Novembre 1981. Natalie Wood, la beauté aux yeux bruns de West Side Story, a tout pour être heureuse. Après un passage à vide, sa carrière redémarre: elle est en train de tourner un film avec Christopher Walken, l’un des jeunes acteurs les plus doués du moment. Et après des hauts et des bas, son couple avec Robert Wagner –le séducteur qu’elle a épousé une première fois en 1957 puis en 1972– semble enfin renforcé.
Et puis, le 29 novembre, l’actrice quitte la page spectacles pour entrer dans la rubrique faits divers… Alors qu’elle passait quelques jours avec son mari et Walken à bord de son yacht, le Splendour, elle disparaît. On la retrouve quelques jours plus tard, noyée. L’enquête conclut à un accident. Natalie aurait décidé d’effectuer une sortie en mer, seule, la nuit, à bord d’un canot pneumatique…
Des soupçons émergent aussitôt. La première à ne pas croire à cette mort «accidentelle» est la petite sœur de l’actrice, Lana Wood. La véritable phobie de l’eau dont souffrait son aînée –«l’eau qui est profonde, de l’eau qui est sombre»– lui paraît disqualifier les conclusions de l’enquête. Phobie familiale qui remonte au moment où une gitane avait prédit à la mère de Natalie qu’elle périrait noyée. La peur transmise par sa mère à l’enfant star devient une véritable phobie lorsqu’à 11 ans, elle manque de se noyer lors d’un tournage. Jamais assure Lana, jamais Natalie ne serait sortie en mer seule dans l’obscurité la plus totale.
De là, une longue histoire de mauvais souvenirs et de moments difficiles: Kazan par exemple, fait croire à Natalie jusqu’au dernier moment qu’elle va être doublée pour la fameuse scène où Deanie, l’héroïne de La fièvre dans le sang, tente de se suicider en se jetant sous une cascade. Quand elle se rend compte que personne ne va la remplacer, elle est prise d’une crise de nerfs qui sert le propos du metteur en scène: son héroïne n’est-elle pas en détresse? Il a aussi le plus grand mal à lui faire tourner la scène où Deanie prend un bain. Difficile en regardant ces deux scènes de ne pas lire dans l’hystérie de la jeune Deanie l’angoisse de l’actrice affrontant sa phobie afin de satisfaire son réalisateur.
Que c’est-il donc passé la nuit du 29 novembre 1981? Dennis Davern, à l’époque capitaine du bateau, affirme aujourd’hui avoir caché des éléments essentiels aux policiers sous la pression de Robert Wagner. A l’occasion de la parution d’un livre qui donne sa version des faits, Davern raconte en détails la dispute conjugale (reconnue par Wagner) qui précède la disparition de la star, Wagner accusant sa femme de le tromper avec Walken. Le capitaine aurait entendu des bruits «d’objets, peut-être de personnes» heurtant les murs. Alors que le couple sort de la chambre pour aller sur le pont, le capitaine entend Wagner crier à sa femme: «Descends de mon putain de bateau!»
Quinze minutes plus tard, Davern se rend sur le pont et trouve Robert Wagner, seul. Ce n’est que deux ou trois heures plus tard que Wagner autorise le capitaine à demander des secours. Or, selon l’enquête menée par Margaret Rulli (co-auteur avec Davern de Goodbye Natalie, Goodbye Splendour), Natalie Wood est restée dans l’eau vivante pendant plusieurs heures avant de mourir. Elle serait en effet morte peu de temps avant que son corps ne soit retrouvé, le lendemain matin à 7h45.
Dans 1984, George Orwell imaginait la pire des tortures. Pour briser un homme, mettez-le face à sa peur la plus grande, la plus profonde, la plus destructrice. La petite Natalie se réveillait la nuit prise d’angoisses terribles: elle rêvait qu’elle se noyait. On reste donc face à cette pensée atroce, que le cauchemar de la petite Natalie a fini par devenir réalité.
Curieusement, l’un des principaux protagonistes de l’affaire, Robert Wagner, n’est jamais considéré comme suspect par la police, qui ignore le témoignage de Marilyn Wayne, passagère d’un bateau proche du yacht, qui affirme avoir entendu des cris d’une femme appelant à l’aide.
Aucune explication ne sera donnée pour expliquer les bleus et les traces de griffures retrouvés sur le corps de l’actrice. Dans le dossier envoyé à la police qui a permis la réouverture de l’enquête, Lana Wood clôt son témoignage de manière peu équivoque:
«Je demande à ce que des questions officielles et détaillées en relation avec la mort de ma sœur soient posées à Wagner, pendant qu’il est encore possible de l’interroger.»
Pourtant, le shérif a fait savoir que Wagner, aujourd’hui 81 ans, n’était toujours pas considéré comme suspect. En attendant, l’enquête continue et la vérité sera peut-être enfin faite sur la mort d’une des actrices les plus aimées de l’histoire du cinéma.
Juliette Berger