeffrey manque tellement de naturel qu’il est difficile de comprendre à quoi elle sert, ou ce qu’elle signifie (il s’agit de Megan Mullaly, ici méconnaissable, qui joue le rôle de Karen dans Will & Grace). Dans une succession de courtes scènes, nous les voyons parler au téléphone et nous comprenons qu’ils sont en train de s’éloigner irrémédiablement. Leur dernière conversation, filmée du côté de Jeffrey, est très amère, puisque la jeune femme lui apprend qu’elle vient de se marier. « Si ça ne marche pas, tu pourras toujours devenir comique », lui dit Jeffrey avant de raccrocher.

Mais une séquence en particulier aurait pu modifier radicalement le film. Elle commence sur une fête d’étudiant un peu triste. «Où est Jeffrey?»; il a reçu un appel urgent. Il s’avère que Jeffrey se trouve dans un sous-sol cradingue, où il est en train d’observer passivement ce qui semble être un viol. Un grand gaillard a coincé une jeune femme, évidemment habillée de bleu, sur un matelas. Jeffrey regarde, fasciné.

Il entend qu’on l’appelle; et c’est seulement là, comme s’il s’éveillait d’un rêve, qu’il dit au malabar de laisser sa victime tranquille. La présence de cette scène dans le film en aurait clairement altéré le sens. Pour nous, la curiosité de Jeffrey lui fait découvrir un monde dont il ne soupçonnait pas l’existence et où il ressent des désir et des pulsions dont il ne savait rien auparavant.

Dans ce sens, Jeffrey est un peu l’alter ego de Lynch qui, lui aussi, observe avec un œil détaché les images mystérieuses et terribles qui lui sortent de la tête. Avec cette scène supplémentaire, nous découvrons plutôt un «Portrait de l’artiste en jeune pervers», pour reprendre le titre de Joyce, qui prend plaisir à regarder un acte sexuel violent. Roger Ebert, au secours!

Sur le disque, on trouve également le documentaire Mysteries of Love, déjà présent sur l’édition DVD, et qui analyse le film, dans son fond et sa forme, avec beaucoup de goût, de finesse et sans fausse pudeur.

Parmi les intervenants, la très cérébrale Isabella Rossellini (qui, faut-il le rappeler, est la fille d’Ingrid Bergman et de Roberto Rossellini) y explique sa vision du film. Il s’agissait de son premier projet américain (Lynch l’a rencontrée par hasard dans un restaurant, ce qui a marqué le début d’une longue relation), et le grand public ne savait pratiquement rien d’elle à l’époque. En l’écoutant, on se rend compte à quel point son intelligence a influencé sa prestation.

La scène nocturne qui avait tant horrifié Roger Ebert, où Vallens, nue et défigurée par les coups, titube en pleine rue, reste une des plus choquante du cinéma moderne. A propos de cette scène, mais également d’autres, Rossellini a déclaré s’être inspirée de plusieurs images croisées au cours de sa vie.

La photo de la petite Vietnamienne courant nue sur une route pour échapper à un bombardement au napalm; un énorme morceau de viande pendu à un crochet; et le souvenir du visage ravagé d’amis européens enlevés et torturés par les Brigades rouges.

Traduit par Sylvestre Meininger

Newsletters

Trois livres sur les traces d'un Paris populaire disparu

Trois livres sur les traces d'un Paris populaire disparu

«L'Est parisien – Genèse d'une reconquête», «Les Plaisirs de la rue» et «La Zone verte» nous offrent un superbe retour dans le passé.

«Los Reyes del mundo», fantastique et réaliste

«Los Reyes del mundo», fantastique et réaliste

Le film de Laura Mora accompagne avec vigueur et inventivité le voyage de jeunes gens lancés dans une quête vitale qui leur fait traverser leur pays, la Colombie marquée par la violence et la misère.

Les reels d'Instagram, un sous-TikTok de l'enfer

Les reels d'Instagram, un sous-TikTok de l'enfer

Le pire mode de voyage dans le temps –et surtout le plus con.

Podcasts Grands Formats Séries
Slate Studio